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ENTRETIEN. Affaire Yannick Agnel : "Il faut multiplier les actions de prévention et de formation", estime le fondateur de l'association Colosse aux pieds d'argile

Sébastien Boueilh se félicite de la libération de la parole, mais estime qu'il reste beaucoup de travail à faire pour lutter contre les violences sexuelles dans le sport.

Article rédigé par franceinfo: sport - Elio Bono
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Sébastien Boueilh, président de Colosse aux pieds d'argile, lors d'une intervention devant des jeunes sportifs. (Colosse aux pieds d'argil)

Depuis 2013, l'association Colosse aux pieds d'argile, fondée par l'ancien rugbyman Sébastien Boueilh, lutte contre les violences sexuelles dans le sport. Pour cela, elle intervient sur le terrain en sensibilisant différents acteurs sportifs. La mise en examen de l'ancien nageur Yannick Agnel pour viol et agression sexuelle rappelle à quel point ce sujet de société reste actuel. Pour franceinfo: sport, le fondateur de l'association dresse un état des lieux de la situation et apporte des solutions.

Franceinfo: sport : Depuis la création de Colosse aux pieds d'argile, en 2013, sentez-vous que la parole se libère plus facilement dans le monde du sport ?

Sébastien Boueilh : On y arrive petit à petit. Quand j’ai créé l’association, j’arrivais avec un sujet tabou qui faisait presque peur. Il y a eu une première évolution en 2016, quand on a professionnalisé le combat : on est désormais 22 salariés. Ensuite, l'arrivée de Roxana Maracineanu (ministre déléguée chargée des Sports, NDLR) a marqué un tournant.

Deux mois après sa prise de fonction, en 2018, elle m'a convoqué. Je lui ai expliqué les problèmes dans le sport, notamment les prédateurs et prédatrices qui, une fois purgée leur peine, reviennent en tant que bénévoles. Il y avait aussi la problématique des violences de « mineurs sur mineurs », perceptibles notamment dans les actes de bizutage.

Sébastien Boueilh lors d'une intervention en 2019 à Guérande. (OLIVIER CORSAN / MAXPPP)

Concrètement, quelles mesures ont été prises par le ministère ?

Des témoignages de sportifs de haut niveau sont apparus, le ministère a réagi quand les médias s’en sont faits écho. Il a mis en place une convention, et une cellule dédiée au signalement. Un référent et une cellule dédiés à ce sujet ont été imposés dans chaque fédération. Beaucoup de choses ont évolué ces trois dernières années.

De notre côté, on intervient pour le ministère sur la prévention et la sensibilisation auprès des services décentralisés de l’Etat. On est sur le terrain quotidiennement, on a dispensé plus de 1000 interventions depuis janvier. On est désormais identifiés en tant qu’experts. Avant ces affaires, une douzaine de fédérations étaient conventionnées avec nous. Elles sont aujourd’hui quarante.

Peut-on s'attendre à ce que la médiatisation de l'affaire Agnel accélère cette prise de conscience ?

Oui, cela permet de libérer la parole d’autres victimes. Dans sa communication, la Fédération française de natation (partenaire de l'association, NDLR) a ouvert la portes à toutes les victimes dans cette discipline. Il y en a peut-être d'autres.

Je pense qu’on en est au début. Des sportifs de haut niveau sont sortis du silence, mais certaines fédérations ne leur emboitent pas le pas pour essayer de libérer d’autres paroles. 

En septembre dernier, Roxana Maracineanu a évoqué 533 affaires en cours de traitement. Ce chiffre est-il sous-estimé ?

Il n’y a pas une discipline qui n’est pas touchée de près ou de loin par ce fléau. Certaines "favorisent" l’acte : plus l’enfant est dénudé, plus il attire l’œil : natation, gym, athlétisme. Ils peuvent donc être victimes de voyeurisme.

10 millions de mineurs pratiquent du sport en France, je pense qu’on est loin des chiffres réels. 500 c’est peu, mais c’est en même temps beaucoup par rapport à ce qu’on avait avant. Après, nous, sur le terrain, on n’est pas étonnés. C’est notre quotidien, on reçoit des témoignages tous les jours.

Dans certains cas, la violence vient du rapport de domination entre un entraîneur et un sportif. Quels moyens sont mis en œuvre pour limiter cette mainmise ?

C'est toute la problématique du rapport entraîneur/entraîné. On peut aussi se retrouver dans des cas de mineurs qui veulent plaire à leur entraîneur. Si celui-ci est fragile, il peut tomber dans l’agression sexuelle.

Pour faire prendre conscience que c’est interdit, il faut multiplier les actions de prévention et de formation. Du moment qu’on a autorité sur mineur, même si les deux sont consentants, il faut attendre qu’elle soit majeure pour avoir un rapport sexuel. Tout passera forcément par la formation. Plus on multipliera les actions sur le terrain, plus les personnes capteront les signaux envoyés par les victimes.

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