Vendée Globe - Jean Le Cam, le sauvé devenu sauveur : "Tu passes du désespoir au truc de dingue"
Ca y est, vous êtes devenu aussi un Saint Bernard des mers à votre tour, vous voilà devenu Saint Jean le sauveur…
Jean Le Cam : "C’est le destin, je suis lié à PRB pour la vie après ce qui m’est arrivé avec eux. En 2004 Vincent le Terrible (Vincent Riou) me bat sur la remontée après le Cap Horn alors que j’avais mené toute la course. 4 ans après, Vincent vient me sauver au Cap Horn, et là PRB se casse en deux à Bonne-Espérance et je viens récupérer Kevin. La situation est complètement différente. Mais c’est vrai que l’expérience du vécu, ça aide toujours, notamment dans la préparation de son sauvetage. N’importe quel détail mal préparé peut coincer l’opération et coûter une vie."
Pouvez-vous nous raconter le scénario incroyable de ce sauvetage ?
JLC : "Je devais être à deux heures de PRB quand la direction de course m’a prévenu, je n’ai plus tous les détails en tête. Du coup j’étais le plus près de l’objectif et je me rends à la position où la balise disait que bateau était en détresse. J’arrive sur zone et nickel, je vois Kevin dans son radeau. Comme j’ai la position je lui dis que je reviens, qu’on ne va pas faire n’importe quoi. J’avais deux ris dans la grand-voile avec 30 nœuds de vent et de la mer furieuse, ce n’était pas facile pour manœuvrer. (Ndlr Kevin Escoffier parlera même de Verdun en décrivant l’état de la mer)"
"Tu passes du désespoir au truc de dingue"
Vous avez eu pourtant une belle frayeur ?
JLC : "Oui car quand je reviens là où je l’avais quitté, il n’y avait personne. Je refais la même manœuvre cinq fois, cinq passages sur la zone, je ne le vois plus. Ça fait un virement de bord à chaque fois. Et avec les aléas et la mer, je décide de rester en stand-by et d’attendre le jour, me disant que peut être la nuit, on voit mieux.
A un moment je suis debout sur le pont, je vois un flash, une lumière qui apparaît dans une vague, comme une apparition. Et puis je vois de plus en plus la lumière. Ce n’était pas une apparition ni un rêve heureusement, mais une vraie lumière, celle qui est sur l’arche des radeaux de survie. Je me dis alors 'put….' c’est bon, et là tu passes du désespoir au truc de dingue."
Vous avez récupéré facilement Kevin ?
JLC : "Ça n’a pas été simple. Je me mets au vent pour faciliter la manœuvre et je le vois, il me demande si je reviens mais je lui réponds que non, on va le faire tout de suite. Je lui balance la bouée rouge et il arrive à l’avoir, il est tracté par la haussière (le cordage employé pour le remorquage ou le tractage) et au final on a réussi. Il a accroché la barre de transmission et c’était gagné, il était à bord et là ce n’est que du bonheur."
"Il n'a pas entamé ma réserve de ris de veau, sinon ça va se terminer au couteau" (rires)
Plusieurs heures après, comment se passe la cohabitation à bord de Yes We Cam ?
JLC : "Là ce matin on est en train de boire un café, mais il est sans arrêt au téléphone. Enfin l’essentiel est qu’il va bien et qu’il n’a pas entamé ma réserve de ris de veau; sinon ça va se terminer au couteau tout ça. (rires).
Mais le bateau avance bien et on ne traîne pas en route. Je ne sais pas du tout comment ça va se passer pour la suite, et si un bateau doit venir le chercher. Le laisser au Kerguelen ? Non ce n’est pas ma route, j’ai une course à faire."
Alors justement cette course ?
JLC : "Je ne sais pas encore, chaque chose en son temps, on verra. Finalement c’est une belle histoire. C’est un truc incroyable, extraordinaire, tu veux l’écrire mais tu n’y arrives pas. J’étais encore troisième la veille avant que Kevin me passe. Qui l’eut cru en voyant ma vieille 4L sur le ponton avec tous ses bateaux à foils et leurs équipes énormes. Et mon Yes We Cam est toujours là."
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