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Laurent Tillie est « sonné » par cette crise sanitaire mondiale provoquée par le coronavirus

Les Bleus se sont qualifiés pour les JO en janvier dernier à Berlin. Mais depuis 15 jours, tous les championnats sont à l’arrêt. Que ce soit en Italie, en France, en Pologne ou en Russie, tous les joueurs sont confinés. Et tout le monde attend une décision du CIO concernant les Jeux. Le sélectionneur de l'équipe de France Laurent Tillie lui est en confinement chez lui à Cagnes-sur-Mer avec sa femme Caroline. 
Article rédigé par Benoit Durand
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
  (ODD ANDERSEN / AFP)

Comment vivez-vous cette période de crise sanitaire ?
Laurent Tillie :
"J’avoue que je suis sonné. Je pensais que ça allait passer mais je suis touché comme tous les Français. J’ai vraiment eu un choc en rentrant en France. En fait, j’étais parti pendant 15 jours aux USA pour soutenir mon fils Killian qui jouait les phases finales du championnat de basket universitaire (NCAA). A l’époque, quand je pars, tout va plutôt bien en France. Et puis quand je rentre, je retrouve un pays où tout est fermé, où c’est l’état de guerre. Je n’avais jamais vu l’aéroport Charles-de-Gaulle comme ça, aussi vide. Et puis je vois que les joueurs sont confinés, qu’ils ont interdiction de jouer, de s’entrainer. Il y a une sorte d’angoisse qui monte. Les choses sont sérieuses, il faut se barricader et attendre en restant chez nous."

Cela a quel impact sur votre travail ?
LT :
"On a beaucoup de difficultés pour organiser les choses, on navigue à vue. On vient d’annuler toute la programmation de l’équipe de France car elle n’a plus de sens avec le report de certaines compétitions (Volley Nations League prévue en mai/juin mais reportée après les JO) et les incertitudes qui planent. Nous devions retrouver les joueurs le 1er mai, j’espère finalement les regrouper fin mai. Le problème c’est qu’on ne sait rien : on ne sait pas si les championnats vont reprendre, quand ils vont se terminer, quand nous allons récupérer les joueurs. De mon côté, je suis en contact avec plusieurs sélectionneurs, j’essaie de caler des matches amicaux pour préparer les JO mais je ne sais pas si c’est possible, je ne sais pas quand nous pourrons les jouer ni où. On ne peut plus rien programmer, planifier ou anticiper et c’est ça le plus dur pour un sélectionneur.

"Je n’ose même pas imaginer une annulation ! Ce serait tragique."

Sportivement, ma plus grande crainte, c’est d’avoir suffisamment de temps pour remettre les joueurs en forme avant les JO. Si certains sont à l’arrêt pendant deux mois, il nous faudra au moins 6 à 8 semaines de préparation. Le planning sera serré. Si certaines compétitions en club reprennent, j’espère juste qu’ils ne vont pas faire jouer les joueurs trop vite pour rattraper le retard sans entrainement ou presque. Ce serait très risqué. Maintenant, je suis dans l’attente de la décision du CIO, dans l’attente de savoir ce que je peux faire."

Les JO peuvent-ils encore se tenir comme prévu en juillet ? Certains évoquent même une possible annulation...
LT :
"Je n’ose même pas imaginer une annulation ! Ce serait tragique. Tous les rêves qu’on avait en janvier après la qualification pour les JO s’envoleraient d’un coup. Ce serait terrible. Je ne parle pas non plus d’un report dans un an ou deux, pour moi ce serait presque vécu comme une annulation. Après, je manque d’informations pour savoir si les JO peuvent et doivent se tenir aux dates prévues. Si cela est possible, alors tant mieux mais je ne connais pas tous les paramètres. C’est très difficile d’avoir un avis tranché sur cette question.

Je vois juste que cela va un peu mieux en Asie et j’espère juste que les JO pourront avoir lieu dans de bonnes conditions pour tous. Ce qui est sûr, c’est que si on doit reporter les JO, il faudrait les programmer en fin d’année 2020, pas plus tard. Ce serait une belle fête sans l’angoisse qui plane actuellement. Nous aurions alors, je l’espère, tous vaincu ce virus et cette crise ensemble, nous aurions passé un cap. Ces JO seraient vécus comme une renaissance, ils auraient une valeur encore plus grande. Ce serait un beau symbole."

"Avec ma femme Caroline, nous sommes dans une bulle."

Vous étiez donc aux USA pour la March Madness (NCAA, basket). Votre fils Killian était sur le parquet avec son université de Gonzaga. Ils étaient très bien placés pour décrocher le titre. Comment l’annulation du tournoi a-t-elle été vécue sur place ?
LT :
"C’était un désastre. Les joueurs étaient effondrés. Pour un garçon comme Killian, c’était sa dernière année en NCAA, sa dernière chance de décrocher le titre. Avec ses coéquipiers, ils venaient juste de remporter le titre de leur conférence, ils devaient jouer le 1er  tour de la March Madness à domicile ce qui est très rare. Et puis d’un coup tout s’est arrêté. C’est une compétition très importante aux USA, les étudiants jouent devant des salles remplies, tous les matches sont retransmis, il y a des enjeux financiers énormes. Et pour tous, c’est un tremplin vers la NBA. Aujourd’hui tous les cours sont arrêtés, Killian peut encore s’entrainer un peu au gymnase mais c’est tout. Les camps d’entrainements pour préparer la draft NBA sont annulés. Mes deux autres fils aussi sont bloqués à l’étranger. Kevin (volley) est en Pologne et Kim (basket) est bloqué lui au Monténégro. Ils ne peuvent plus jouer ni s’entraîner non plus et leurs déplacements sont limités. Je prends des nouvelles régulièrement et pour l’instant tout le monde va bien, c’est l’essentiel."

Vous faites quoi en ce moment  pour passer le temps chez vous ?
LT :
"Avec ma femme Caroline, nous sommes dans une bulle. J’essaie de me tenir en forme en m’imposant un peu d’exercice tous les jours sur ma terrasse. Je fais des choses simples, je bricole, je range et puis j’avoue que je suis devenu un peu accro à l’actualité. Je regarde et je lis beaucoup de choses. On essaie de profiter des petits bonheurs simples de la vie. Là par exemple, je prépare un petit barbecue pour le dîner. Ces choses là prennent une valeur encore plus grande dans des moments aussi compliqués. Il faut savoir les savourer."

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