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Voile : Giraud et Nigon, des courses en solitaire à deux

En ces temps moroses, c’est le genre d’histoire qui vous donne le sourire. Où il est question d’entraide, de solidarité et de générosité. Une histoire de gens de mer, à l’ancienne…
Article rédigé par Gael Robic
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
 

"Je n’en veux à personne. Ce n’est pas une revanche". Clément Giraud pourrait pourtant en vouloir à la terre entière. Octobre 2019 : à quelques jours du départ de la Transat Jacques Vabre, son bateau prend feu dans le port du Havre. Adieu le Brésil. Un mois après, son sponsor se carapate. Plus de bateau, plus de partenaire : à un an du Vendée Globe, la situation se complique.

"Qu’est ce que je peux faire ?" Erik Nigon propose alors son aide. Mieux qu’un simple coup de main : le skipper parisien propose tout simplement son bateau ! Le deal : la transat anglaise pour Giraud (The Transat CIC, départ de Brest le 10 mai normalement), la transat retour (New York-Vendée-Les Sables d’Olonne) pour Nigon. Deux "associés" sur un seul bateau, une histoire singulière !  "Ça part d’un premier coup de main. On s’était croisé au Havre, Erik cherchait une voile. J’en avais une dispo, je lui ai passée. On a fait connaissance comme ça", précise Clément Giraud. Affaire conclue au salon nautique. "J’ai réfléchi un peu, pas beaucoup", admet le toulonnais. "Il a fallu remettre la machine en route dans un délai très court. Un bateau, faut que ça navigue !" résume Erik Nigon.

Prêteur multi-récidiviste !

Prêter son bateau à un skipper concurrent, une démarche pas banale mais naturelle pour Erik Nigon. Le bonhomme n’en est pas à son coup d’essai ! En 2006, déjà, l’informaticien parisien confie son Figaro de l’époque à Oliver Krauss. Le garçon, 7e de l’épreuve, en fait bon usage. Rebelote en 2010 : au retour de la Route du Rhum, le gentleman skipper  laisse son multicoque à Lalou Roucayrol, privé de bateau après un chavirage. "J’ai une grosse pression !" s’amuse Clément Giraud. "La transat anglaise, c’est pas rien dans une vie de marin. Ça reste mythique." Tout autre point de vue pour son aîné : "Je suis beaucoup plus détaché. Des transats, j’en ai faites dix ! En 2016, j’ai passé quinze jours à bricoler. C’est là que je me suis dit que j’étais prêt pour le Vendée Globe ! Clément a de la chance : avec autant d’emmerdes, il ne peut que rebondir !"

Cet échange original doit permettre à l’un d’assurer sa qualification pour le Vendée Globe, et à l’autre de s’entraîner. Basé à La Rochelle, le bateau (Un monde sans sida, ndlr) est actuellement en chantier, sous la direction du skipper varois. "Je bosse à plein temps, je n’ai pas le temps de le préparer", souligne Erik Nigon. "Clément est un skipper professionnel, il fera ça beaucoup mieux que moi." Le Vendée Globe. La grande affaire. Erik Nigon poursuit : "Ce n’est pas le rêve d’une vie, mais une progression sportive, logique. Je suis heureux professionnellement, personnellement, je veux l’être aussi sportivement." Pour son acolyte, c'est différent :  "Pour moi, ça reste un rêve, un gros challengeJ’ai tout mis de côté depuis quatre ans, je veux fêter mes 40 ans dans les quarantièmes !" 

Statistiquement pourtant, ils ont peu de chances d’être tous les deux au départ. 35 candidats pour 34 places au port, ça laisse peu de possibilités. "Tu rigoles ? On va y arriver", sourit Erik Nigon. "Il reste encore deux, trois bateaux à louer", glisse malicieusement son compère. Et deux ou trois projets au financement un brin bancal. Question finances justement, les deux marins cherchent un budget : 400 000 euros pour Nigon, 600 000 euros pour Giraud. La chasse aux sponsors, c’est chacun pour soi, chacun de son côté. En toute amitié. "On est co-skippers, pas concurrents !" lâchent-ils en chœur.

Remettre de l’aventure dans la course au large

"Dans cette histoire", reprend Erik Nigon, "on parle entraide, simplicité. On fait du bateau comme il y a trente ans. A l’époque, on partageait tout, on dormait dans la même maison, on se filait des coups de main. C’est une histoire de marins, de gens de mer. Pas une écurie avec un skipper, un pilote. Le système de qualifications (tout candidat au tour du monde en solitaire doit accomplir un parcours de qualification de 2 000 miles, auquel s’ajoute un classement selon les courses disputées, ndlr), ça a bousculé les règles, tirer tout le monde vers le haut, vers plus de professionnalisme. Il faut remettre l’aventure dans la course au large."

Vision romantique, utopique peut-être, humaniste et séduisante sans aucun doute… Les deux marins se donnent encore quelques mois pour y croire. Et si un partenaire pour deux suffisait ? Un sponsor pour une équipe de deux bateaux ? Imaginez. Cela aurait une sacrée gueule sur les pontons des Sables ! Et si c’était ça, la solution ?

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