Xavi, pour l'amour du style
Il aura été l’homme de tous les succès. Avec Carles Puyol et Iker Casillas, Xavi était le troisième pilier de cette Roja championne de tout, intouchable durant quatre ans. Entre 2008 et 2012, il aura soulevé deux Euro (2008 et 2012) et une Coupe du monde (2010). Mais après ce Mondial raté au Brésil et une élimination douloureuse au premier tour, le Catalan a préféré dire au revoir. A la Roja, pas au Barca. Après Puyol, c’est une autre légende qui s’en va – Casillas, lui, attend d’en savoir plus sur son avenir en club avant de se prononcer – et le vide laissé est immense. Xavi, c’était l’architecte. Le relai d’Aragones puis de Del Bosque sur le terrain.
C’était aussi le tempo. Il contrôlait le rythme du match, par ses passes, ses déplacements. Il accélérait, ralentissait, orientait, marquait de temps en temps (13 buts en 133 sélections). Cerveau du milieu de terrain, il était le symbole de ce tiki-taka novateur et triomphant. Meilleur joueur de l’Euro 2008, dans l’équipe-type du Mondial 2010 et de l’Euro 2012, meilleur joueur de la finale face à l’Italie, peut-être le meilleur match de cette génération, ses plus belles années auront coïncidé avec l’âge d’or de l’Espagne. Xavi, c’était aussi le symbole de cette dictature du beau jeu. Elevé à la Masia sous le dogme de la possession, il n’aurait jamais accepté que l’Espagne – où le Barça – se renie. Un chantre de la pensée-unique, qui en a agacé plus d’un, mais qui a prouvé qu’on pouvait gagner en jouant bien.
Aragones l’installe au cœur de tout
Pourtant, l’histoire n’a pas toujours été rose. Elle a même failli tourner court. Après de courtes apparitions au Mondial 2002 (3 matches) et aucun match à l’Euro 2004, Xavi n’est indispensable nulle part. Ni en club, ni au Barca. Arrive alors un homme qui va tout changer, Luis Aragones. "Personnellement, Luis m’a permis de me sentir important à un moment où ma confiance en moi était un désastre. Il m’a donné les clés de la sélection alors que je ne les avais pas au Barça", a-t-il raconté dans une lettre ouverte à Luis Aragones au moment de sa mort en février dernier, publiée dans El Pais.
Mis de côté avant, il devient incontournable. En 2006, il revient juste avant le Mondial suite à une rupture des ligaments. Présent mais diminué, il ne peut faire mieux que les 8e de finale face à la France. Mais tout est déjà en place. Les petits gabarits, le toque, Villa, Torres, Fabregas et Xavi au milieu qui dicte le tempo. Il a été la clé de tous les succès, "le joueur-clé du style de jeu espagnole", selon Del Bosque qui lui a rendu hommage ce mardi. "Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il est très important pour nous, beaucoup plus que le manager" avait-il déjà dit il y a quelques années. De l’autre côté des Pyrénées, on a souvent dit que le meilleur Xavi aura été le fer de lance de la meilleure Roja. Le Mondial 2014 ne fait qu’apporter plus de crédit à cette théorie.
Le tweet de la sélection espagnole
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Koke, Herrera, Thiago, les héritiers
Après avoir écrit les plus belles pages du football espagnol, Xavi laisse donc une sélection en pleine reconstruction. Pour la première fois depuis longtemps, il ne sera pas dans l’équipe concoctée par Del Bosque pour le déplacement en France le 4 septembre prochain. Si le sélectionneur a déjà dit qu’il serait "difficile à remplacer", il sait aussi qu’il a déjà ce qu’il faut en magasin. Ander Herrera, nouveau joueur de Manchester United, Thiago qui a grandi dans l’ombre de Xavi à Barcelone et qui est parti s’émanciper sous les ordres de Guardiola au Bayern ou encore Koke, le maître à jouer de l’Atletico Madrid, ont les cartes en mains pour le faire oublier.
Xavi a d’ailleurs avoué une affection particulière pour le Colchoneros. "Koke est un footballeur extraordinaire. Il a tout. Le talent et les capacités physiques. C’est un footballeur du présent et du futur. Il a le potentiel pour devenir le chef d’orchestre de l’Espagne pour les dix années à venir. J’ai une affection particulière pour lui car nous évoluons au même poste", avait-il déclaré en mars dernier. Si Xavi a grandi en regardant Guardiola, Koke, Tiago ou Herrera ont eux été nourris aux exploits du Barcelonais et au tiki-taka. Xavi peut partir tranquille, le foot espagnol est entre de bons pieds. Le toque va perdurer. Il sera peut-être "actualisé", mais l’Espagne ne va pas tout effacer. Sans doute le plus bel hommage qu’on pouvait lui rendre, lui, qui a toujours soutenu que le "style ne doit pas être débattu". Plus que les titres, elle est peut-être là sa plus belle victoire.
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