Antonin Rouzier: "Les Jeux Olympiques, l'objectif absolu de ma carrière"
La semaine dernière, il a fait un saut à Berlin, pour planter 28 points et mener son équipe de l'Akasspor Izmir au succès lors de la 1e journée de Ligue des Champions. Trois jours après, il était sur le pont en championnat turc. Le tout après avoir enchaîné Ligue mondiale depuis mai jusqu'à l'Euro en octobre avec l'équipe de France. Antonin Rouzier est fatigué, ses genoux le font souffrir, ce qui va le contraindre à s'arrêter. Cette usure physique sera une donnée à gérer pour ce TQO si important: "Il faudra prendre en compte la fatigue des joueurs avec leur club. On enchaîne des matches tous les trois jours. On va rentrer fatigués de nos clubs, et il va falloir s'entraîner et tout donner pour avoir la qualification", glisse-t-il. Notez bien qu'il parle de "rentrer" en équipe de France, comme si celle-ci était son club, sa deuxième famille.
"On ne se prend pas au sérieux"
Il est vrai que le natif de Saint-Martin-d'Hères a passé "plus de temps avec mon compagnon de chambre qu'avec ma femme", durant cet été chargé pour les Bleus. "On est resté plus de cinq mois ensemble", rappelle-t-il. "Et pendant ces cinq mois, on a rigolé, il n'y a aucune prise de tête. C'était génial. C'est une belle histoire." Une histoire d'une bande de copains qui triomphent de tout. Entre Rio de Janeiro et Sofia, ils ont conquis les deux premiers titres de l'histoire du volley français. "On ne réalise pas encore ce qu'on a fait. Mais c'est fou", souligne-t-il. Bonne humeur et folie, la caractéristique de cette formation auto-surnommée Team Yavbou: "C'est fou parce qu'on est tous différents dans cette équipe, avec des personnalités très variées", raconte l'un des plus anciens de la maison bleue. "Et ça fonctionne. Jamais je n’aurais pu fréquenter ce genre de personnes si je n’avais pas joué au volley: ils sont complètement fous", rigole-t-il. "C’est ce que j’aime dans ce collectif: on est fous mais on ne se prend pas la tête, on ne se prend pas au sérieux. C’est peut-être aberrant, mais c’est le secret de notre réussite. Sur le terrain, on se dit souvent des bêtises. C’est ce qui fait qu’on est relâchés."
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A 29 ans, Antonin Rouzier a peut-être encore plus conscience que les autres de la dimension de leurs exploits, et du chemin qui leur reste à parcourir. En 2006, il faisait ses débuts internationaux, et disputait la première finale de Ligue mondiale de l'équipe de France. Perdue face au Brésil. En 2008 et en 2012, il a vu les Jeux Olympiques de très loin. "J’ai eu beaucoup d’échecs dans les qualifications, ce qui m’a aussi coûté une année en équipe de France. J’ai arrêté parce que je ne savais plus du tout où j’en étais. Lorsque Laurent (Tillie, le sélectionneur NDLR) est arrivé, il m’a rappelé, il m’a donné confiance en moi. Je lui avais dit que si je ne prenais pas de plaisir, j'arrêterai. Ca a été tout le contraire. On s'amuse tout le temps. Et tout mon potentiel s'est développé. Avant j'étais irrégulier, maintenant je ne le suis plus. Je sens qu’avec cette équipe, on peut aller loin, faire quelque chose de grand. Notre objectif c’est les JO. On sait que si on se qualifie, on aura la possibilité de les gagner. C'est l'objectif absolu de ma carrière, la seule compétition que je n'ai pas disputée."
"Fier de ce que j'ai accompli en équipe de France"
De joueur talentueux et inconstant, il est devenu une arme fatale, un des meilleurs du monde à son poste. "Le déclic, ça a été la qualification pour les championnats du monde contre la Belgique il y a deux ans et demi", estime-t-il. "On a senti que quelque chose se passait. Il y avait un bel esprit de groupe. Pour moi, c’est là qu’il y a eu ce déclic. Après des années difficiles en club, j’avais soif de revanche. Mes expériences à l’étranger (Knack Roselare en Belgique en 2008-2009, Zaksa en Pologne, Piemonte en Italie, Ankara en Turquie et désormais Izmir, NDLR) ont été primordiales pour moi. Certaines choses se sont mal passées. J’avais envie de montrer que je pouvais être le joueur que beaucoup attendaient. J'ai acquis cette constance cet été, un peu avant même. J’en suis fier. J’ai un niveau élevé. Je n’aime pas dire grand joueur, parce que je suis humble de nature, mais je suis fier de ce que j’ai accompli en équipe de France. En ce moment, je vis la meilleure période de ma carrière, sur le plan personnel et collectif." Il parle volontiers de ses coéquipiers, Earvin Ngapeth, Kevin Tillie, Benjamin Toniutti, Kevin Le Roux, Jenia Grebennikov, "le meilleur libéro du monde"...
De toute façon, il sait que la grosse tête est impossible dans cette équipe: "Qu’on gagne ou qu’on perde, on reste les mêmes. Si l’un d’entre nous prenait la grosse tête, il se ferait vite taper la tête dans la Team Yavbou. Certes on a gagné des titres, c’est bien mais notre objectif, c’est les Jeux Olympiques. On ne veut pas le rater." Malgré ces deux titres, la France n'est pas assurée de jouer à Rio au mois d'août, la faute à un réglement qui mêle politique et gros sous. "Il y a beaucoup de rancoeur, mais on ne peut rien changer", avoue le pointu français. "Elle va peut-être nous donner un coup de pouce parce que c’est une forme d’injustice. Et moi, l’injustice c'est ce qui me répugne le plus au monde. Ca nous motive encore plus." En plus de ces choix étonnants, l'équipe de France subit aussi un peu de malchance, avec un tirage au sort qui l'a placée dans le même groupe que la Russie, championne olympique en titre, et un affrontement dès le premier match du TQO. "C’est toujours délicat de commencer une compétition par une grosse équipe. Comme on a vu à l’Euro, on est plutôt monté en puissance au fil des matches. Ce n’est pas très satisfaisant, mais on va faire avec. On sait que c’est une mission impossible pour nous de se qualifier pour les JO. Mais notre objectif est de se qualifier directement à Berlin."
Avec un nouveau statut à défendre, les Français se savent attendus: "On l'était déjà à l'Euro, et on a répondu présents", souligne Antonin Rouzier. Avec de très grands joueurs, une "vie de groupe qui fait la différence", une défense à la hauteur de ses devancières et de nombreux atouts offensifs, la France a les cartes en main. "Notre jeu est très varié. On n'est pas dépendant d'un joueur. C'est notre force", souligne le MVP de l'Euro-2015, qui avoue que l'ambition n'est pas seulement sportive: "Si on va aux JO? on l'a tellement voulu, qu'on y fera un grand résultat. Ce sera bien pour notre sport. On a envie de performer, mais aussi que notre sport soit plus connu, qu'il y ait plus de licenciés... C'est aussi l'objectif de la Team Yavbou." Un autre aspect de la générosité de ce collectif.
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