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Éradiqué en championnat, ravivé en sélection nationale, où en est le hooliganisme en Angleterre ?

Les incidents en marge de la finale de l'Euro 2021 à Wembley rappellent les années de terreur des hooligans, en Angleterre.

Article rédigé par franceinfo: sport - Pauline Guillou
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
Les forces de l'ordre ont arrêté 49 personnes en marge de la finale de l'Euro, entre l'Italie et l'Angleterre. (VICTORIA JONES/AP/SIPA / SIPA)

Entre les larmes et l'émotion des supporters anglais, des scènes de guerre dans les rues de Londres. Lors de la finale de l'Euro le 11 juillet, le football anglais a retrouvé ses vieux démons en voyant certains supporters ravager certaines artères de la capitale. Jets de projectiles, affrontements entre supporters, grilles du stade forcées... Si l'Italie a ramené le football à Rome, l'Angleterre a rappelé que le hooliganisme était toujours présent "at home".

Cocktail explosif

Dans une vidéo, prise dans les couloirs du stade, on voit un groupe d'hommes en frapper d'autres, à terre parfois, à coups de pieds et de poings. D'autres images montrent des dizaines de supporters sans billets renverser les barrières de sécurité à l'entrée de Wembley. Entre la frustration de ne pas pouvoir accéder au stade, mélangée à l'alcool et à une année entière de privation, "le cocktail était explosif", juge Williams Nuytens, enseignant chercheur à l'université d'Artois. 

"Ces évènements étaient prévisibles, et prévus, mais pas de cette envergure" ajoute-t-il, qualifiant les faits "d'actes hooligans". À la différence du supporter ultra, qui n'est pas nécessairement violent, la frange hooligan du supportérisme a la volonté d'en découdre physiquement, en permanence. "Les actes auxquels nous avons assisté étaient des actes hooligans, il est possible que certains se soient glissé dans la foule". 

"Le foyer du hooliganisme, c'est l'Angleterre"

Williams Nuytens

à franceinfo: sport

Très présent dans les années 1980 en Angleterre, le hooliganisme a été quasiment éradiqué des stades de Premier League. En élevant les tarifs, et en régulant l'accès aux tribunes, les instances dirigeantes du football ont réussi le pari d'adoucir leur image, après des drames meurtriers. "Ces problèmes n'ont pas été supprimés, ils ont été déplacés aux abords des stades", estime Williams Nuytens.

Le phénomène reste bien ancré dans la culture footballistique anglaise. En 2016 déjà, lors de l'Euro organisé en France, de graves incidents avaient eu lieu entre hooligans russes et anglais dans les rues de Marseille. Deux ans plus tard, pour éviter de reproduire l'expérience, 1200 hooligans anglais avaient été empêchés de se déplacer en Russie.

Un supporter anglais, lors des émeutes en marge du match Angleterre-Russie de l'Euro 2016 à Marseille. (LEON NEAL / AFP)

Nationalisme, racisme... "Le football est la caisse de résonance de ce qui se passe dehors"

Malgré le côté marginal des faits, les violences qui se sont déroulées à Londres sont le reflet d'une société divisée. Pour le chercheur et sociologue Patrick Mignon, le contexte politique a joué un rôle majeur. Après la défaite de l'Angleterre face à l'Italie, plusieurs joueurs ont été la cible d'insultes et tweets racistes, "un des éléments clé du hooliganisme"."En Angleterre, on a tendance à sous-estimer la force de l'extrême-droite, et Boris Johnson attise ces tensions", explique le chercheur. 

À ces affrontements entre supporters, s'ajoutent également des tensions avec la police. "Ce n'est pas parce que l'évènement génère une grande mobilisation des forces de l'ordre qu'il n'y a aucun incident. Bien au contraire", juge Williams Nuytens. Dans un tweet, la police londonienne a annoncé avoir arrêté 49 personnes, en marge d'affrontements qui ont fait 19 blessés parmi les forces de l'ordre.

Un supporter anglais devant les forces de l'ordre, à la fanzone de Trafalgar Square, avant la finale de l'Euro, le 11 juillet. (TOLGA AKMEN / AFP)

Les dérives d'un Euro itinérant 

Décrié par les joueurs, fédérations, supporters et même par le président de l'UEFA Aleksander Ceferin, l'Euro à 11 villes n'a cessé de diviser. Au regard des heurts et affrontements en marge de la finale, la liste des arguments défavorables à ce format s'allonge. Avant même le début de l'Euro, la directrice d'Europol Catherine De Bolle évoquait un "défi sécuritaire d'une complexité sans précédent". Même son de cloche pour Williams Nuytens, qui juge que "ce format multipolaire" empêchait une mobilisation coordonnée des forces de l'ordre.

"La posture idéologique portée par Michel Platini est louable, mais d'un point de vue opérationnel, c'est sujet à question" estime-t-il. En plus de la crise sanitaire, les polices européennes ont eu à jongler avec ce format itinérant. "Ça a été un casse-tête" décrivait le chef de la Division nationale de lutte contre le hooliganisme, Thibaut Delaunay. La gestion des supporters par les autorités reste un enjeu majeur au Royaume-Uni, d'autant plus quand on sait que le pays est candidat à l'organisation de la Coupe du monde 2030 aux côtés de l'Irlande.

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