Tour de France : connaissez-vous Chris Froome, le grand favori ?
C'est l'histoire d'un coureur qui a l'ambition de gagner sept Tours de France, après avoir vaincu un parasite et un leader encombrant... mais dont les performances posent question.
Le héros du Tour de France 2012 n'était pas Bradley Wiggins, le vainqueur à Paris. Mais son lieutenant, Christopher Froome, qui a démontré qu'il était bien plus fort en montagne et au même niveau que son leader en contre-la-montre. Débarrassé de son boss, qui a du mal à se remettre de sa victoire, le coureur anglo-kenyan porte les espoirs britanniques. Même Alberto Contador, triple vainqueur de la Grande Boucle (avant d'être déchu d'un de ses titres pour dopage), en a peur. Il n'est pas trop tard pour faire connaissance.
"Rigide comme un cure-dent sur sa bicyclette"
A première vue, Chris Froome n'impressionne pas. Un coureur cycliste avec la peau sur les os (1,86 m, 72 kg), comme les grimpeurs. "Un gringalet livide aux joues creuses, rigide comme un cure-dent sur sa bicyclette dont il tient le guidon comme une mère de famille pousse un landau", résume le journaliste Guillaume Prébois sur son site.
Né d'un père anglais et d'une mère kenyane d'origine britannique en 1985, Froome a la double nationalité. Il n'a découvert le Tour qu'à 17 ans... en pleine ère Armstrong. Dans son Kenya natal et en Afrique du Sud, il use ses roues sur de petites épreuves, se fait remarquer par son tempérament décontracté (entre les courses, il conduit une Golf aux roues dépareillées et porte un habit traditionnel africain) et s'entraîne auprès d'un coach à dreadlocks. Lors d'une de ses premières courses, sa mère s'inquiète de le voir à la traîne, derrière le peloton : "Est-ce que mon fils est vraiment fait pour le vélo ?"
Escroc, mais pas trop
En 2006, il pirate la boîte mail de la fédération kenyane et fait parvenir un courriel à l'Union cycliste internationale pour annoncer que le Kenya enverra un coureur dans l'épreuve en ligne des moins de 23 ans. Il raconte la suite au Guardian (en anglais) : "J'ai dû prendre quatre bus, marcher un paquet de kilomètres, le tout en transportant mes deux vélos et une valise pour atterrir dans un bed and breakfast près de Salzbourg [en Autriche]. Il pleuvait, naturellement. Il a fallu que je me dépêche pour assister à la réunion des managers. J'avais un plan, mais il pleuvait tellement qu'il s'est liquéfié. J'avais déjà 20 minutes de retard, je voulais accéder à la réunion, et un type m'a dit 'non, non, c'est la réunion des managers.'. J'ai répondu : 'je suis le manager', et le vigile m'a regardé bizarrement."
Sa chance, c'est l'équipe Barloworld, montée par le coureur sud-africain Robert Hunter, qui a percé en Europe. L'improbable formation parvient à être invitée sur le Tour 2008. Froome le termine loin, au 81e rang, mais a marqué les esprits avec une prometteuse 14e place dans un contre-la-montre. Et tant pis si un des coureurs de l'équipe a été mis en examen après un contrôle positif à l'EPO.
La moto et le ver parasite
Il est repéré par l'équipe Sky, mais la carrière de Chris Froome ne décolle pas tout de suite. La faute au bilharzia, un ver parasite qu'il a attrapé en Afrique. Les médecins européens ne le détectent pas. Plusieurs mois durant, Froome souffre de fatigue chronique. Le bilharzia a pour principal effet de détruire les globules rouges, et rend plus difficile l'oxygénation du sang. L'inverse de l'EPO, en quelque sorte.
Même malade, Froome se prépare en s'entraînant pendant cinq ou six heures sous le cagnard sud-africain. En 2010, il fait son grand retour lors du Tour d'Italie... d'où il est exclu pour s'être accroché à une moto en montagne. C'est fin 2011 qu'il explose au plus haut niveau, sur le Tour d'Espagne. La préparation de la richissime équipe Sky paie : les stages à 3 000 mètres d'altitude dans les Canaries, le pédalier différentiel, le bus customisé pour offrir le plus de détente possible aux coureurs... "Il avait une marge de progression énorme, une des plus grosses VO2 max, la plus grosse puissance, se souvient son ancien formateur à l'UCI, Michel Thèze, dans le magazine Pédale. Non, ce n'est pas du tout bizarre de le voir là où il est."
Un coureur à l'eau claire ?
Ses performances sont-elles naturelles ? D'après les calculs de puissance de l'ingénieur Frédéric Portoleau, à lire sur Rue 89, il y a comme un doute. Même Laurent Jalalbert, cité par le magazine La Preuve par 21, n'est pas convaincu : "Comment peut-on développer une telle puissance dans l'exercice du contre-la-montre et avoir si peu de masse musculaire ?" Pourtant, comme tous les membres de l'équipe Sky, Froome a signé un contrat qui prévoit son exclusion immédiate en cas de dopage.
Il avait adhéré au mouvement Bike Pure, qui encourage le cyclisme propre. Mais d'après les responsables du site, le coureur britannique ne leur a pas transmis ses chiffres de puissance, VO2 max et rythme cardiaque. "Cela n’insinue pas que Froome est un coureur suspect, mais nous estimons que si les coureurs ne soutiennent plus notre organisation, alors il n’y a aucune raison de faire leur 'promotion' sur notre site", explique Bike Pure.
"Mes résultats tiendront toujours dans six ou sept ans"
Même s'il ne fait pas l'unanimité dans sa propre équipe, ni à l'extérieur, Chris Froome pourra toujours compter sur le soutien inconditionnel de sa compagne, Michelle Cound. Cette dernière est allée demander des comptes à Bike Pure dès qu'ils ont retiré Froome de la liste. Lors du Tour 2012, elle s'était écharpée avec Mme Wiggins sur Twitter lors de l'arrivée. "Si vous recherchez la loyauté, prenez un chien Froome. Une qualité que j'apprécie, même si certains en abusent", avait tweeté Michelle Cound, déçue que son champion n'ait pas pu jouer sa carte en montagne en raison des directives de Bradley Wiggins. "Voyez plutôt Mike Rogers ou Richie Porte, de vrais exemples de professionnalisme désintéressé", avait répliqué Catherine Wiggins, citant deux autres coureurs de la Sky.
Christopher Froome est passé de "plan B" à leader. Et entend bien en profiter. Dans un entretien au Times début juin, il annonce la couleur : "Je veux gagner le Tour, pas seulement cette année mais lors des sept prochaines éditions." Sept, comme Lance Armstrong (qui a depuis été déchu de ses titres) ? "Je suis sûr que mes résultats tiendront toujours dans six ou sept ans. Le sport a changé."
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