Interview "C'est comme la Ligue des champions" : les défis de Denis Van Weynbergh pour devenir le premier skipper belge à terminer le Vendée Globe

Jamais autant de concurrents au départ du Vendée Globe et jamais autant de skippers venus du monde entier : sur les 40 bateaux engagés pour cette 10ème édition, 14 battent pavillon étrangers. La preuve que le tour du monde en solitaire séduit de plus en plus hors de France.
Article rédigé par Jérôme Val
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Denis Van Weynbergh est à la barre de l'Imoca D'Ieteren Group pour le Vendée Globe 2024. (SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP)

Ils viennent de Nouvelle-Zélande, de Grande-Bretagne ou de Suisse. Pour cette 10ème édition du tour du monde en solitaire et sans escale, 11 nationalités (dont la France) sont représentées. En 1989, pour le lancement du Vendée Globe, ils étaient deux à venir de l’étranger (l’Américain Mike Plant et Bertie Reed, originaire d’Afrique du Sud).

Denis Van Weynbergh a aujourd’hui un rêve : être le premier navigateur belge à boucler un Vendée Globe à bord d’un monocoque sur lequel il navigue depuis 2018 (D’Ieteren Group). Mais atteindre cette ambition a nécessité de la patience et quelques sacrifices. Le skipper de 57 ans a répondu à franceinfo

franceinfo : Vous avez eu une histoire un peu contrariée avec le Vendée Globe puisque vous aviez déjà voulu être au départ il y a 4 ans. Ça ne s'était pas fait. La persévérance parfois, ça paye !

Denis Van Weynbergh : La dernière fois, je n'avais pas les financements, je dormais sur le bateau, à l’ancienne. C’est rigolo, mais bon en hiver, c’est moins drôle. Je n'ai pas fait non plus les sacrifices qu'il fallait pour pouvoir être présent et je n'étais peut être pas entouré des bonnes personnes. J'étais moins présent par exemple aux Sables d'Olonne pour préparer le bateau. J'étais plus en Belgique. Là, je me suis dit que si je voulais réussir, il fallait faire les sacrifices qu’il fallait. Tout ça fait partie du processus et du chemin pour arriver sur la ligne de départ. Et pour arriver aussi sur la ligne d'arrivée, on espère !

Quelles implications ça a sur votre vie personnelle ? 

Je suis devenu skipper professionnel il y a 5 ans. Sur ce genre de projet, il faut être professionnel à 100%. C'est comme si on était joueur en Ligue des champions, on ne peut pas le faire à moitié. Les sacrifices sont d’abord familiaux, puisque j'ai des enfants qui sont en Belgique, je les vois moins. Des sacrifices aussi au niveau de la vie sociale : toute ma vie sociale est en Belgique. Il a fallu repartir à zéro, c'est passer beaucoup de soirées seul, c'est oser aller manger au restaurant seul, aller dans un bar, boire une bière tout seul... Il a fallu se remettre en question après l'échec de 2020 et puis repartir d'une autre manière.

Votre parcours montre qu’on ne peut pas préparer un Vendée Globe en restant en Belgique ? Est-ce impossible ?

En Belgique, il n’y a pas les compétences en Belgique au niveau nautique. Ici, en Bretagne, tous les fournisseurs et tous les corps de métiers sont à portée de main. En Belgique, c'était illusoire. C'est vrai que mon réseau économique est dans mon pays, c’est comme ça qu'on a réussi à avoir un partenaire 100% belge. C'est aussi une vraie fierté, une vraie victoire d'avoir un bateau belge, un skipper belge et un partenaire belge sur une course internationale. Mais pour naviguer chez nous, c'est compliqué. Il n’y a qu'un seul port dans lequel je peux rentrer avec le bateau, un endroit où il y a beaucoup de trafic.

Comment en êtes-vous venu à rêver du Vendée Globe ? Est-ce que cette course a un écho en Belgique ?

Non, ça reste assez confidentiel. On n'a pas une culture voile comme on a dans d'autres pays, en France, en Angleterre ou même en Espagne. C'est aussi pour nous un vrai travail pédagogique parce que quand on va rencontrer des partenaires potentiels, ils ne se rendent pas compte de ce qui se passe. Quand on leur dit qu'il y a deux millions de personnes qui viennent voir le bateau, ils ne nous croient pas. On a aussi l'image souvent en Belgique que la voile est un sport d'élite alors qu’on sait qu'en France, c’est vraiment grand public.

J'imagine que vous applaudissez quand vous voyez qu'il y a de plus en plus de skippers étrangers, que ça casse un peu ce côté franco-français.

C'est indispensable d’avoir cette ouverture ! On fait un sport un peu nombriliste. On a déjà eu une révolution de palais puisque ce n’est pas un Breton qui a gagné en 2020, mais un Rochelais (Yannick Bestaven, ndlr). C'était déjà une révolution dans le monde de la voile. L’autre vraie révolution, ce sera quand ce sera une femme étrangère gagnera le Vendée Globe. Ça pourrait arriver cette année (avec la Britannique Samantha Davies, ndlr). Ce sport est le seul à avoir le même classement pour les hommes et pour les femmes. C’est un vrai signe d'ouverture je pense. 

Est-ce que vous avez aussi envie d'être un ambassadeur pour la Belgique ?

C'est une grosse mission quand même. Je le fais d’abord pour mon plaisir dans un premier temps. C'est sûr que si, dans 20 ans, j'ai un gamin qui me dit : je fais de la voile parce que j'ai entendu une interview de toi, on aura tout gagné. 

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