Vendée Globe : Alex Thomson, le mal-aimé qui rêve de mettre fin à l'hégémonie des skippers français
Après vingt jours en mer, le Gallois rêve d'être le premier étranger à remporter "l'Everest de la mer".
A la barre de sa flèche noire, Alex Thomson file sur les eaux des quarantièmes rugissants, avec à ses trousses toute l'armada des skippers français luttant pour conserver l'invincibilité tricolore sur le Vendée Globe depuis Titouan Lamazou en 1990. Seul Armel le Cléac'h parvient à rester dans le sillage de l'extravagant skipper. Le Français fond même sur lui, samedi 26 novembre, à la faveur d'une avarie du Gallois.
Mais ce natif de Bangor, une petite ville du Pays de Galles au sud de l’île de Man, impressionne. Avec son Hugo Boss, un bolide bourré de nouvelles techniques et technologies de construction utilisées jusqu'alors en Formule 1, il pulvérise les records.
Le James Bond des mers
Tout comme le noir anthracite de son bateau, ce colosse de 42 ans détonne par ses extravagances. Dans un sport où la communication est presque aussi importante qu'un bon bateau, le Gallois excelle. Sur YouTube, ces exploits, aussi inutiles qu'impressionnants, sont visionnés des millions de fois. Façon James Bond, dans son costume Hugo Boss, sponsor oblige, on le voit marcher presque à l'horizontale sur son mât, tenir la pose (toujours en costume, of course) sur sa quille, bateau gîté à 45°, ou encore survolant son Imoca à 85 mètres de haut en kitesurf.
Extravagant, il l'est aussi en mer, dans sa façon de naviguer. Talentueux, il est obsédé par la vitesse. Ses bateaux doivent suivre ou se briser. "Les gens disent que je vais trop vite. C’est mieux que d’être trop lent !", se défend-il dans Le Figaro.
Je pilote mon bateau comme une voiture que j’aurais volée.
Une image de casse-cou qu'il assume, mais dont il se sent aujourd'hui prisonnier. "Ces cascades, ce sont mes idées et je considère que ça fait partie du projet (...). Quant à ma réputation de casseur, au début, je pensais que c'était bien, explique le navigateur à L'Equipe. Mais depuis, ça m'embête. Ce n'est pas moi. Je suis rapide, c'est comme ça."
Rapide, il l'a été très tôt, en devenant à 25 ans le plus jeune marin à remporter la Clipper Round The World Race, une course autour du monde. Ce fils de pilote d'hélicoptère en est à sa quatrième participation au Vendée Globe, avec deux abandons - en 2004 et 2008 - et une troisième place en 2013. Mais le pire souvenir en mer reste son sauvetage lors de la Velux 5 Oceans Race, un tour du monde en solitaire avec escales en 2006.
Sa quille menaçant de se briser, il est sauvé par son compatriote Mike Golding au sud de l’Afrique. Obligé de laisser son bateau à la dérive, celui de son sauveteur démâte quelques heures plus tard. "Quelqu’un là-haut m’en voulait vraiment", se souvient le Gallois dans Le Figaro. L'épave de son bateau, déjà baptisé Hugo Boss, sera retrouvée neuf ans plus tard en Patagonie par deux kayakistes.
Le mal-aimé
Ce personnage atypique au caractère bien trempé est loin de faire l'unanimité au sein de la petite communauté des skippers au long cours. Formé sur les côtes du sud de l'Angleterre, il ne fréquente pas le centre d'entraînement de Port-la-Forêt (Finistère) où, depuis quinze ans, tous les vainqueurs du Vendée Globe sont pensionnaires.
Et quand il a souhaité participer au dernier stage de préparation courant octobre, on lui a fait comprendre qu'il n'y avait pas sa place. "Depuis ses débuts dans la classe (Imocat), Alex ne partage pas vraiment, estimait Vincent Riou dans L'Equipe. Or venir au dernier moment pour prendre, ce n'était pas possible. Alex n'a pas fait la même école que nous, on n'est pas formés pareil. Il peut gagner, mais pas avec les mêmes atouts que nous." Bonne ambiance.
Le mystère du foil
Cette ultime préparation avortée ne semble pas l'handicaper outre mesure, puisqu'après une mauvaise trajectoire vers le Portugal en début de course, son subtil droite-gauche entre deux îles du Cap-Vert a surpris tout le monde, lui permettant de prendre la la tête.
Mais ce qui fait le sel du Vendée Globe, c'est que la vitesse ne fait pas tout. Il faut aussi, et surtout, éviter les avaries. C'est justement ce qui semble le freiner aujourd'hui, avec la perte de l'usage d'un foil le 19 novembre, une lame en carbone et titane qui permet au bateau de s'élever au dessus de l'eau pour gagner en vitesse.
Le vent est-il en train de tourner pour le Gallois ? Pas sûr, puisque cela fait seulement deux jours qu'il perd du terrain sur Armel le Cléac'h, son poursuivant. "Alex ne nous aurait-il pas fait un coup d'esbroufe avec son foil détruit ?", s'interroge Kito de Pavant. Et le Gallois de prendre bien soin depuis de ne pas poster sur Facebook d'images de son avarie, préférant limiter sa communication pour entretenir le suspens. Ou peut-être pour ne pas donner raison à ceux qui s'amusent à répéter l'aphorisme : "Alex est rapide mais il finit par casser".
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