Voix de garage, le billet d'humeur d'Alexandre Boyon
La nuit dernière, après un dimanche pascal éprouvant où je me suis demandé qui de l’œuf ou du lapin en chocolat était là le premier, je me suis réveillé en sueur. Sur le trottoir, casque sur la tête, je commentais à plein régime le créneau de mon fils entre deux véhicules déjà stationnés. Pour seuls spectateurs, trois pigeons, un caniche et au bout de la laisse, une grand-mère interloquée, autorisation de sortie en main.
Les cuicuis des oiseaux - à moins que ce ne soit les cloches de Pâques - m’ont réveillé me transportant en quelques décibels du rêve à la réalité. Commenter des créneaux, pas de quoi rouler des mécaniques. Mais quand on devient une voix de garage, c’est comme si on était en direct lors du «derby» Dudelange – Niederkorn du championnat luxembourgeois, un pur bonheur !
Le confinement change notre regard. Prenez l’école, on y punit ceux qui parlent trop et trop fort. « C’est pas comme ça que vous réussirez dans la vie, jeune homme ! ». Et pourtant, à la télévision ou à la radio, il arrive quelques années plus tard, que l’on vous paye pour ces mêmes raisons. Einstein avait raison, la relativité (NDLR : et l’audiovisuel) permet de reconsidérer pas mal de théories.
Monde du Silence
Licencié au Tennis Club du Touquet, affilié au bar du penalty ou journaliste « blazerisé » à la barbe et au verbe ciselés, le sport nous manque. Tous ces matches et ces compétitions mis en jachère. Nous sommes devenus ces sportifs de retour de blessure, en train de trépigner sur le banc, attendant que l’entraîneur nous dise de rentrer en jeu. Quand on est accro à l’effort ou hyperactif des cordes vocales, l’inactivité déstabilise.
Les commentateurs n’ont pas tous une propension naturelle pour le monde du silence. Leur karma n’est pas d’étudier les carpes dans la Calypso avec le commandant Cousteau. Quand on leur parle de Merlus, ils ne visualisent pas des poissons marins mais bel et bien des joueurs de football évoluant le plus souvent au Stade du Moustoir à Lorient.
Heureusement, dans ce désert vocal et auditif, reste cet instant de lâcher-prise, chaque soir à 20 heures. Nous nous retrouvons à applaudir et crier en hommage aux membres du corps médical, juste du bruit pour les remercier de ce qu’ils font pour nous. Le même niveau sonore que si Mbappé marquait en finale du prochain Championnat d’Europe qui aura lieu en... bah on ne sait pas trop en fait pour l’instant, car là aussi plus rien n’est sûr. Les championnats aussi sont sur une "voix" de garage.
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