"Je n'en suis pas fier" : les skippeurs confrontés au bilan carbone du retour des voiliers après les courses transatlantiques

Par le passé, le navigateur Adrien Hardy a déjà gagné la Transat Jacques Vabre. Mais cette année, il n'a pas prévu de partir, pour des raisons écologiques. Il nous explique :"Il y a quatre ans, j'ai participé à cette transat. C'est une course formidable, ça a duré trois semaines, et puis je suis rentré à toute vitesse, en sept heures en avion. Le bateau, on l'a laissé de l'autre côté et il est rentré en cargo." 

Pendant le trajet retour, Adrien Hardy se pose des questions sur cette organisation, et décide de ne plus participer à ce genre de courses : "Ça faisait un peu de temps que je m'interrogeais sur les impacts de mon sport, qui en lui-même est propre, mais qui, dans sa logistique, en devient un sport assez polluant."

Ce que dénonce ce navigateur, ce sont les "retours cargo". Après la course, certains voiliers sont chargés sur d'énormes porte-conteneurs pour revenir à bon port.

Un retour très polluant

Les organisateurs de la Route du rhum ont fait le calcul. Pour un voilier de 12m de long, un retour en cargo depuis la Guadeloupe émet 48 tonnes d'équivalent CO2. C'est cinq fois plus que les émissions moyennes d'un Français sur toute une année. 

Sur internet, certaines compagnies de transport font la promotion de leurs services auprès des navigateurs, images à l'appui. Sur ces cargos, le prix des places se négocie très cher, comme on peut le voir dans ce mail que nous nous sommes procurés, rédigé par une association qui regroupe des skippeurs. Il est écrit : “L'offre la plus intéressante reçue est 408 000 euros la pontée. Somme à diviser entre les bateaux intéressés. Cela fait 25 500 euros si 16 [bateaux transportés]".

Pour le navigateur Mikael Mergui, faire le trajet retour à la voile aurait coûté encore plus cher, à cause notamment d'une surprime d'assurance. Il a donc opté pour un retour en cargo, même s'il n'est pas forcément à l'aise avec ce choix :

"C'est quelque chose que je ne suis pas fier du tout de faire, clairement, mais j'ai pas un budget 'no limit'. Un bateau à voile devrait normalement être ramené par la mer, et je le ramène en cargo."

Mikael Mergui, navigateur

à "L'Œil du 20 Heures"

Contactés, les organisateurs de la Transat Jacques Vabre assurent que les retours en cargo sont de moins en moins nombreux. Pour cette édition, ils ne seront que huit bateaux sur 95 à revenir de cette manière. Les organisateurs précisent : "Nous pensons l'interdire à terme et avons l'objectif de le faire dès la prochaine édition".

Les courses de petits bateaux très concernées

Ce problème écologique risque de perdurer sur d'autres courses transatlantiques, notamment pour des bateaux plus petits, comme les voiliers de la Mini Transat, qui vont bientôt arriver en Guadeloupe. C'est sur ce type de bateaux que navigue Amaury Guérin, qui nous explique que "ce sont des bateaux très légers". Pour des raisons de sécurité, ces petits voiliers ne peuvent pas revenir par la mer, à la fin de la course Mini Transat.

"Tout est basé, depuis le début, sur le retour cargo, parce que la première édition de la Mini Transat a eu lieu en 1977, à une époque où on n'avait pas du tout en tête la question écologique."

Amaury Guérin

à "L'Œil du 20 Heures"

Il nous explique pourquoi le retour à la voile n'est pas envisageable pour cette course. "Tout le calendrier et tout le programme de la course sont basés sur le retour cargo, parce qu'elle part en automne. Mais l'automne, c'est le moment où il y a les pires dépressions dans l'Atlantique Nord, et donc ça rend complètement impossible un retour pour des bateaux aussi légers."

Amaury Guérin, lui, prépare la prochaine édition avec l'ambition de revenir sur son voilier, mais il devra pour cela emprunter un trajet retour différent, et particulièrement long. Pour rendre les courses encore plus vertes, certains anciens skippeurs se demandent aujourd'hui s'il ne faudrait pas généraliser les courses circulaires, dans lesquelles les voiliers partent et arrivent au même endroit. 

Parmi nos sources :

Cet article de Reporterre sur le retour cargo

Le site de la Transat Jacques Vabre

Le site de la Minitransat