ENTRETIEN. Annemiek van Vleuten : "Le cyclisme féminin ne consiste pas à me battre, c'est réducteur"
L'été dernier, la Petite Reine s'est trouvée une impératrice : Annemiek van Vleuten. A 40 ans, la star néerlandaise est devenue championne du monde de cyclisme en septembre, après avoir réalisé un triplé inédit : Giro, Vuelta et surtout le Tour de France. De multiples prouesses qui lui valent d'être nommée aux prix Laureus, dans la catégorie comeback de l'année, après sa victoire sur la Grande Boucle alors qu'elle était diminuée par un virus au départ de Paris.
Sept mois plus tard, la cannibale néerlandaise s'apprête à remonter en selle pour défendre ses titres, dans ce qui sera sa dernière saison, à quarante ans. Une tournée d'adieu parée du maillot arc-en-ciel, et si possible d'une nouvelle pluie de trophées.
Franceinfo: sport : Vous êtes nommée pour le prix Laureus du comeback de l’année, aux côtés de Tiger Woods, Christian Eriksen ou encore Klay Thompson, que ressentez-vous ?
Annemiek van Vleuten : Ça me rappelle la saison dernière, mais je suis déjà tournée vers celle qui arrive. Être nommée parmi ces grands noms, ça me rend fière de ma dernière saison. C’est aussi une reconnaissance. Quand j’ai commencé le cyclisme, c’était inimaginable de voir une cycliste féminine dans une liste de récompenses comme ça, au milieu de grandes stars. C’est aussi ça qui me rend fière.
Le comeback de l’année, pour vous, c’est aussi sur les Mondiaux de Wollongong avec une victoire quatre jours après votre blessure au coude ?
Peut-être qu’il faudrait un prix du comeback sur la carrière, et je serais nommée aussi ! (Rires) Je ne savais pas pour quel comeback j’étais nommée au début, c’était étrange. J’ai eu une saison remplie de succès pendant laquelle j’ai réalisé tous mes rêves, donc parler de comeback, c’est un peu spécial.
Cette saison sera votre deuxième avec le maillot en arc-en-ciel, mais sans pandémie pour la stopper cette fois. Vous l’attendez avec impatience ?
Oui ! J’avais déjà impatience de m’entraîner avec, c’est tous les jours spécial de porter ce maillot. Je suis fière de le montrer, et je veux avoir un bon niveau pour jouer la victoire avec ce maillot arc-en-ciel. Je vous promets que cette année, les gens vont voir ce maillot, que je vais les divertir avec.
C'est plus simple d’arrêter après une dernière année avec le maillot de championne du monde sur le dos. Récemment, j’étais en Colombie, c’était fou, les gens criaient mon nom, même des travailleurs dans la rue. C’était incroyable, je sens vraiment le poids de ce maillot. C’est fou !
Annemiek van Vleuten, cycliste chez Movistarà franceinfo: sport
Ce sera aussi votre dernière saison avant la retraite, à 40 ans, alors que vous sortez de votre meilleure année. Pourquoi ce choix ?
C’est ma décision, mon corps me dit que je dois arrêter. J’arrête alors que je suis encore au top niveau, les gens me demandent souvent pourquoi, me parlent des JO de Paris, mais il n’y aura pas d’ascension sur ce parcours olympique, donc ça va se jouer au sprint et ça me convient moins. J'ai aucune chance de gagner la médaille d’or. Et une saison olympique, ça coûte beaucoup d’énergie, ce ne sont pas les meilleures saisons. Je préfère les saisons sans JO, parce qu’on perd moins d’énergie sur cet événement, et on profite plus des autres belles courses. Le parcours des JO aurait pu changer ma décision, mais là, j’ai accompli tous mes objectifs, j’ai toujours l’énergie pour me pousser à la limite, et je ne veux pas prendre ma retraite trop tard, quand j’aurai perdu cette énergie.
Vous avez déjà des idées pour la suite ?
J’essaie de rester focus sur cette année, de mettre les gaz, m’entraîner, et ne pas trop penser à l’après. Mais je resterai dans le sport, j’ai trop de passion pour le cyclisme. J’aime aussi entraîner les jeunes, j’espère pouvoir m’investir là-dedans. Peut-être aussi à la télévision. Mais je ne disparaîtrai pas du sport !
Pourquoi ne pas faire Paris-Roubaix, qui manque à votre palmarès ?
Le cyclisme féminin se spécialise, donc on ne peut plus être partout. On ne poserait pas cette question à Jonas Vingegaard, non ? Les gens doivent comprendre que le cyclisme féminin évolue. Avant, on devait disputer toutes les courses parce qu’on en avait peu. Maintenant, on peut faire des choix, et on doit en faire, pour atteindre nos objectifs. C’est une bonne chose. C’est plus dur pour moi de gagner ces classiques, parce qu’elles ont peu d’ascensions où je peux faire la différence, contrairement aux courses à étapes.
La saison dernière, vous avez gagné le Giro, le Tour, la Vuelta, et les Mondiaux. Comment vous gardez la motivation ?
Ce n’est pas un problème, parce que gagner n’est pas ma motivation ! Ce n’est pas ce qui me pousse. Ce qui me fait avancer, c’est de soigner des petits détails pour m’améliorer. En fait, je trouve même que ma retraite arrive trop tôt parce que j’ai encore plein de choses à régler. Mais c’est ça qui m’a toujours poussée à m’entraîner. Si je ne trouve plus rien à améliorer, là, je descends du vélo.
Un des temps forts, ce sera le Tour. Vous avez déjà coché quelques étapes ? Que pensez-vous de l’arrivée au Tourmalet ?
Pas encore… Mais j’ai été très heureuse d’apprendre qu’on aurait cette ascension légendaire au programme, ça donne encore plus d’importance au Tour de France. Je n'ai encore jamais grimpé le Tourmalet, je ne m’entraîne pas souvent dans les Pyrénées, mais je suis heureuse à chaque longue montée. Et j’aime la combinaison avec le contre-la-montre le lendemain.
D’ailleurs, les organisateurs ont décidé de mettre moins de montagne que l’an passé, parce que vous y êtes trop supérieure aux adversaires. Quel est votre secret ?
Ce n’est peut-être pas que je suis supérieure en montagne, mais que je suis très endurante. C’est là que je fais la différence, comme l’été dernier sur l’étape au Markstein avec trois ascensions consécutives. J’ai attaqué dès la première et j'ai pu faire de gros écarts. Là, ce n’était pas une montée de deux minutes (rires) !
On entend souvent dire que vous êtes imbattable, vraiment ?
Non, ce n’est pas vrai ! Je suis triste quand j'entends cela. Le cyclisme féminin ne consiste pas à me battre, c'est réducteur de le dire ! Je ne gagne pas toutes les courses, il y a plein de lauréates différentes. Certes, sur les courses à étapes, je n’ai rien laissé la saison passée, mais je dois être à chaque fois plus entraînée, plus concentrée. C’est de plus en plus dur. Si je ne continue pas de m’améliorer, les autres filles vont me chasser du podium…
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