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Tour de France : le "passeport de puissance" peut-il être une arme contre le dopage ?

Pour lever les soupçons qui pèsent sur son coureur Christopher Froome, le directeur sportif de l'équipe Sky a évoqué la création d'un "passeport de puissance". Explications.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le peloton du Tour de France lors de la 13e étape, vendredi 17 juillet 2015. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

Sur le Tour de France, certaines performances étonnent et le débat sur le dopage résonne. "Les données 'cardio', les watts ? Il faut laisser ça aux experts. On a transmis toutes les données à l'agence antidopage britannique", se défend Dave Brailsford, directeur sportif de l'équipe Sky et du maillot jaune Christopher Froome. Avant d'ouvrir la porte. "Maintenant, pourquoi pas un passeport de puissance, comme il y a le passeport biologique ? Toutes les équipes donneraient leurs données de puissance à l'Union cycliste internationale (UCI). On arrive peut-être à un moment où c'est nécessaire." Chiche ?

Un passeport physiologique ? C'est une idée ancienne

Les coureurs d'une équipe membre de l'UCI sont déjà soumis au passeport biologique, depuis 2008. Celui-ci consigne les résultats des contrôles urinaires et sanguins d'un coureur, ainsi que les valeurs "normales" de son profil hématologique et stéroïdien, tout au long de sa carrière. En cas de variation suspecte, une enquête peut donc être ouverte. Mais certains observateurs trouvent ces critères insuffisants. Pour améliorer le contrôle, selon eux, il faudrait encore ajouter les données physiologiques des coureurs, à commencer par la puissance maximale fournie par les sportifs pendant l'effort.

> Mais à quoi correspondent les watts développés par les coureurs ?

Avec cette sortie de Dave Brailsford, difficile de distinguer l'opération de communication de la réelle conviction. Mais il n'est pas le premier à évoquer cette idée. Médecin de l'équipe FDJ, Frédéric Grappe défend cette option depuis plusieurs années. "On propose de faire un passeport physiolo­gique dans lequel on rentrerait toutes les données : puissance, rapport poids-taille, etc. au fil du temps, en remontant le plus loin possible, jusqu’aux juniors", résume-t-il dans Le Figaro. Ce dernier a mis en place un outil, le "profil de puissance record", qui permet d'étudier les performances de ses champions et d'exploiter au mieux leurs capacités physiques.

Explosivité, tolérance lactique, puissance maximale aérobie, endurance... Chaque coureur a un profil qui lui est propre, explique Frédéric Grappe. Il est alors possible d'exploiter la puissance fournie par les coureurs et de la comparer à ce profil, grâce à une série de graphiques détaillés par Eurosport. Une surperformance excessive d'un coureur, au-delà de 10 ou 15%, traduirait immédiatement une anomalie. Encore faut-il disposer de toutes ces données, coureur par coureur. Frédéric Grappe a donc adressé un dossier à l'UCI, au début de l'année. Aujourd'hui, il attend toujours la réponse.

Les données SRM accompagnent les coureurs au quotidien

Lors des étapes, les coureurs peuvent consulter en temps réel leur puissance, grâce à un capteur dit "SRM", fixé sur le pédalier. Cette valeur, exprimée en watts ou en W/kg, est aujourd'hui la donnée principale pour exprimer leur performance, y compris à l'entraînement. Il suffirait donc de confier ces données à l'UCI, ou à une autorité indépendante, mais également plusieurs données comme la taille, le poids, les records ou les différents seuils de performance.

Certains coureurs ont déjà joué la carte de la transparence. C'est le cas de l'Italien Ivan Basso, quand il évoluait au sein de l'équipe Mapei. C'est aussi celui du Français Thibaut Pinot (FDJ), dont plusieurs séries de performance ont été publiées par le magazine Cyclo Sport (en anglais). Enregistrées pendant six ans, elles indiquent une progression constante et régulière. En 2013, le Français est parvenu à rouler vingt minutes à 6,4W/kg. Avec ce type de données, on comprend facilement comment l'Union cycliste internationale pourrait détecter certaines performances suspectes.

Pour l'heure, l'UCI fait la sourde oreille

Séduisante sur le papier, l'idée se heurte pourtant au scepticisme de certains spécialistes. La puissance exprimée lors d'une étape dépend de nombreux paramètres et les données SRM posent des problèmes d'interprétation. "Nous avons des personnes qualifiées qui suivent tous ces dossiers et ont parfois du mal à comprendre. C’est impossible de rendre cela public", se justifait déjà Dave Brailsford en 2013, lors d'une polémique autour de Froome – déjà. Une bonne stratégie ? Attention, toutefois, aux fuites de données. Lors du Tour 2013, Christopher Froome a survolé le mont Ventoux. En plein Tour 2015, voici qu'une vidéo revient sur l'ascension monstrueuse du Britannique, avec la publication de données SRM confidentielles.

Pour le moment, seule une poignée de voix réclament la mise en place de ce passeport. Pas de quoi brusquer l'UCI, qui a choisi d'opposer un silence radio. Au moins de mars, la question n'a même pas figuré dans le dernier rapport indépendant sur le dopage qu'elle avait commandé. La commission indépendante de la réforme du cyclisme préfère insister sur "une meilleure collaboration entre l’UCI et les Etats ainsi qu’avec les différentes agences" et préconise "davantage de contrôles nocturnes".

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