Non, la technologie n’enlève pas l’exploit de François Gabart
En 1974, Alain Colas bouclait, à bord de son célèbre Manureva, son tour du monde en 169 jours après une escale. A l’époque, cet exploit avait une dimension presque romantique. En 1989, Olivier de Kersauson signait un temps de 125 jours 19 heures et 32 minutes, soit déjà 44 jours de moins après deux escales sur son trimaran « Un autre regard ». Là encore, partir plus de quatre mois en mer revêtait une dimension presque épique. Depuis, le milieu nautique n’a cessé d’évoluer, connaissant un véritable essor avec pour mots d’ordres la performance et le défi technologique. Des ingénieurs aux skippeurs en passant par les architectes, les équipes se sont structurées et professionnalisées. Et les records ont volé en éclats. Gabart a lui-même été étonné de son record établi en 42 jours.
Pour Olivier de Kersauson, les mondes de la voile d’hier et d’aujourd’hui « ne sont pas du tout différents », les skippers profitent juste de moyens différents et cela ne dénature en rien les exploits des marins modernes. « Naviguer avec des GPS, d’avoir des positions automatiques qui tombent toutes les trois minutes, cela n’a aucun rapport avec le fait d’attendre le soleil pendant des heures (…). L’ensemble des mesures s’est considérablement développé », convenait « l’Amiral » sur les ondes de RTL fin 2016. « C’est ce qui est bien. Dans la compétition d’aujourd’hui, il n’y a pas d’estimations, il y a de plus en plus de mesures. Les télécommunications se sont également considérablement développées. Si vous avez un souci technique et que vous êtes au sud de la Tasmanie, vous décrochez votre téléphone et vous parlez avec le bureau d’études. Ce sont deux choses formidables ! », assurait-il.
Kersauson : « des courses en solitaire, pas en solitude »
S’il est vrai qu’il est devenu presque banal d’observer les exploits de Gabart chaque matin devant sa tasse de café, de suivre en temps réel son parcours, ou même de lui envoyer des messages via les réseaux sociaux, cela n’enlève rien à sa performance. Ces technologies n’empêchent pas la fatigue, le risque d’avaries, ou encore les conditions de mer parfois dantesques. C’est encore Kersauson qui avec son sens de la formule, résume le mieux la situation. « Aujourd’hui, les courses se font en solitaire mais pas en solitude. C’est une réalité. Mais ça n’enlève pas la qualité des courses », assure-t-il. Il est vrai que sur le dernier Vendée Globe (2016-2017), Gabart et Armel Le Cléac’h se sont livrés à un duel épique, finalement remporté d’un rien par le premier.
Et cette fois encore, ce fut loin d’être une partie de plaisir pour Gabart. « Par pudeur, il y a des choses que tu ne dis pas car cela ne sert à rien d’en rajouter. Mais ça a été dur, j’étais à la limite tout le temps », a indiqué le Charentais. « C’est ce que je voulais faire, et je l’ai fait ! (…) Je savais bien que ça allait être épuisant, que ça allait être dur. (…) J’ai mal partout, cela fait des semaines que j’ai mal partout, que je ne dors pas. Je n’en peux plus », confiait le skipper de 34 ans. « Vivre à plus de 40 nœuds de moyenne, faire confiance au bateau. C’était mon challenge. Mais il y a des moments où c’était chaud ! », a-t-il assuré avec l’esprit encore happé par son défi. Si certains peuvent regretter le côté baroudeur et mystérieux des anciens marins, les exploits d’aujourd’hui doivent s’apprécier à leur juste valeur, et il en sera ainsi pour les records de demain.
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