Jenia Grebennikov, le collectif dans l'ADN
"La récompense collective est plus importante que la récompense individuelle." Jenia Grebennikov résume en une phrase son état d’esprit. Meilleur libéro du championnat du monde 2014, il avait moyennement apprécié de se trouver seul, sans autre joueur tricolore, sur le podium des lauréats. "Ce n’était pas tip-top", avoue-t-il. En plus, l’équipe de France avait échoué au pied du podium. Depuis, le libéro s’est rattrapé : victoire en Ligue mondiale cet été, victoire au championnat d’Europe avec en prime un statut de meilleur libéro sur cette dernière compétition, en compagnie d’Antonin Rouzier, MVP et meilleur marqueur, et d’Earvin NGapeth, deuxième meilleur attaquant.
Il faut dire que le collectif est presque dans son ADN. Petit, il n'a joué qu'à des sports collectifs: football, basket, hockey-sur-glace. "Le volley, c’était juste pour m’amuser avec mes parents, mon frère, sur la plage. Moi, j’étais plus hockey", avoue-t-il. Aujourd'hui, sur le terrain, il est libéro. Un maillot différent des autres, un rôle très spécifique au service des autres. Pas de smash, pas de service, pas d’attaques, "ce n’est pas le poste qui fait rêver", avoue-t-il. Mais la mission est essentielle : "On est un des premiers à toucher le ballon en défense. Notre rôle est de bien lancer l’attaque, de bien commencer le point." A ce jeu-là, à seulement 25 ans, Jenia Grebennikov est devenu le meilleur du monde à son poste, de l’avis de son coéquipier en Bleu, Antonin Rouzier, et de bon nombre d’observateurs.
Son père décisif dans ses choix
Pour y parvenir, il a pu compter sur les précieux conseils d'une personne: son père. Boris Grebennikov est un ancien volleyeur de l'URSS (35 sélections). Il sait donc ce qu'est le haut niveau. "J’ai toujours voulu faire une carrière dans le sport de haut niveau. C’est fabuleux de vivre de sa passion, de s’épanouir et d’en vivre", se souvient son fils Jenia. Et le volley lui offre le plus de garanties, selon son père, qui devient en plus en 2005 entraîneur de l’équipe de Rennes Volley 35, alors en ProA. "Ca a été le coup de pouce, le coup de chance car c'est très difficile de percer à haut niveau", souligne Jenia. "Très jeune, je me suis entraîné avec les pros." Pas très grand, manquant de détente et de puissance, son père l’incite à abandonner le poste de réceptionneur-attaquant pour devenir libéro, afin d’atteindre ses ambitions d’équipe de France. "Il pensait que j’avais le potentiel. J’avais déjà une bonne lecture du jeu. A 18 ans, après dix journées de championnat, j’ai joué libéro car on était en bas de classement et qu’il fallait tenter quelque chose. Je n’ai plus laissé ma place." Lui qui s’ennuyait parfois sur le banc, dans l’attente d’une entrée en jeu en attaque, découvre qu’il peut passer tout un match sur le terrain. "C’était tellement bien", dit-il. "Je ne pensais pas que mon père aurait raison à ce point."
La carrière est lancée. Cinq saisons en Bretagne, puis direction la grosse cylindrée européenne de Friedrichshafen (1 Ligue des Champions, 12 titres de champion d’Allemagne), et depuis cette saison celle de Treia en Italie (1 Ligue des Champions, 4 Coupe CEV, 3 titres de champion d’Italie). C’est là qu’il met son perfectionnisme en action : "Pour jouer libéro, il faut être parfait : une bonne lecture du jeu, une analyse de l’attaque adverse, du dynamisme, gérer le block, replacer ses coéquipiers…" Le chef de la défense, c’est lui. Il y ajoute une pincée de psychologie : "Quand il y a des moments difficiles, j’essaie de remotiver tout le monde, parfois en disant des 'conneries'. Tous les autres joueurs ont beaucoup de choses à penser, moi je n’ai que la défense." Dans cette équipe de France conquérante, il n’est pas le plus expansif: "Je ne suis pas quelqu’un qui ouvre beaucoup sa gueule", dit-il. Son poste de libéro se marrie parfaitement à son caractère. La lumière, c’est pour les autres. En revanche, les coups, c’est pour lui. "Beaucoup me demandent comment je fais pour me prendre des parpaings. Mais, cela devient une habitude. Ca ne fait même plus mal de recevoir des boulets de canon. C’est comme un gardien de hand. Il faut être un combattant. Et quand on ramène des gros smashs, il y a des regards avec l’adversaire comme pour lui dire : ‘Vas-y, frappe plus fort’."
Grebennikov aussi collectif que la Team Yavbou
En janvier prochain, Jenia Grebennikov sera en mission avec l’équipe de France, pour gagner le tournoi de qualification olympique et ainsi valider un billet pour les Jeux Olympiques de Rio. Cela se passera en Allemagne, là où il a évolué durant deux saisons, et le premier match sera face aux Russes, champions olympiques en titre, et nation dont sont originaires ses parents. "Je n’y ai pas encore trop pensé. C’est sûr que mon père sera au taquet pour ce match. Moi, cela ne me touche pas plus que ça. C’est une grosse nation du volley, et ce sera compliqué pour entamer la compétition. De toute façon, les 8 équipes sont fortes." En plus, la France sera une cible après ses deux titres conquis en 2015 : "Mais ça fait deux ans qu’ils nous attendent", relativise le natif de Rennes. Il sait que pour aller au Brésil, "tous les secteurs de jeu seront importants. A ce niveau, on ne peut pas avoir un compartiment en échec". Si la défense est l'un des points forts des Bleus, jamais son premier représentant ne tirera la couverture à lui. Trop collectif...
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