Voile : comment le Vendée Globe tente de réduire son impact sur l’environnement
"Il nous faut éveiller, sensibiliser, soutenir la préservation des océans, qui couvrent plus de 70% du globe." Ces mots sont ceux d'Alain Leboeuf, le président du Vendée Globe. Le 6 février dernier, au siège de l'Unesco (Paris), il présentait ses engagement environnementaux pour la 10e édition, qui partira le 10 novembre des Sables d'Olonne.
Car un chiffre interpelle : 63% des impacts carbone de la course sont dûs aux déplacements des visiteurs, alors que 28% proviennent de l'hébergement et la restauration. Le village, qui accueille avant le départ les visiteurs venus observer les voiliers sur les pontons, concentre logiquement la majeure partie de la pollution générée par la course, notamment à cause des véhicules utilisés pour s'y rendre.
Réduire l'impact du village et protéger les cétacés
Pour réduire cet impact, Alain Leboeuf souhaite instaurer "la règle des 5 R : refuser quand ce sera possible, réduire, réutiliser, recycler et rendre à la terre ce qui est compostable", détaille le président, qui souhaite orienter vers les "mobilités douces" (plus de TGV, TER à cinq euros) et décarboner les déplacements des visiteurs (navettes au gaz naturel vert, bus à hydrogène, vélos en libre-service).
Suffisant ? "On n'a pas besoin de ça pour avancer, mais c'est bien de l'afficher et de l'annoncer, note le skipper tenant du titre Yannick Bestaven (Maître Coq). On a aussi besoin du public. Donc c'est l'ambiguïté : comment fait-on pour faire venir autant de gens en diminuant le bilan carbone ? C'est là où il y a des vrais défis à relever."
"Je veux que cette course soit exemplaire, qu'elle respecte cette biodiversité dont on parle tant."
Alain Leboeuf, président du Vendée Globeen conférence de presse
En outre, le Vendée Globe a indiqué insérer des clauses environnementales dans ses appels d’offres, et a noué un partenariat avec l'Unesco. Il permettra à 25 skippers volontaires d'embarquer des instruments de mesure météo-marines afin de "collecter et de distribuer en temps réel des données essentielles aux scientifiques pour enrichir les connaissances mondiales sur le climat et l’océan", précise-t-elle.
En course, la principale mesure sera la création de zones de protection des cétacés, souvent heurtés par les skippers. Une mesure déjà mise en place sur d'autres courses au large. "C'est une bonne nouvelle : ces zones permettent de protéger la faune des mers. Sur tout un parcours, ça ne complexifie pas la stratégie de course", estime Armel Le Cléac'h (Banque Populaire).
Vingt-six bateaux seront également équipés de caméras optiques pour repérer les "Ofni" (objet flottant non identifié), mais ne détecteront pas les cétacés immergés. "On est capables d’intégrer ces zones d’exclusion. Comme dans l’archipel des Açores, qui a une grande biodiversité, on essaye de l’éviter au maximum pour ne pas perturber", affirme le skipper Sébastien Marsset (Foussier).
Engagements et contradictions
Du côté des skippers, les nouvelles mesures avaient été bien accueillies en février, mais eux n'ont pas attendu cette édition pour préserver leur terrain de jeu. "Ce sont des choses concrètes et je trouve ça très bien. Mais on pourrait peut-être aller encore plus loin, parler de nos contradictions, se regarder peut-être encore un peu plus en face sur certains aspects, estimait Clarisse Crémer (L'Occitane en Provence). C'est important d'aller au-delà du symbole, de penser vraiment un vrai bilan carbone, un pack carbone de chacune des décisions et engagements", estime la 12e de la dernière édition.
En plus des collisions avec les cétacés, l'abondance de plastique sur les plages et en mer revient comme la principale préoccupation, qui ne trouve toujours aucune solution à grande échelle. "C'est inconcevable de voir des tonnes de plastique le long des plages, peste Yannick Bestaven. Et encore, on a des pays qui font plutôt attention. Dès que l'on voyage dans des pays en développement ou qui n'ont pas de système de recyclage et de traitement des déchets, on se rend compte que c'est la misère : ce plastique repart en mer, les poissons le mangent, et nous, on mange les poissons. Donc commençons par ramasser et s'adresser aux grandes industries qui produisent tous les déchets qu'on voit sur les plages",
"Jean Le Cam disait : "Trop dire fait rire, bien faire fait taire." On a beau faire plein de relevés, on sait qu'il y a plein de choses à protéger. Donc agissons."
Yannick Bestaven, vainqueur du Vendée Globe 2020à franceinfo: sport
Le tenant du titre fabrique et utilise des hydrogénérateurs, un appareil qui produit de l'électricité grâce au déplacement du bateau, et qui permet de rendre l'embarcation autonome en énergie. Fabrice Amédéo va, lui, embarquer pour la deuxième fois de suite des capteurs de mesure de plastique dans les océans, alors que Boris Hermann utilise des capteurs de CO2 qui ont notamment servi au 6e rapport du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat).
Un engagement désormais bien ancré chez les 40 skippers au départ, qui restent en première ligne pour observer les dégâts climatiques et polluants dans les océans du globe, et notamment dans les mers du Sud, où peu de navires s'aventurent. "Même si les constructions de nos bateaux ne sont pas irréprochables, je pense que préserver notre terrain de jeu, c'est essentiel. On a la chance de faire un sport de nature donc protégeons-la", conclut Yannick Bestaven.
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