Voile : Solitaire du Figaro, être ou ne pas être favori !
Cela fait 50 ans que cette course existe cette année, mais comme une belle dame, elle se laisse toujours aussi difficilement conquérir. Ce ne sont pas les prétendants qui manquent, encore cette année, pour tenter décrocher une des plus belles victoires du monde de la voile. Qui succédera à Yoann Richomme, superbe vainqueur de la 50e édition l’an dernier ? Gagner La Solitaire du Figaro vous situe un marin, dans le monde la course au large. La remporter plusieurs fois vous fait rentrer dans un cercle fermé, auquel ils sont deux à appartenir cette année : Yann Eliès et Armel le Cléac’h. Le premier, à 46 ans, fait partie des cinq triples vainqueurs (avec Philippe Poupon, Jean Le Cam, Michel Desjoyeaux et Jérémie Beyou) et compte le plus grand nombre de participations (18) parmi les 35 skippers au départ de la baie de Saint-Brieuc.
Yann Eliés peut devenir le seul à la gagner quatre fois. Mais en raison d’une préparation tardive, il refrène les ardeurs de ceux qui le voient réussir cet exploit : "Je ne pense pas que mon tour soit passé, mais l’étiquette qu’on me colle de potentiel quadruple vainqueur est trop grande pour moi. Il y a une dimension physique dans ce défi et je commence à sentir le nombre des années. Une place dans les cinq m’irait bien. Je ne suis pas complètement prêt." Fausse modestie ? Yann aime bien jouer au poker menteur, à défaut d’une 4e couronne, le skipper de Quéguiner Matériaux-Leucémie Espoir se contenterait largement d’une victoire d’étape, pour détenir seul le record du nombre de victoires d’étapes (10) qu’il partage aujourd’hui avec le Roi Jean, alias Jean le Cam.
Armel Le Cléac’h, la meute aux trousses
Quant au skipper de Banque Populaire, 43 ans, vainqueur en 2003 et 2010, il la joue lui aussi modeste. Le "chacal", son surnom dans le milieu, prendra le départ de sa douzième édition. Dans l’esprit de beaucoup, il prépare un gros coup sur cette 51e édition qui se termine à Saint-Nazaire, là où il avait remporté sa première Solitaire. "Je ne fais pas une fixation sur la troisième victoire, ce n’est pas du tout l’ambition que j’affiche cette année. Mon objectif, c’est de bien naviguer étape après étape et de faire le moins d’erreurs possible, comme le vainqueur Yoann Richomme l’année dernière. L’an passé, on a vu que tout pouvait basculer et il peut y avoir des désillusions énormes. On fera les comptes plus tard."
Les comptes pourraient tout aussi bien tourner le 19 septembre en faveur des nombreux prétendants, au premier rang desquels un groupe de 5 marins se dégage du lot : Gildas Mahé/Breizh Cola (10e participation, 2e en 2019), Anthony Marchand (10e participation, 2e en 2018, 3e l’an dernier), Xavier Macaire/Groupe SNEF (10e participation, 2e en 2013, 3e en 2015), Adrien Hardy/Océan Attitude (11e participation, 2e en 2017), Fabien Delahaye/Laboratoires Gilbert (8e participation, 2e en 2011). Aguerris, déjà habitués des podiums sur la Solitaire et qui rêvent de la plus haute marche.
Lors de la présentation de La Solitaire du Figaro qui s’est tenue avant le départ au sein du village de Saint-Quay-Portrieux, l’un des trois "régionaux de l’étape", Anthony Marchand (Groupe Royer–Secours Populaire) a parfaitement résumé les forces en présence de la 51e édition : "Personne ne sort vraiment du lot cette année, nous sommes plus d’une dizaine à pouvoir la remporter, ça promet une belle bataille en mer." Corentin Douguet, le Nantais (NF Habitat), est sur la même longueur d’ondes : "C’est une constante sur la Solitaire : on est toujours une quinzaine de skippers à être légitimes sur le podium. Comme il n’y a que trois places, ça fait chaque fois douze déçus par an, il faut essayer de ne pas être dans ceux-là. Et ce n’est pas simple. C’est ce qui donne aux podiums d’étapes ou au général une saveur particulière."
Un départ agité
La présentation terminée sous une légère bruine, les 35 solitaires appareillaient dimanche alors vers la ligne de départ mouillée au fond de la Baie de Saint-Brieuc, au large de Pordic. Premier coup de théâtre à peine une heure plus tard : Gildas Mahé était de retour, la grand-voile de son Figaro 3 déchirée et une immense détresse dans le regard. "Il a été obligé de faire un empannage en urgence pour éviter un concurrent qui a viré juste devant lui, la voile, qui était choquée, est passée très fort d’un côté à l’autre et s’est déchirée", commentait son frère et préparateur, Tangi Mahé. Mais la solidarité des gens de mer n’étant pas un vain mot, Xavier Macaire proposait aussitôt de prêter l’ancienne grand-voile de Groupe SNEF au deuxième de la Solitaire 2019. Et grâce à la mobilisation des préparateurs d’autres teams, la voile était installée dans un temps record, permettant à Gildas Mahé de rejoindre la ligne de départ dans les temps !
Une ligne franchie à 13 heures précises par les 35 solitaires, un poil trop vite pour l’Anglais Phil Sharp (Oceans Lab), objet d’un rappel individuel et qui a dû faire demi-tour pour repasser la ligne. Les conditions étaient bonnes avec 15 nœuds de vent de nord-nord-est et un clapot d’ 1,5 mètre pas évident pour s’amariner. Premier objectif : la bouée de dégagement à laisser à bâbord, 3 milles au nord de la ligne. Au bout de quarante minutes c’est Loïs Berrehar (Bretagne CMB Performance) qui la franchit en tête, devant Marc Mallaret (CER Occitanie), et Anthony Marchand (Groupe Royer-Secours Populaire).
Les pièges de la première nuit
La flotte a été ralentie tout au cœur de la nuit, et s’est retrouvée dans une bulle anticyclonique. Le vent est tombé à moins de 5 nœuds et la flotte s’est scindée en trois paquets au large de Perros-Guirrec. Il y a d’abord plus au Nord un groupe emmené par Fred Duthil (Cabinet Bourhis - Générali), avec Armel Le Cléac’h dans son tableau arrière et Yann Eliès, les deux superstars.
Un groupe plus central emmené par Xavier Macaire qui a pris les commandes de la flotte pour être toujours en tête ce lundi à la mi-journée, suivi de près par Corentin Douguet et Tom Laperche (Bretagne CMB Espoir) 23 ans le petit aux dents longues, vainqueur de la première course de la saison, la Solo Maître Coq en Juin. Enfin plus au sud Pierre Leboucher (Guyot Environnement) et Eric Peron (French Touch), 30 miles d’écart latéral entre les trois groupes, qui sortira le premier ? Les sudistes toucheront ils le vent avant le groupe du milieu ?
Les jeux sont faits rien ne va plus. C’est déjà comme au Casino. Et cette année, le programme est costaud : il y a la longueur des trois premières étapes, près de 4 jours de mer, il y aura des bancs de sables, des cailloux, des courants. Mais aussi des beaux repères historiques à contourner comme les phares du Fastnet et celui de Wolf Rock, la touche britannique de cette classique. Peut-être ce qui a provoqué le faux départ de Phil Sharp hier trop pressé d’y aller.
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