Vendée Globe - Armel Le Cléac'h : "Yannick Bestaven va découvrir une notoriété"
Êtes-vous surpris que votre record ne soit pas battu ?
Armel Le Cléac'h : "Oui et non. Effectivement, au départ, beaucoup de gens imaginaient avoir un record potentiellement 'battable' avec des nouveaux bateaux plus performants sur le papier que ceux qu’on avait en 2016. Maintenant, on le sait, sur chaque édition, la météo va décider des performances des marins, il va se passer beaucoup de choses et il s’en est énormément passé cette année. Le record est toujours un bonus mais n’est pas l’objectif des marins. Cette année les planètes ne se sont pas forcément très bien alignées, il y a eu une météo compliquée, de la casse notamment dans les favoris. Ça a beaucoup joué sur le temps de course final, parce que les grands favoris comme Jérémie Beyou ou Alex Thomson n’ont pas pu défendre leurs objectifs. Après on a eu Charlie Dalin et Thomas Ruyant qui pouvaient encore aller chercher peut être un meilleur temps de course, mais eux aussi ont eu des avaries qui les ont un peu pénalisés sur une grosse partie du parcours.
Au final, on a eu un course complètement relancée dans les mers du sud avec justement des bateaux d’ancienne génération comme le mien que Louis Burton avait, ou celui de Yannick Bestaven qui ressemble beaucoup. Ils se sont retrouvés aux avant-postes et se sont bagarrés jusqu’au bout pour la victoire. Le record n’a pas été battu ça fait partie du jeu et finalement c’est anecdotique par rapport à ce qu’il vient de se passer pendant ces 80 jours."
Qu’est-ce qui a fait la différence pour Yannick Bestaven ?
AL : "Yannick a su être opportuniste notamment dans les mers du sud. Il a montré les capacités d’accélérer, de prendre la tête de course au bon moment pour prendre les devants avant le cap Horn. Il a franchi justement ce troisième cap mythique dans des conditions difficiles, mais il a su résister au retour de ses poursuivants et il a même réussi à creuser dans l’Atlantique sud sur la remontée avec presque 400 miles d’avance. Ça s’est un petit peu compliqué pour lui au niveau de la météo, mais il n'a rien lâché.
Un bateau polyvalent, un peu plus fiable que les autres
Ça fait très longtemps qu’il navigue, il avait gagné la Mini Transat il y a 20 ans. C’est quelqu’un qui a connu différents supports, qui aime le large, qui aime les courses longues. C’était son deuxième Vendée Globe et je pense qu’à la fois son expérience et son équipe, qui l’a aidé avec Roland Jourdain et d’autres techniciens, ont eu la bonne recette avec un bateau, peut être pas forcément aussi performant que les derniers bateaux à foils, mais un bateau polyvalent qui était un peu plus fiable que les autres et qui a su résister à tout ça."
"Yannick a été le vainqueur de ce Vendée Globe et il le mérite amplement"
On a beaucoup parlé des bonifications. Pensez-vous que cette victoire est juste, logique ?
AL : "Cette victoire est complètement logique. On a vu Charlie Dalin franchir la ligne d’arrivée en premier, mais on savait qu’il y avait ces bonifications depuis un moment. Les règles de course sont très claires, les marins les ont tous acceptées en signant leur inscription et les connaissaient parfaitement. Un juré a décidé de ses bonifications suite au sauvetage de Kevin Escoffier, ce n’est pas la première fois que ça arrive sur le Vendée Globe. Là oui, ça a joué sur la victoire finale, et c’est peut être ce qui fait un peu plus parler que d’habitude. Mais la victoire n’est pas remise en cause. Yannick est le vainqueur de ce Vendée Globe, et il le mérite amplement. Pour moi c’est clair, le classement est maintenant établi pour les trois premiers. On sait que Yannick a gagné devant Charlie et Louis Burton. C’est un beau podium avec des marins à différents profils, différentes approches. Ça montre aussi l’homogénéité des différents projets qui peuvent prendre part au Vendée Globe."
La découverte d'une notoriété
Qu'est-ce que ça change dans la vie personnelle de remporter le Vendée Globe ?
AL : "Ça va changer, bien sûr, un petit peu la vie surtout dans les semaines à venir parce qu’il va être très sollicité. Il y a une notoriété qui s’installe. Elle sera éphémère, mais c’est pour lui quelque chose qu’il va découvrir. Il va s’en rendre compte dans quelques jours. Là il est encore un peu dans l’émotion d’arrivée, il a encore la tête en mer mais c’est certain qu'on change après un Vendée Globe. Quand on termine un Vendée Globe je trouve que l'on change personnellement parce qu’on apprend des choses sur soi-même, sur ses capacités à gérer les émotions, les problèmes à bord, la solitude. C’est une vraie aventure. Et puis bien sûr, au niveau sportif, c’est quand même une belle ligne au palmarès, pour lui pour ses sponsors, pour son équipe. Ça peut lui ouvrir des portes et lui permettre d’avoir d’autres projets derrière. C’est une belle opportunité pour continuer dans sa vie professionnelle et personnelle."
La victoire est-elle une belle opportunité sur le plan financier ?
AL : "Bien sûr, il y a une prime de course qui n’est pas négligeable. Mais ça reste anecdotique par rapport à d’autres sports. Ce que va gagner Yannick correspond, je crois, à ce que gagne un joueur de tennis quand il se fait éliminer en huitièmes de finale à Roland Garros. On ne peut pas forcément comparer tout ça avec des sports où il y a des primes beaucoup plus importantes, mais c’est quand même significatif pour Yannick, sa famille et les gens avec qui il va partager cette prime ou pas. En tout cas ce n'est pas l’objectif quand on prend le départ de cette course. Yannick était là d’abord pour réaliser son rêve, pour vivre son aventure, pour remplir son objectif. Au départ il était là pour essayer de faire un bon résultat il visait peut être un top 5, et puis il a eu l’opportunité d’aller chercher la victoire. Il a réussi donc bravo à lui. Le reste c’est du bonus."
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