Trois joueurs Brésiliens soutiennent les manifestations
Le premier à monter au créneau a été l'arrière droit Dani Alves, qui a écrit sur son compte Instagram en lettres capitales, sous un oeil figurant le drapeau brésilien, la devise qui y est inscrite ("ordre et progrès") puis certains mots d'ordre des manifestants: "Ordre et progrès sans violence, en paix, pour un Brésil éduqué, pour la santé au Brésil, pour un Brésil honnête, pour un Brésil heureux". Le joueur du FC Barcelone brisait ainsi le silence dans lequel les joueurs étaient restés confinés concernant la vague de protestation sociale qui traverse le pays depuis la semaine dernière et qui a pris une ampleur historique lundi soir, avec notamment l'envahissement du toit et des abords du Congrès national à Brasilia et des scènes de violence urbaine à Rio de Janeiro et Porto Alegre.
David Luiz : "En faveur des manifestations sans violences"
Lundi en milieu de journée, l'arrière gauche Marcelo avait ainsi assuré que ce qui se passait à l'extérieur du groupe ne "l'affectait pas", et qu'il restait concentré sur son tournoi. Subit changement de ton à la conférence de presse du lendemain. Mardi, les deux joueurs qui se sont prêtés à cet exercice quotidien sont allés dans le sens de Dani Alves et ont pu développer leur point de vue, chose rare dans le monde du football, voire du sport en général. "Je suis en faveur des manifestations sans violence, a dit le défenseur central David Luiz. Les citoyens ont le droit d'exprimer leurs opinions, le fait qu'ils ne sont pas contents, c'est une manière pour atteindre leurs revendications et améliorer la situation du pays".
"Je suis brésilien, même si je vis à l'étranger (à Londres, ndlr), et j'espère toujours que le Brésil progresse, a-t-il ajouté. Les manifestants luttent pour la santé et l'éducation. On a besoin d'unité. Nous espérons que nous arriverons à un consensus et que l'avenir sera meilleur. Bien sûr, nous ne sommes pas heureux quand on voit de la violence". Idem chez l'autre joueur qui s'est présenté devant les journalistes. "Aujourd'hui, j'ai une position sociale privilégiée, mais je n'oublie pas que je viens d'un milieu pauvre", a souligné l'attaquant Hulk, originaire de la région défavorisée du Nordeste, où se situe Fortaleza. "Ils ont raison de protester, ce qu'ils disent et ce qu'ils souhaitent est de bon sens, a-t-il développé. Il faut écouter ce qu'ils disent. Le Brésil a besoin de progresser dans beaucoup d'aspects, c'est pourquoi nous les soutenons. Nous savons qu'ils disent vrai".
Les joueurs de la Seleçao favorables au Mondial
Il a en revanche écarté l'idée que les manifestants s'opposent au Mondial-2014, même si certains s'en prennent aux énormes dépenses engagées par le gouvernement en vue du tournoi, dont la Coupe des Confédérations fait office de préparation. "C'est un triomphe pour le Brésil d'avoir la Coupe du monde, il y a des millions de personnes qui aiment le football dans ce pays". Il a aussi dit qu'il n'avait pas vu les quelques centaines de personnes qui étaient venues lundi soir manifester devant l'hôtel de la Seleçao à Fortaleza, en solidarité avec le reste du pays. Le sélectionneur Luiz Felipe Scolari, pour lequel ces manifestations "n'interfèrent pas" avec le travail de la Seleçao, s'est borné à les estimer "normales dans une démocratie". "Les joueurs ont une complète liberté pour donner leur opinion sur quelque sujet que ce soit, chacun assumant bien sûr sa responsabilité, a aussi affirmé "Felipao". Nous n'interdisons rien, mais il faut aussi prendre en compte les intérêts de la sélection. Mais c'est important que les sportifs s'expriment, parce que cette séparation (avec l'extérieur, ndlr) a cessé d'exister".
De son c^té, Dilma Roussef a affirmé comprendre les manifestants. "Mon gouvernement écoute ces voix en faveur du changement. Il est engagé en faveur de la transformation sociale", a réagi la présidente de gauche lors d'un discours à Brasilia. Les manifestants, en majorité des jeunes diplômés de la classe moyenne sans étiquette politique ni syndicale, continuaient de se mobiliser mardi sur les réseaux sociaux. Une nouvelle manifestation était prévue dans l'après-midi à Sao Paulo pour protester contre l'augmentation du prix des transports publics, la piètre qualité de services publics et les sommes colossales dépensées pour le Mondial-2014 de football. Avec l'essor économique et social du pays qui s'est hissé aux rang de septième puissance économique mondiale au cours de la dernière décennie, "ont surgi des citoyens qui réclament plus et ont droit à plus", a analysé Dilma Rousseff.
Dilma Roussef comprend
Il est normal, a-t-elle souligné que "les exigences de la population changent au fur et à mesure que nous transformons le Brésil, que nous augmentons la richesse, l'accès à l'emploi et à l'éducation". Le gouvernement tente de reprendre la main après avoir été totalement pris de court par cette fronde née il y a une dizaine de jours. Le mouvement de grogne d'abord limité contre une augmentation de 7% du prix des transports publics, s'est amplifié après la violente répression policière de certaines manifestations la semaine dernière. La journée de jeudi sera sensible, avec des marches prévues dans plusieurs villes du pays, notamment à Rio. Le Brésil n'avait pas assisté à des protestations aussi massives depuis celles dirigées en 1992 contre la corruption du gouvernement de l'ex-président Fernando Collor de Mello, finalement contraint de quitter le pouvoir. "La situation est encore un peu confuse. Des manifestations de ce type mobilisent beaucoup de monde et deviennent incontrôlables des deux côtés: il y a des excès de la part de la police et de certains manifestants", a affirmé mardi à l'AFP l'expert en violence de l'Université de Rio (Uerj), Alba Zaluar. "Il est intéressant de relever que les jeunes ne veulent pas de drapeaux de partis politiques. Ils souhaitent un mouvement plus ouvert mais cela attire aussi des voleurs, des agitateurs et des casseurs, comme en Europe", explique-t-elle.
"Avec la Coupe des Confédérations, le monde a les yeux tournés vers le pays mais je suis perplexe, je me demande pourquoi ces jeunes n'ont pas manifesté plus tôt. Exiger plus de santé et éducation au lieu d'investissements dans les stades, tout le monde est pour. Nous allons voir comment cela évolue", ajoute Mme Zaluar. La popularité du gouvernement a chuté de huit points en juin, pour la première fois depuis l'élection à la présidence en 2011 de Mme Rousseff, alors que la croissance est en berne sur fond de poussée inflationniste. Mardi midi, près du Parlement de l'État de Rio, théâtre de violences pendant la nuit, une odeur âcre prenait encore à la gorge. Des pompiers achevaient d'éteindre un incendie dans une boutique ravagée. "La manifestation, c'est normal mais pas cette destruction", commentait Raquel Texeira, une avocate de 34 ans. "Je pense que ce ne sont pas des manifestants qui ont fait ça, mais des casseurs, des agitateurs".
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