Une belle Allemagne, pas une grande Allemagne
On a presque tout dit sur les Allemands durant cette Coupe du monde mais pas l'essentiel. D'accord, l'Allemagne regorge de talents. Ozil, Khedira, Schweinsteiger ou Thomas Müller ont en sont les figures de proue. D'accord, elle possède avec Klose un renard des surfaces digne de Gerd Mûller, der Bomber. D'accord toujours, le style de jeu offensif développé par Joakim Low, dans la continuité de l'Euro 2008 et même de ce que prônait Jurgen Klinsmann au dernier Mondial, plaît à juste titre (13 buts inscrits). D'accord encore, la RFA a sorti des cadors comme l'Angleterre et l'Argentine, d'anciens champions du monde. D'accord enfin, l'Allemagne a d'ors et déjà laisser son empreinte sur cette première édition sud-africaine.
Mais il convient de relativiser tous ces éléments et d'apporter un éclairage un peu plus net sur le parcours de la Mannschaft en Afrique du Sud. Déjà, l'Allemagne n'a pas remporté le seul match où elle a été menée à la marque (0-1 contre la Serbie). Ensuite, 12 de ses 13 buts ont été inscrits en trois matches seulement face à des adversaires bien décevants (l'Australie qui a terminé à 10 le premier match, l'Angleterre lésée par l'arbitrage mais très faible en défense et l'Argentine, sans aucun fond de jeu malgré des attaquants très doués). Contre Anglais et Argentins, les partenaires de Phillip Lahm ont même bénéficié des prouesses des gardiens James et Romero pour ouvrir rapidement le score. Devant la Serbie et le Ghana (1-0), deux rivaux autrement plus coriaces et mieux organisés, les vice-champions d'Europe ont souffert. Les Allemands savent profiter des contres et ils misent sur la verticalité du jeu de brillante façon. En trois passes, ils peuvent se retrouver face au but adverse.
Mais que vont-ils faire s'ils se retrouvent privés de ballon (comme lors de la finale de l'Euro) ou s'ils se retrouvent menés et donc obligés de se découvrir. Exploiter les faiblesses des autres est une chose mais savoir attendre le moment propice pour porter l'estocade dans un match cadenassé (comme a su le faire l'Espagne contre le Portugal puis le Paraguay) ou carrément renverser la vapeur (comme les Pays-Bas face au Brésil), je ne suis pas certain que nos cousins germains sachent le faire. Sans compter qu'ils ont maintenant la pancarte. Ils doivent assumer leur statut de favoris alors qu'ils n'étaient jusqu'ici que des outsiders derrière le Brésil, l'Espagne, l'Angleterre voire l'Argentine. Entendez bien que je ne souhaite pas rabaisser le mérite allemand qui est très grand. Cette formation privée de son meilleur joueur juste avant le Mondial (Michael Ballack) développe une riche palette offensive et semble afficher une sérénité défensive de bon aloi. Pourtant, elle ne dégage pas une impression de maîtrise et de puissance comme la RFA des années 80 (deux finales de Coupe du monde en 1982 et 1986 et une victoire en 1990) sans parler de celle des années 70, probablement l'une des meilleures équipes de l'histoire (doublé Euro 72-Mondial 1974) avec le grand Franz Beckenbauer à sa tête. Son potentiel est moindre et ses capacités mentales demeurent encore une énigme.
Cette Nationamannschaft, en revanche, est sans conteste supérieure à l'équipe finaliste du Mondial 2002 qui avait profité d'un tirage au sort clément. Technique et fluide, elle peut donc enlever cette Coupe du monde promise au départ à l'Espagne ou au Brésil. Si elle sort "l'Invincible Armada" en demie (44 victoires, trois nuls et une défaite pour ses 48 derniers matches), elle réalisera une très belle performance qui devra encore être confirmée en finale, vraisemblablement contre l'ennemi batave. En cas de double succès, on pourra alors vraiment parler de grande Allemagne. Pour le moment, contentons-nous d'écrire qu'il s'agit d'une (très) belle Allemagne. C'est déjà ça mais ça ne suffit pas pour rentrer au Panthéon du football. En tous cas, c'est prématuré.
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