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Vendée Globe - L'incroyable aventure de Damien Seguin : "J'ai fait un truc de dingue"

Le marin guadeloupéen n’en finit pas d’étonner le monde de la voile mais pas seulement. Passé 4e au Cap Horn dans la nuit de dimanche à lundi à bord de son monocoque Groupe Apicil, il a occupé la 2e place avant de reculer à la 4e mais compte bien ne pas s’en arrêter là. Jusqu’où est capable d’aller le skipper qui défie les océans avec une seule main ?
Article rédigé par Eric Cintas
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 9min
Damien Seguin à bord de son bateau sur le Vendée Globe

Damien vous rendez-vous compte du classement quand vous le lisez ?
Damien Seguin : "Je suis dans le match, content d’être dans le top 5 et symboliquement ça fait plaisir. C’est vrai que je suis devant pas mal de bateaux - dits plus rapides que le mien - mais voilà moi je fais ma course. Ce qui m’intéresse surtout et ce que je regarde ce sont les positions des trois autres bateaux à dérives droite, Jean (Le Cam), Benjamin (Dutreux) et Maxime (Sorel). Le podium dans cette catégorie devrait se jouer entre nous, c’est surtout par rapport à eux que je m’étalonne. Pour le reste c’est du bonus d’être devant des foilers, je me suis pris à rêver de passer le cap Horn dans le top 5 je l’ai fait. C’est quelque chose d’absolument génial."

Mais vous avez même occupé la deuxième place derrière Yannick Bestaven, c'est incroyable non ? 
DS : "Dire que je n'étais pas satisfait d’être deuxième au classement, ce serait mentir. En même temps c’est très bien mais ce n’est pas non plus ce que je cherche absolument. Je cherche déjà à grappiller des milles vers l’arrivée et je profite de cet état de fait, mais le plus important ce sera la place aux Sables. Il y a encore beaucoup de transitions vers l’Equateur dans les prochains jours, et j’espère surtout ne pas me tromper dans mes choix pour assurer au maximum la place dans le top 5 à l’arrivée."

"Oui j’ai fait un truc de dingue, avec des rêves fous et incroyables dans ma tête"

Revenons sur ce passage du Cap Horn en quelques mots, on vous a vu très ému à bord lors d'une vidéo, avez-vous bien digéré cette émotion ?
DS : "C’est une sacrée reconnaissance, car pour le marins c’est toujours un endroit qui est difficile à passer. L’histoire de la marine a bien montré que c’était un vrai cimetière à bateaux et beaucoup de marins ont péri à cet endroit-là. Donc il y a beaucoup de respect et plein de choses symboliques autour du fait de devenir "cap hornier" et ça se fête avec des mots et des actes symboliques.

En fait j’ai toujours rêvé de passer le cap Horn dans le sens où c’est l’endroit mythique où, surtout en France, on juge les marins dans la course au large par le prisme du Vendée Globe. Quand on passe le Cap Horn c’est déjà qu’on a fait un bon bout de chemin, certains ne l’ont jamais passé. Alors oui j’ai toujours rêvé de le faire mais en disant que ça doit être super compliqué d’arriver là mais je confirme c’est compliqué, mais j’ai réalisé ce pari. Oui j’ai fait un truc de dingue, avec des rêves fous et incroyables dans ma tête."

"Tu as le droit de cracher au vent sur ton bateau quand tu es "cap hornier " dit-on dans le milieu. C'est un privilège !"

Question très classique, mais on peut la poser aussi à un marin qui est en course, quels sont vos vœux pour 2021 ?
DS :
 "Ce que je souhaite à ma famille mais aussi à tous ceux qui me suivent et qui liront ce message, c’est d’avoir passé un bon cap vers 2021 en famille, même si c’est limité, et de vivre bien ces choses-là.  Et puis si j’ai un vœu à formuler c’est que 2021 ne ressemble pas à 2020 au niveau sanitaire car je pense que tout le monde en a souffert.
Nous les marins on a eu la chance de partir en course et d’enlever le masque, de faire une vraie parenthèse sur cette crise. Mais pour avoir des nouvelles de la terre régulièrement, je sais que ce n’est pas simple, comme on dit dans le jargon des marins on n’est pas au vent de la bouée.
J’espère donc que 2021 sera plus tranquille à ce niveau et qu’on pourra retrouver une vie à peu près normale en profitant des joies d’être ensemble. C’est ce qui est le plus important pour moi."
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Est-ce que vous avez l’impression de devenir un autre marin ?
DS :
 "Un marin avec plus d’expérience c’est sûr. Je suis toujours le même avec la même approche de mon sport. On a toujours dit que la course au large est un sport d’expérience et je suis en train de le vérifier. Alors forcément je vais changer, je verrai de quelle façon (rires). Ce que j’ai vécu jusqu’à présent à 58e jour de course est indescriptible, il y a tellement de hauts et de bas, de moments sympas et difficiles. Même si je devais arrêter maintenant ce serait déjà ça de vécu, mais je n’ai pas du tout envie d’arrêter maintenant."

Et maintenant la suite, vous devenez ambitieux ? Quel est le scenario idéal ou prévisible pour vous ?  
DS :
 "Déjà je vais remonter l’océan Atlantique, chose que je n’ai jamais faite dans ma vie. Après sur la remontée en elle-même on verra bien. Je n’ai pas envie de faire de plans sur la comète, j’ai un bateau qui a souffert après 60 jours de mer, mais il est relativement en bon état, le skipper aussi donc tout peut se passer. Mais ça va bien, je me sens très en forme et je me suis reposé.
J’ai bien compris la situation météo. Et puis, mes adversaires derrière moi ne me reprennent pas de terrain. Je continue même à gagner quelques milles. La suite ne va pas être simple mais je fais ce que je sais faire et je commence à me mettre dans la peau d’un bon outsider. Ça me motive beaucoup de penser comme cela.

Pour l’instant c’est du tout droit, je fais comme les deux premiers Yannick Bestaven et Charlie Dalin, plutôt dans l’est, alors que Thomas Ruyant a pris une option plus Ouest. On verra à la fin qui aura raison. Si mes prévisions sont bonnes je compte passer la ligne d’arrivée des Sables d’Olonne début Février, si tout va bien."


L’avis de Michel Desjoyeaux double vainqueur du Vendée Globe

« C’est incroyable ce qu’il fait, il a super bien navigué et surtout tenu la cadence, je suis bluffé. Il a super bien joué au moment où il fallait s’extraire d’un petit paquet aux trois quarts du Pacifique. Il n’a pas l’air de fatiguer et je pense qu’on peut lui tirer un grand coup de chapeau. Ce qui est génial c’est la bagarre qui se passe sur l’eau avec 11 bateaux en moins de 1000 milles qui ont passé le Cap Horn et Damien est aux avants postes, complètement dedans et il adore la bagarre. »

L’avis de Jacques Caraës, le directeur de course

"Damien c’est un personnage unique. Quand je le voyais s’entraîner, faire ses préparations puis sa qualification, il n’y avait pas forcément énormément de gens qui croyaient en lui. Je trouve que ce garçon est très méritant car il n’a pas une grande équipe derrière lui comme d’autres écuries, mais une équipe de qualité. Il s’est aussi bien mis en cheville avec un vieux lascar comme Jean le Cam pour faire son chantier d’hiver, c’était très important pour lui et ça lui a donné confiance.
Malgré son handicap ce garçon est exceptionnel, ça ne se voit pas et il est encore plus fort dans sa tête. Le Vendée ça se joue dans aussi dans le mental, c’est s’adapter physiquement à tout ce qui peut se passer. Quand il y a une défaillance quelque part tu le combles avec beaucoup d’énergie ailleurs et ça il le fait admirablement bien. Ses trajectoires sont tendues, toujours bien dessinées, et en même temps il est attachant, il ne bluffe pas il ne raconte pas n’importe quoi. Personne n’aurait pu imaginer qu’il serait à cette place aujourd’hui et il le fait tellement bien que j’espère que ça ira au bout. Bravo, Chapeau bas respect !
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