Jonas Vingegaard vainqueur "par KO", Thibaut Pinot "au sommet de sa popularité", place des Français, dopage : le bilan du Tour de France 2023 par Christian Prudhomme
Le Tour de France s'achève dimanche 23 juillet sur les Champs-Elysées avec un second succès attendu du Danois Jonas Vingegaard, devant le Slovène Tadej Pogacar et le Britannique Adam Yates. Tadej Pogacar est allé chercher une deuxième victoire d'étape au sommet du Markstein samedi 22 juillet. Et Thibaut Pinot a fêté son dernier tour dans sa région.
Sur franceinfo dimanche 23 juillet, le directeur du Tour de France Christian Prudhomme dresse le bilan de l'édition 2023 qui voit Jonas Vingegaard vainqueur "par KO", un Thibaut Pinot "au sommet de sa popularité". Christian Prudhomme évoque également le dopage, le bilan mitigé des Français et les incidents qui ont émaillé le parcours.
franceinfo : On est passé sur ce tour d'un duel passionnant à la domination d'un seul homme. Est-ce que vous le regrettez ?
Christian Prudhomme : Je ne sais pas si je le regrette. Bien sûr qu'on rêverait toujours qu'il y ait du suspense jusqu'au dernier jour. C'est une certitude. Mais j'avais filé la métaphore du combat de boxe. Il y a eu un combat de boxe extrêmement serré où chacun des protagonistes se rendait coup pour coup pendant quinze étapes. Et puis, d'un seul coup, il y a eu un uppercut au foie, un genou à terre et le lendemain, le KO définitif. Donc il y a eu une sorte de rupture dans ce duel, dans ce combat. Mais ça nous promet des années qui viennent avec de nouvelles bagarres, puisque le succès d'étape de Pogacar samedi au Markstein, la rage qu'il a montrée en passant la ligne, indique qu'il fera tout pour prendre sa revanche.
Le maillot jaune a été rattrapé par la suspicion de dopage sur ce Tour lorsqu'il a assommé le chrono. Est-ce que vous avez été rassuré par ses propos et par ceux de son équipe ?
Il y a les écarts qui étaient considérables, creusés après le contre-la-montre, qui ont surpris tout le monde, et moi aussi. Et il y a une lecture un tout petit peu différente, sans que ça change tout, le lendemain, après la défaillance de Pogacar, qui était manifestement dans une phase descendante à ce moment-là dans le chrono. La suspicion, hélas, n'est pas illégitime au vu du passé. Et donc il faut s'en accommoder. Sachant que vous connaissez comme moi le nombre de tests faits par rapport au passé, faits par l'ITA (International Testing Agency), agence de tests indépendante, qui a contrôlé très régulièrement, et même parfois plusieurs fois par jour, les principaux protagonistes de l'épreuve.
Roger Legeay, le président du Mouvement pour un cyclisme crédible, regrette que la Jumbo-Visma et Team Emirates ne fassent pas partie de son mouvement. Il dit que ces équipes ne trichent pas forcément. Mais il explique qu'elles ne font pas partie des acteurs de la lutte antidopage.
Oui. Mais le cyclisme est le seul sport au monde, à mon sens, où des acteurs s'infligent des règles plus dures que celles de l'Agence mondiale antidopage. C'est-à-dire qu'il y a des gens, au vu du passé, qui ont le courage de faire des choses encore plus dures. Et sur le plan de l'UCI, la Fédération internationale, il y a eu l'an passé la mise hors course, la rétrogradation, du Colombien Nairo Quintana, pour un produit interdit dans le monde du vélo mais toujours autorisé aujourd'hui dans tous les autres sports. Donc c'est difficile pour les gens de comprendre.
Il y a ceux qui sont sur le podium. Et il y a les Français plus en retrait sur ce Tour, avec une seule victoire d'étape, pour Victor Lafay à Saint-Sébastien. David Gaudu, Guillaume Martin, Thibaut Pinot, sont tous à plus de 20 minutes, respectivement 9e, 10e, 11e. Est-ce que vous auriez aimé les voir beaucoup plus haut ?
Oui, bien sûr. Je pensais moi-même qu'ils feraient mieux. J'imaginais un Français dans les cinq premiers et peut-être trois Français dans les dix. Il y avait eu un très bon début avec la magnifique victoire d'étape de Victor Lafay. Il n'y en a pas eu ensuite. Dans son registre de baroudeur, on a vu un excellent Mathieu Burgaudeau, qui est une vraie révélation. Mais c'est vrai qu'on s'attendait à avoir un Français au classement général un peu plus haut, qu'il s'agisse de David Gaudu ou de Romain Bardet, à qui je souhaite le meilleur. Il a recommencé à s'entraîner samedi.
Thibaut Pinot, célébré ce samedi, va quitter le Tour définitivement ce dimanche, sur les Champs-Elysées. Est-ce un crève-cœur ?
Il a tiré une magnifique révérence dans les Vosges en étant seul en tête avec une foule d'une densité incroyable, comme j'ai rarement vu sur le Tour. Et avec des gens heureusement très sages, qui ne bougeaient pas. Et avec des chants, c'était tout à fait étonnant. On entendait d'un côté de la route "Thibaut, Thibaut" et de l'autre côté "Pinot Pinot", très loin devant et qui résonnait encore derrière. Certains coureurs n'ont pas su partir à temps.
"Thibaut Pinot part à temps, non pas au sommet de son art en tant que champion, mais au sommet de sa popularité"
Christian Prudhomme, directeur du Tour de Franceà franceinfo
C'était très impressionnant pendant toute l'étape. Du premier au dernier kilomètre, on a entendu qu'un nom au bord de la route, dans cette étape des Vosges qui menait Markstein, c'est celui de Thibaut Pinot.
Le Tour a été marqué par la forte présence du public, accompagné aussi par des incidents avec des spectateurs à cause des téléphones ou des véhicules. Est-ce que le Tour de France est désormais trop grand pour les routes de l'Hexagone ?
Non, mais c'est la rançon du succès. Le succès a été absolument phénoménal. Il y avait plus de monde que je n'ai personnellement jamais vu sur les routes du Tour. Il y a des audiences phénoménales à la télévision. On disait il y a quelques années que c'était un sport de vieux. Ce n'est absolument pas le cas. En revanche, dans le public qui est toujours à 99 % familial et hyper sympa, il y a des gens qui font un peu moins attention. Et il faut que ces gens-là fassent attention. Donc il faudra qu'on prenne d'autres mesures, certainement. On n'imaginait pas qu'il y aurait aussi souvent autant de monde dans chacune des ascensions avec des pentes rudes. Donc on va évidemment prendre d'autres mesures, qui ne vous feront peut-être pas toujours plaisir d'ailleurs. Parce que ce sont souvent des voitures de presse ou des motos de presse qui sont prises dans les filets de la difficulté. Donc on va réfléchir à tout ça sereinement. C'est la rançon du succès. Il faudra s'adapter et on devra s'adapter tous ensemble.
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