Vendée Globe : "La solitude est encore plus pesante pour les derniers", selon Armel Le Cléac'h
Comment se gère une fin de course pour les derniers, alors que les premiers sont arrivés depuis près de trois semaines ?
Armel Le Cleac’h : “Les derniers passent plus de temps en mer mais ils n’ont pas le même rythme, ni le même engagement au niveau sportif que les premiers. Pour eux, c'est un autre défi. Leur objectif ultime est de terminer ce tour du monde, d’aller au bout de l’aventure humaine et de franchir la ligne d’arrivée, peut-être plus encore que pour ceux qui jouaient le podium. Il faut maintenir le bon dosage d’avancer coûte que coûte, tout en surveillant bien les bateaux car ils ont déjà été éprouvés et ont beaucoup de milles au compteur. D'autant plus qu’ils n'ont pas forcément une préparation aussi pointue que les leaders.”
Comment se profile une fin de parcours du Vendée Globe ?
ALC : “Sur la fin, on termine dans l'hiver européen, avec des conditions parfois plus difficiles que dans les mers du Sud. On se retrouve avec des dépressions assez violentes. En plus de la météo, le trafic maritime se densifie sur la fin de la course. On l'a vu avec Boris Herrmann (5e de cette édition) qui a heurté un bateau de pêche. Heureusement, il a pu finir. Il faut rester très vigilant jusqu'au bout, car on s'est habitué à être tout seul en mer pendant plusieurs mois, sans aucun autre bateau à côté. Tout cela, dans une fin de course qui peut être rude, parce qu'il y a la durée, le poids de finir, le stress de casser à quelques jours de l'arrivée. C’est la dernière grosse marche avant de finir. Et terminer le Vendée Globe est une victoire.”
Certains skippers voient leur temps de course se rallonger à la suite d'un problème technique. Comment gère-t-on une telle situation ?
ALC : “Il faut d’abord faire attention à la nourriture. La plupart se fixe un objectif de temps de course, avec un temps de référence sur lequel il navigue. Ça peut être un objectif personnel, ou lié au record du bateau. Et en fonction de cela, ils adaptent la quantité de nourriture. Quand on passe le Cap Horn, il reste un gros tiers de la course. On sait donc à peu près où on en est au niveau des vivres et s'il faut rationner ou non.
Il faut aussi gérer la fatigue physique et mentale, tout comme la solitude qui sera encore plus pesante pour les derniers car ils sont éloignés de leurs proches depuis plus longtemps. Ils sont aussi un peu moins mis en lumière pendant la course, car on parle davantage de ceux qui jouent la victoire, car ça reste une course, un sport.”
Est-ce que l’on prépare plusieurs scénarios de courses afin de s’adapter aux aléas ?
ALC : “Chaque marin estime son temps de course, mais bien sûr, il y a les aléas de la course au large comme la casse, ou la météo, qui font que le temps de parcours se rallonge. C'est quelque chose qu'on anticipe avant de partir. Mais pour la plupart cette année, il s’agit de leur première participation, donc ils découvrent sur le moment. C'est difficile de se préparer au Vendée Globe et de se projeter quand on ne l'a jamais fait. Mais en même temps, il n'est pas possible de s’entraîner. Il faut donc savoir se projeter.”
A quel point le manque de nourriture et la fatigue accumulée peuvent bousculer une course ?
ALC : “Ce sont des paramètres importants, car s’ils sont mal anticipés ou mal gérés, cela devient un cercle vicieux. On se rajoute de la fatigue mentale, de la pression. Tant qu'on a de l'eau, on peut tenir plusieurs semaines. Mais on risque d'être amaigri, fatigué et perdre en lucidité.”
Justement, en 2009, vous êtes arrivé deuxième du Vendée Globe, après avoir perdu 8 kg car vous aviez dû vous rationner. Que s'est-il passé ?
ALC : “En 2008, c'était mon premier Vendée Globe. J'avais géré moi-même le ravitaillement. J'avais essayé de me projeter sur un tour du monde, mais je n'avais pas pris tous les paramètres en compte. Dans les mers du sud notamment, quand il faisait très froid, j'avais besoin de manger plus que les rations journalières que j'avais prévues. En ayant pris un peu de marge, je m'étais autorisé à grignoter un peu dans mes sachets de rab. Mais la course a été assez longue, on a eu une météo compliquée. J'ai aussi participé au sauvetage de Jean Le Cam, où il a fallu se dérouter donc j’ai perdu une journée. Une fois passé le Cap Horn, je me suis rendu compte que j'allais être en manque de nourriture pour la fin de course. A trois semaines de l'arrivée, il fallait donc commencer à se rationner très vite.
J’ai donc perdu du poids. Je suis arrivé très affaibli et amaigri. C'était une erreur qui aurait pu me coûter très cher. Je n'avais pas de concurrents proches donc j'ai pu finir comme ça, comme j'ai pu. Ce fut une épreuve difficile. Cette expérience m'a servi pour la suite et pour mes deux autres Vendée Globe, où j'ai mieux géré et où je me suis mieux entouré.”
A ce moment-là, dans quel état d'esprit étiez-vous ?
ALC : “On s'adapte. Je savais qu'il me restait trois semaines pour tant de sacs de nourriture. A ce moment-là, on est un peu en mode "Koh-Lanta" (rire). Le corps s'habitue. On sent que les manœuvres sont plus dures et plus compliquées car on manque d'énergie. On récupère moins bien aussi et la lucidité est moins bonne. Il faut donc rester vigilant, ne pas faire de bêtise sur la fin de parcours, qu’on n'avait pas imaginée comme ça. Mais le corps humain a les capacités de s'adapter à toutes les épreuves.”
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