Violences sexuelles dans le patinage : ce qui est reproché à Didier Gailhaguet, patron de la fédération
Les accusations d'agressions sexuelles et de viols sur des patineuses provoquent un séisme dans la fédération. Son président "ne peut se dédouaner de sa responsabilité morale et personnelle", a estimé, lundi, la ministre Roxana Maracineanu, qui a demandé son départ.
C'est un coup dur pour le président de la Fédération française des sports de glace (FFSG), Didier Gailhaguet. La ministre des Sports, Roxana Maracineanu, a demandé sa démission, lundi 3 février, à l'issue de son entretien concernant les récentes révélations de violences sexuelles dans le patinage, publiées par L'Equipe (article payant) et L'Obs.
Didier Gailhaguet a été convoqué pour s'expliquer notamment sur le maintien, dans les années 2000, de Gilles Beyer, l'un des entraîneurs soupçonnés d'agressions sexuelles et de viol. "Au regard des révélations et des témoignages que j'ai pu recueillir, Didier Gailhaguet ne peut se dédouaner de sa responsabilité morale et personnelle", a assuré la ministre. Pourquoi le puissant président, âgé de 66 ans, est-il la cible des critiques ? Éléments de réponse.
Il a connu plusieurs scandales depuis qu'il est à la tête de la fédération
Après avoir débuté sa carrière comme patineur dans les années 1970, Didier Gailhaguet devient entraîneur. En 1985, il découvre Surya Bonaly, qu'il mènera à cinq titres européens. En 1992, il devient directeur des équipes de France de patinage artistique et de danse sur glace. Rien ne semble l'arrêter. Il poursuit son ascension et prend la tête de la FFSG en 1998. Un règne toutefois perturbé par plusieurs scandales.
En 2002, il est éclaboussé par une affaire de tricherie aux Jeux olympiques de Salt Lake City (Etats-Unis). Ce qui lui vaut d'être interdit de toute fonction dans le patinage international pendant trois ans. Une déconvenue qui ne l'empêche pas d'être réélu à la présidence de la fédération, la même année, avec 84,5% des suffrages exprimés
En 2004, nouvelle affaire. Cette fois, un rapport de la Cour des comptes dénonce des dérives de gestion au sein de la FFSG. Didier Gailhaguet est alors contraint de démissionner de son poste de président. Il reste une figure très présente dans le patinage et devient le conseiller personnel de la star française Brian Joubert.
Trois ans plus tard, il revient à la tête de la fédération. En 2010, il est plébiscité avec 88% des voix après avoir pourtant été vivement critiqué pour sa gestion sportive par la secrétaire d'État aux Sports de l'époque, Rama Yade. En 2014, une mission d'inspection ministérielle est diligentée. Il reste président de la FFSG avec 66 % des votes face à deux candidats. En 2018, personne ne s'oppose à lui lors des élections à la tête de la fédération.
Il est proche de l'entraîneur Gilles Beyer, accusé de viols et d'agressions sexuelles
Que savait-il des faits reprochés à Gilles Beyer ? "Ce qui est sûr, c'est qu'il n'a pas empêché ces agissements. Ils sont très, très proches avec Gilles Beyer. Ils ont toujours été ultra proches. C'est un pote. Il l'a toujours mis dans ses affaires ", affirme Gwendal Peizerat au micro de franceinfo. Pour le champion olympique de patinage et ex-candidat à la présidence de la FFSG contre Didier Gailhaguet en 2014, ce dernier n'a pas empêché les agissements de Gilles Beyer.
Didier Gailhaguet est omnipotent dans la fédération. Tout passe par lui. Il sait tout. Qu'il ne sache pas que ça soit allé jusqu'au viol ? Possible. Maintenant, il savait que Gilles Beyer avait des attitudes très discutables vis-à-vis des filles et des jeunes filles.
Gwendal Peizeratà franceinfo
Didier Gailhaguet et Gilles Beyer ont été patineurs à la même époque. Lorsque Didier Gailhaguet quitte la direction des équipes de France pour la présidence de la fédération, en 1998, c'est Gilles Beyer qui lui succède.
En dehors de la sphère professionnelle, Didier Gailhaguet a épousé la patineuse Annick Dumont, ancienne compagne de Gilles Beyer. Pour Jean-Christophe Simon, ex-patineur devenu entraîneur, cette proximité implique que le président devait être au courant des actes de Gilles Beyer, rapporte RTL.
A l'issue de son entretien avec la ministre des Sports, le président de la fédération s'est défendu. Il a assuré qu'il avait découvert les faits d'agressions sexuelles et de viols qui ont touché le milieu du patinage dans la presse et dans le livre de Sarah Abitbol, l'une des accusatrices de Gilles Beyer.
Il n'a pas écarté Gilles Beyer, visé par une enquête administrative en 2001
Au début des années 2000, sur la base d'un signalement de parents, Gilles Beyer avait fait l'objet d'une enquête judiciaire qui n'a pas abouti, puis d'une enquête administrative, qui a conduit le ministère des Sports à mettre fin à ses fonctions de cadre technique à la Fédération, en mars 2001. L'enquête "concluait de façon très nette qu'il fallait écarter cet entraîneur des jeunes athlètes", a assuré la ministre de la Jeunesse et des Sports de l'époque, Marie-George Buffet, à franceinfo. Elle ajoute que Didier Gailhaguet "ne pouvait pas ignorer tous ces faits" et appelle à faire le "grand ménage" au sein de la fédération.
Malgré cette mise à l'écart, Gilles Beyer a poursuivi sa carrière au club parisien des Français volants, comme délégué général, jusqu'à son éviction vendredi 31 janvier, et a effectué plusieurs mandats au bureau exécutif de la FFSG jusqu'en 2018.
En 2011, Gilles Beyer est même 'team leader' de l'équipe junior qui part en Corée du Sud pour les championnats du monde juniors.
Gwendal Peizeratà franceinfo
Dès mercredi soir, le ministère des Sports avait fait savoir que Roxana Maracineanu attendait que Didier Gailhaguet lui explique comment Gilles Beyer "a pu se retrouver dans l'écosystème", alors qu'"il est tout à fait improbable que la fédération n'ait pas eu connaissance des mesures prises à son encontre". Après la demande de démission formulée par la ministre, lundi, Didier Gailhaguet a indiqué "regretter cette décision".
Concernant le sort de l'entraîneur Gilles Beyer, Didier Gailhaguet a renvoyé la responsabilité à "la ministre qui était en poste au moment des faits", Marie-George Buffet, qui a, selon lui, "laissé commettre ces exactions". L'une des victimes déclarées, Sarah Abitbol, avait aussi témoigné de l'inaction d'un autre ministre des Sports, Jean-François Lamour, en fonction entre 2002 et 2007.
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