Tour de France femmes 2024 : Juliette Labous, Evita Muzic... Pourquoi la Franche-Comté produit-elle autant de championnes ?
Nées à Lons-le-Saunier et Besançon, les deux meilleures coureuses françaises pour jouer un classement général, Evita Muzic et Juliette Labous, reviennent vers la terre de leur enfance, vendredi 16 août, à l'occasion de la 6e étape entre Remiremont (Vosges) et Morteau (Doubs). Les deux ont été formées au VC Morteau Montbenoît. Pour la seconde, la journée sera encore plus particulière puisqu'elle aura droit à son propre virage, où ses fans ont prévu de se rassembler. Ils seront "plus d'une centaine", d'après le père de la coureuse.
Il y a à l'évidence un dynamisme en Franche-Comté, qui a également permis à des coureuses venant d'autres régions de faire leurs gammes, à l'image de Jade Wiel. Ainsi trois des cinq dernières championnes de France sont passées par ici. Est-ce lié à une culture sportive naturellement portée sur le vélo ? Au fait qu'on puisse s'entraîner sur tous les terrains ? Est-ce une question de moyens financiers ?
VC Morteau et pôle espoirs de Besançon
"C'est un mélange de tout ça, mais à la base, il y a des filles avec du talent. Après, c'est à nous de mettre les choses en place", explique Jean-François Ducrot, président du VC Morteau Montbenoit depuis 2008. Les acteurs francs-comtois insistent sur la qualité de la structure, qui leur permet de travailler dans de bonnes conditions. En plus du travail du club mortuacien, il existe depuis les années 2000 un pôle espoirs, celui de Besançon, où l'entraîneur Mathieu Nadal a exercé pendant des années, voyant passer les Labous, Muzic et compagnie.
"Juliette avait une récupération au-dessus de la norme. Elle avait ce côté très rigoureux avec les chiffres, sur le chrono. Evita, c'est une teigne qui ne lâche jamais rien, avec des qualités techniques et de l'instinct."
Mathieu Nadal, ancien entraîneur au pôle espoirs de Besançonà franceinfo: sport
D'après lui, tout a commencé grâce à "l'ouverture d'esprit des élus", qui "ont mis les moyens". Tout un réseau d'interconnexions est né. "Si on élargit, il y avait aussi l’UFR Staps de Besançon et la présence de Frédéric Grappe [l'actuel directeur de la performance à la Groupama-FDJ]. Il y avait une dynamique formation - développement - compétition qui a nourri les athlètes. Quand il manque une de ces trois roues du tricycle, on est bancal", analyse celui qui est aujourd'hui entraîneur auprès de l'équipe de France de VTT, double médaillée aux derniers Jeux olympiques.
Autour de 2015, le pôle espoirs de Besançon n'accueillait que des femmes, par groupe de 10 ou 15 par an. "A l’époque, on nous regardait un peu comme des ovnis. Finalement, ça tournait très bien. On avait des résultats en pagaille. C'est simple, on gagnait tout ou presque", se souvient Mathieu Nadal. Ce dernier ne pense pas avoir mis au point une méthode révolutionnaire ou une recette miracle. Il prônait une flexibilité tactique en course, de la liberté pour toutes les coureuses en prenant en compte leurs spécificités, et l'importance de la pluridisciplinarité.
VTT et cyclo-cross au programme
"J’ai toujours considéré qu’il fallait toujours savoir faire du vélo avant de mettre de la puissance dessus", insiste celui qui se souvient avoir accompagné Juliette Labous à des championnats de France de VTT. Au VC Morteau Montbenoit, le cyclo-cross est un point de passage obligatoire pour toutes les catégories d'âge. "C'est une belle école de la technique. Les gamins sont enchantés, les parents un peu moins quand il faut nettoyer la boue", en rigole Jean-François Ducrot. Ce dernier voit chaque année des jeunes filles, dès l'âge de sept ans, lui dire : "Je voudrais faire comme Juliette Labous".
"Il y a presque toujours un Franc-comtois derrière les bonnes performances françaises", s'amuse-t-il avec un brin de chauvinisme régional. Difficile de lui dire le contraire. Chez les hommes, un certain Thibaut Pinot est du coin et un autre club de la région, le CC Etupes, s'est taillé une réputation de faiseur de champions, participant au développement de Warren Barguil, Guillaume Martin ou encore du Britannique Adam Yates, 3e du Tour de France 2023.
Aujourd'hui, le travail chez les féminines est perpétué par le comité territorial régional de Bourgogne-Franche-Comté et la manager technique Marine Strappazzon, elle-même coachée par Mathieu Nadal au début de sa carrière de coureuse. "On commence par de la détection, puis on crée des groupes. On essaie de mettre en place un maximum de stages pour les féminines dès la catégorie U15. Il y a aussi la volonté de créer des compétitions dans la région, comme depuis deux ans avec la Route de l'Est féminine, un challenge de six compétitions avec un maillot de leader. Cela crée du dynamisme et de la compétitivité", explique l'ex-coureuse de l'équipe St Michel-Auber 93 (2020-2021).
Pour que la boucle soit bouclée, à Juliette Labous ou à Evita Muzic de s'illustrer, vendredi. Le terrain est accidenté et convient plus à leurs qualités que les premières étapes. La première aura à cœur de briller devant ses proches. L'autre pourra faire parler son punch, même si elle attend encore plus l'étape de samedi, plus proche de ses terres. Dans leur course pour le podium, elles devront, dans tous les cas, rester avec les meilleures. Elles ont aussi une Bretonne à dépasser puisque Cédrine Kerbaol est actuellement la coureuse tricolore la mieux classée (4e).
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