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"Une absence de plans ambitieux en faveur du sport", s'inquiète le spécialiste de l'économie du sport Pierre Rondeau

A quelques heures des nouvelles annonces du président de la République, les acteurs du monde du sport craignent de nouvelles mesures restrictives. Déjà largement touchés par la crise sanitaire et économique du coronavirus, de nombreux clubs pourraient cette fois ne pas s'en relever. Pierre Rondeau, spécialiste de l'économie du sport, dresse pour France tv sport, un bilan du secteur sportif plus que fragilisé.
Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
Fermeture d'une salle de sport suite aux mesures annoncées par Olivier Veran, le 24 septembre dernier, pour ralentir la croissance de la Covid-19 en France.  (FLORENT VANNIER / HANS LUCAS)

Le monde du sport est, depuis le début de la pandémie mondiale de coronavirus, lourdement touché. Plus de sept mois après le début de cette crise sanitaire et économique, quel est votre constat pour le monde du sport en général ? 
Pierre Rondeau :
"Pour le moment, de ce que j'entends à l'approche des annonces du chef de l'Etat, c'est que le sport professionnel éviterait les problématiques d'un confinement, autrement dit que les saisons ne seraient pas arrêtées, que les championnats pourraient continuer, et que les matchs auraient encore lieu. Mais par contre, ils seraient tous à huis clos. Une situation qui serait très problématique pour des championnats comme le rugby, le basket, ou le volley, qui vivent essentiellement des recettes de billetteries des matchs. 

Le football, lui, dont son économie dépend fortement des droits télé, s'en sort mieux. Dès lors que les matchs jouent à huis clos, avec les droits télé, le secteur tiendra le coup économiquement. Sauf que maintenant, vient s'ajouter l'affaire Mediapro et son incapacité à payer les droits télé. Sans parler de l'inquiétude qui grandit avec la crise sanitaire, le maintient de la fermeture des bars, et très certainement la prolongation de la crise. Du coup, même pour le milieu du football et son système économique différent des autres sports, l'inquiétude grandit."

Et pour le sport amateur, l'inquiétude est encore plus grande...
PR :
"Oui, il y a une immense inquiétude pour le sport amateur. Le budget du sport amateur dépend des matchs et de tout l'extra-sportif, comme les buvettes, les événements etc. Les clubs amateurs peuvent tenir grâce aux réunions populaires durant ou en dehors des rencontres et donc grâce à cette économie locale. Si vous imposez un confinement, il va très certainement se traduire par un arrêt des championnats. En plus de cela, on ajoute la crise sanitaire, économique, l'inquiétude grandissante liée à ce contexte et la baisse des licenciés... Puis, on ajoute aussi une absence de plans ambitieux en faveur du sport comparativement au plan en faveur de la culture. Tout cela fait que, oui, il y a une immense inquiétude des acteurs du sport amateur."

Pensez-vous, que dans les mois qui viennent, à cause de la crise sanitaire et de ses nombreuses conséquences, certains clubs, qu'ils soient professionnels ou amateurs, puissent mettre la clé sous la porte ? 
PR : 
"Bien sûr, c'est une vraie inquiétude, et qui grandit, autant chez les professionnels et que chez les amateurs. Il y aura des conséquences fâcheuses comme des licenciements, des plans sociaux, des réductions de salaire, voire des non-paiements de salaire dans les sports professionnels. C'est la première étape de l’inquiétude. Pour tenir économiquement, les clubs devront réduire leur voilure, et imposer des variables d'ajustement sur les salaires, sur le nombre de salariés, et donc le chômage augmentera dans le secteur sportif. Ensuite, on verra sûrement des cessations de paiement, des faillites, des fermetures de clubs, qui n'auraient plus les moyens et les capacités de pouvoir poursuivre leur activité. 

L'autre point à mettre en avant, c'est sur la pratique sportive des particuliers. Pour les clubs amateurs, il s'avère que, bien que le confinement ait fait augmenter de 30% la pratique sportive individuelle et individualisée, les gens se sont rendus compte qu'ils pouvaient faire du sport seuls, à la maison, en extérieur avec la course à pied, le vélo, ou via une application etc. Finalement, par la multiplication et par la durabilité des confinements, on va perdre l'habitude de pratiquer un sport en club ou en association."

De nombreux acteurs du monde sportif affirment dans différents médias que le sport ne semble pas être pas la priorité du gouvernement. Du point de vue économique, le monde du sport est-il lésé par rapport à d'autres secteurs ?
PR :
"Symboliquement, oui. Par exemple, la semaine dernière, lors des annonces du gouvernement au sujet du couvre-feu, plusieurs ministres sont venus préciser des mesures de soutien, comme Roseline Bachelot qui a annoncé un plan d'aides pour la culture mais pour le sport, personne n'est venu. Certes, la ministre déléguée Roxana Maracineanu, étant positive à la Covid-19 devait rester à l'isolement, mais Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Education nationale, de la jeunesse et des sports, n'a pas pris le relais pour autant.

Toutefois, il faut malgré tout souligner que économiquement, le sport pèse moins que d'autres secteurs d’activité, comme le tourisme ou l'industrie. Le sport, c'est un peu moins de 200 000 emplois créés directement ou indirectement, alors que l'industrie ou l’hôtellerie, c'est entre 500 000 et 1 million d'emplois créés, et une activité économique très importante. Par ailleurs, dans l’inconscient collectif, le sport ne pèse pas grand chose, et est toujours considéré comme un loisir et non comme un secteur économique à part entière."

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