ENTRETIEN. Demi Vollering : "Je veux inspirer les petites filles à monter sur un vélo", rêve la vainqueure du dernier Tour de France femmes, favorite à sa propre succession

La Néerlandaise de 27 ans se présente sur la ligne de départ, à Rotterdam lundi, dans le rôle de l'épouvantail et avec une notoriété nouvelle.
Article rédigé par Andréa La Perna
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7 min
Demi Vollering lors de la dernière étape du Tour de France femmes, à Pau, le 30 juillet 2023. (JEFF PACHOUD / AFP)

"Je me sens bien". En pleine préparation en altitude en vue d'un été chargé (JO et Tour de France femmes), Demi Vollering s'est confiée, mi-juillet, sur ses objectifs, son nouveau statut et ce qui fait d'elle la meilleure coureuse au monde. La vainqueure sortante a fait le choix de la fraîcheur, faisant l'impasse sur le Giro et préférant reconnaître la montée de l'Alpe d'Huez, qu'elle a appris à apprécier après deux premières sessions douloureuses.

"Le Tour de France femmes, c'est vraiment un gros objectif pour moi", expliquait-elle alors que les Jeux olympiques étaient sa prochaine échéance. Si elle est repartie sans médaille de Paris 2024 (34e sur la course-en-ligne et 5e du contre-la-montre), la Néerlandaise aux 29 victoires depuis 2023 reste l'immense favorite à sa propre succession.

Franceinfo: sport : Cette édition 2024 est-elle encore plus excitante pour vous, que les deux précédentes, avec ce Grand Départ depuis les Pays-Bas ?

Demi Vollering : Pour moi, c'est très spécial. Je pense que ça l'est pour toutes les coureuses néerlandaises. Chaque année, le Tour de France femmes grandit à grands pas. Cette année, ce sera encore plus fort. Je suis pressée d'y être, d'autant que toute ma famille ne vit pas loin. Une partie habite même à Rotterdam, les autres dans des villages environnants. 

Pouvez-vous expliquer à quel point le cyclisme est important aux Pays-Bas ? Il paraît que vous rouliez plusieurs kilomètres chaque jour pour aller à l'école quand vous étiez petite...

Oui, j'habitais un peu à la campagne, donc ça ajoutait quelques kilomètres... Mais c'est vraiment normal. Vous apprenez à en faire à l'école. Tout ce que vous faites, vous le faites à vélo, pour faire les courses par exemple. Ma mère continue de les faire à vélo. C'est culturel. C'est une manière de vivre. Pour nous, c'est tellement normal. Quand on va dans d'autres pays et qu'on roule sur de très grandes routes, nous ne sommes pas habitués. Au Pays-Bas, il y a des pistes cyclables partout. C'est bien plus sécurisé.

Le fait de remporter le Tour de France femmes l'an dernier a-t-il changé votre quotidien et la manière dont les gens vous regardent ?

Moi, ça ne m'a pas vraiment changée. Cela fait surtout que tu es plus connue dans le monde du cyclisme. C'est aussi lié au fait que le cyclisme féminin se développe très rapidement. Le Tour de France femmes gagne tellement de fans chaque année... C'est à la télé et tout le monde peut regarder. Qu'il existe, c'est une grande étape pour le cyclisme féminin en général. Depuis que j'ai gagné, c'est vrai que certaines choses sont devenues plus faciles, comme les partenariats commerciaux (elle est devenue égérie Nike au printemps). Soudainement, vous sentez que vous avez une plus grande influence.

J'en suis consciente et j'essaie de m'en servir d'une bonne façon, en inspirant les petites filles à monter sur le vélo. Etant petite, c'était tellement important pour moi d'aller dehors et faire du sport. De nos jours, les enfants restent un peu trop longtemps sur les écrans et à l'intérieur. Ils saisissent moins l'opportunité de sortir et de découvrir la personne qu'ils sont et qu'ils veulent être. C'est vraiment dommage et c'est pour ça que j'essaie de diffuser ce message au maximum.

Quel regard portez-vous sur le développement du cyclisme féminin ? Quelle est la prochaine marche à franchir ?

Le plus important, c'est la visibilité, que les gens puissent nous regarder à la télévision, et pas uniquement les 30 dernières minutes de chaque étape. Pour le reste, c'est une question de temps. On a besoin d'avoir plus de coureuses, d'un calendrier avec davantage de grandes courses... Mais on doit faire attention à ne pas grandir trop vite. Un Tour de France femmes de trois semaines, aujourd'hui, ce n'est pas faisable. Ce n'est pas que le niveau n'est pas là, mais ce sont toujours les mêmes, même si ça change un peu dernièrement. On a besoin d'être vues pour que des personnes se disent "moi aussi, je veux être une cycliste". 

Au magazine Pédale, vous avez déclaré que votre faim de victoires était un héritage au sein d'une famille de compétiteurs. Mais cela ne peut pas être la seule chose qui fait de vous la meilleure de votre sport...

Non, c'est une combinaison de talent et de travail. Si vous n'avez que le talent, vous n'irez pas loin. Il faut aussi la bonne mentalité. Je l'avais quand j'étais petite et je continue à travailler dur encore aujourd'hui. J'investis beaucoup de temps dans la préparation mentale, la méditation... Ce sont toutes ces petites choses. Il faut aussi aimer son sport et c'est vraiment ma passion. A la fin, quand vous faites tout bien, que vous vous entraînez comme il faut, que vous avez la bonne mentalité, mais que vous n'aimez pas vraiment ce que vous faites, vous n'avez pas un désir si profond de gagner, et par conséquent vous ne gagnez pas. C'est important que tous ces facteurs soient là. 

Dans quel domaine pensez-vous encore avoir une marge de progression ?

Dans le contre-la-montre. Je peux largement m'améliorer. C'est un objectif dans le futur. Pour le reste, je veux juste gagner autant que possible. Je sais que je ne suis pas encore à mon meilleur niveau et que je peux encore m'améliorer un peu dans chaque aspect. Les ascensions paraissent si faciles à la télévision à chaque fois que je gagne, mais ça ne l'est pas. Je dois vraiment continuer à grandir en tant que coureuse parce que les autres s'améliorent chaque jour. Tu ne peux pas te reposer sur tes acquis. Il faut toujours essayer de se battre soi-même. C'est ce que j'essaie de faire aujourd'hui. 

Maintenant qu'Annemiek van Vleuten est retraitée, qui est votre adversaire principale pour ce Tour de France ?

Il y en a quelques-unes. Elisa Longo Borghini avait l'air très forte sur le Giro. Kasia Niewiadoma a franchi un cap la saison dernière en haute montagne. L'équipe Canyon//SRAM a vraiment de très bonnes grimpeuses, comme Neve Bradbury ou Antonia Niedermaier. Evita Muzic est aussi très forte. On l'a vu sur les courses espagnoles. Il y a beaucoup de coureuses qui sont très proches derrière moi. Je n'ai pas couru depuis pas mal de temps. Ma dernière course, hors championnats nationaux, c'était le Tour de Suisse (du 15 au 18 juin). Je ne sais pas exactement où chaque coureuse en est. C'est toujours excitant, mais aussi un peu effrayant.

Votre première victoire cette saison n'est arrivée qu'au mois de mai, à un moment de l'année où vous en comptiez déjà cinq en 2023. Est-ce que c'est lié à la difficulté de se motiver à nouveau après avoir quasiment tout gagné ou à votre situation contractuelle avec la SD-Worx, qui a annoncé votre départ à l'issue de la saison ?

C'est difficile à dire. J'ai quand même fait de très beaux podiums. Je ne peux pas être contente de mon printemps. Je voulais vraiment une grande victoire. C'est le fruit de beaucoup de choses. L'histoire autour de mon contrat n'était pas facile pour moi. Les tracés de certaines classiques étaient aussi moins difficiles, comme sur la Flèche wallonne, avec cinq côtes pentues en moins. L'équipe a roulé avec deux objectifs en tête et ça ne m'a pas trop réussi. Tout ça a fait que tout était différent. J'étais très contente de pouvoir montrer ma bonne forme en Espagne.

Votre équipe a tellement dominé son sport que les autres ont appelé à monter des alliances contre vous. Qu'est-ce que ça fait de courir pour l'équipe que tout le monde veut abattre ?

C'est logique, et c'est un fait sur lequel on n'a aucune prise. On peut être frustrées que tout le monde court contre nous, mais c'est comme ça. Ce n'est pas vraiment quelque chose qu'on ressent comme difficile ou méchante. On doit juste l'accepter et s'adapter, peut-être avec des plans différents. On essaie constamment de réfléchir à comment on peut gagner. Le plus important, c'est de ne pas se frustrer. 

Vous avez souffert de l'emballement médiatique et des spéculations autour du nom de votre future équipe. Mais, dans un sens, le fait qu'une rumeur mercato fasse autant de bruit, ce n'est pas aussi le signe que le cyclisme féminin entre dans une nouvelle dimension ?

Oui exactement. Je pense que c'est un grand compliment pour le cyclisme féminin que tout le monde ait envie de savoir. Pour moi, c'est un peu difficile parce que ça me concerne. Mais c'est vrai que c'est quelque chose de spécial parce que ça n'était jamais encore arrivé. Ça montre à quel point le cyclisme féminin progresse rapidement. 

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