Lâché par Macif, François Gabart, un skipper sans assurance
Ce 17 décembre 2017, en débarquant à Brest au petit matin, François Gabart s’en revient d’un voyage express en solitaire. 42 jours 16 heures 40 minutes et 35 secondes –record à battre – pour faire le tour du sujet et de la planète. Epuisé, le charentais est allé au bout de lui-même et de son aventure avec son partenaire de toujours. Ce tour du monde ? La dernière ligne victorieuse, l’œuvre magistrale d’une riche collaboration. Vendée Globe, Route du Rhum, Transat anglaise, Transat Jacques Vabre, Cap Istanbul, B to B, The Bridge… En 10 ans, sur une ou trois coques, François Gabart et la Macif ont laissé bien peu de choses à la concurrence. Flash back…
Lorsqu’en 2008, la mutuelle niortaise lance un programme de détection et de soutien de jeunes talents, elle fait assurément le bon choix, sans le savoir. L’année suivante, le lauréat se nomme François Gabart. Tout frais diplômé de l’INSA Lyon, 26 ans, issu de la filière olympique, alors totalement inconnu. Une deuxième place sur la Solitaire du Figaro et un titre de champion de France de course au large ponctuent leur première année de collaboration. Prometteur… Couvé par Michel Desjoyeaux, l’ingénieur à la belle gueule ne tarde pas à dépoussiérer l’image de marque un brin grisonnante de la compagnie d’assurance. Gabart, c’est la Macif. La Macif, c’est Gabart. Le Vendée Globe 2012 consacre le marin –plus jeune de vainqueur de l’histoire, à 29 ans seulement, dès sa première participation !- et plus encore son sponsor.
La notoriété de la compagnie d’assurance explose. Un premier retour sur investissement inespéré, après avoir misé 8 millions d’euros sur 4 ans (dont 3 millions pour la construction du bateau) dans ce premier programme. Gabart/Macif, ticket gagnant. L’assureur remet ensuite 20 millions à la poche pour la construction et l’exploitation d’un maxi-trimaran (5 millions par an, sur 4 ans). Nouveau jackpot : Gabart s’offre le doublé transat Jacques Vabre (2015, associé à Pascal Bidégorry) et Transat anglaise (2016, en solitaire). Deux nouveaux succès, avant son acte monumental, ce fameux record autour du monde en solitaire à l’automne 2017. Conclusion en apothéose du deuxième chapitre.
2020, grosse fatigue
2018, le vent tourne. Très légèrement contraire, mais tout de même. Gabart reste sur le podium, mais descend d’une marche. Deuxième d’une épique Route du Rhum, d’un Atlantique traversé sur un trimaran blessé, battu de 7 minutes (!) par Francis Joyon au terme d’un ultime bord à bord hitchcockien. Deuxième encore du Fastnet 2019 en équipage, devancé de 58 secondes (!!) par le tandem Cammas/Caudrelier. Deuxième, toujours, de la Brest Atlantiques l’hiver dernier. Un demi-tour du monde en double, achevé trois jours après la paire... Cammas/Caudrelier, encore eux. Vous avez dit bête noire ?!
Ces résultats n’empêchent cependant pas les deux partenaires de se jurer encore fidélité pour un nouveau bail de quatre ans. Un engagement renouvelé, symbolisé par la mise en chantier d’un Ultim dernière génération pour la campagne 2020/2024. Budget du troisième acte : plus de 10 millions d’euros. Mais la love story sent l’usure. Début 2020, grosse fatigue. Physique et mentale. Le développement de Mer Concept (son bureau d’étude emploie aujourd’hui une cinquantaine de collaborateurs), son déménagement à Concarneau dans une base flambant neuve, l’arrivée d’un troisième enfant, l’exploitation logistique du projet Vendée Globe de Charlie Dalin… Gabart met les pouces. "Mon corps et mon esprit ont besoin de repos", précise-t-il alors. "Le temps de souffler pour mieux revenir."
Le skipper déclare forfait pour la Transat anglaise (prévue au printemps avant son annulation) et programme son retour sur l’eau en 2021. La Macif l’assure alors de son total soutien. Toujours à ses côtés, malgré la mise en place d’un nouveau Comité Directeur en septembre 2019. La séparation unilatérale annoncée ce matin, la première dans le sponsoring post Covid, est d’autant plus brutale qu'inattendue. Il reste au skipper surtout 9 mois avant la mise à l’eau de son maxi trimaran pour trouver un nouveau partenaire. Qui sera prêt à débourser environ 10 millions d’euros dans le contexte actuel ? "Macif, la solidarité est une force !", disait la pub. Dans le monde d’avant.
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