Tour de France 2023 : les chiffres qui montrent pourquoi les performances de Vingegaard et Pogacar sont hors normes
"D'une autre planète". Voilà le titre du quotidien L'Equipe, au lendemain de la performance supersonique de Jonas Vingegaard sur le contre-la-montre entre Passy et Combloux, mardi 18 juillet. Le maillot jaune danois a écrasé la concurrence, à commencer par son grand rival Tadej Pogacar, qu'il a bien failli rattraper sur les 22,4 km de l'effort chronométré (il lui reprend 1'38" en étant parti deux minutes après lui).
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Le 3e de l'étape, le Belge Wout van Aert, spécialiste de l'exercice, a ironisé sur le fait qu'il était "le meilleur des gens normaux", à 2'51" du vainqueur. Des performances qui rappellent à beaucoup les années Lance Armstrong, et ce titre "Sur une autre planète", du même quotidien sportif, après une démonstration de force de l'Américain, deux décennies plus tôt.
Faut-il pour autant crier au dopage ? Voici les éléments chiffrés du débat.
Le contre-la-montre de Vingegaard, du jamais vu depuis Jacques Anquetil
C'est l'ancien maillot jaune danois (mais exclu du Tour avant l'arrivée), Michael Rasmussen, qui le dit. "Je ne parviens pas à me souvenir d'un contre-la-montre où le vainqueur a mis 4,5 secondes par kilomètre au deuxième. Ni [Miguel] Indurain. Ni Armstrong", a-t-il tweeté.
Après avoir fouillé dans les archives, il a complété dans une interview au quotidien Ouest-France : "Je crois que le dernier maillot jaune à avoir autant dominé le deuxième sur un chrono était Jacques Anquetil en 1961. Il lui avait mis cinq secondes au kilomètre."
La comparaison avec des performances récentes montre que, quand un coureur écrase un chrono, il met 2 secondes au kilomètre à son dauphin. Pas le double.
La répartition des coureurs selon leur vitesse moyenne montre clairement que Vingegaard a survolé les débats, mais que Pogacar a également réalisé un excellent chrono en surclassant la concurrence. Pour preuve, il a rattrapé le coureur parti deux minutes avant lui, l'Espagnol Carlos Rodriguez, 4e du classement général et ex-champion d'Espagne de la discipline, tout de même.
Cela dit, dans l'impression visuelle, le Danois paraît beaucoup plus véloce que le Slovène. Ce que confirment des spécialistes comme Frédéric Grappe, responsable de la performance au sein de l'équipe Groupama-FDJ de David Gaudu et Thibaut Pinot, sur RMC : "Je ne m'imaginais pas un tel écart, surtout que ce n'est pas une contre-performance de Pogacar. Ce qui est intéressant, c'est que c'est essentiellement la force musculaire qui a fait la différence. Et Pogacar a vraiment fait un bon chrono. Je ne sais pas expliquer cet écart parce qu'on a rarement vu ça."
L'équipe de Jonas Vingegaard, la Jumbo-Visma, y est allée de son explication laconique pour expliquer un tel coup d'éclat, sur les réseaux sociaux : "Stratégie, matériel, staff, Jonas… Tout s'est mis en place aujourd'hui."
Des performances exceptionnelles pas vues lors des années Armstrong ou Sky
En montagne aussi, des records d'ascension sont battus jour après jour par les deux duettistes. Et ce, alors que les coureurs français, comme David Gaudu ou Romain Bardet (avant son abandon) expliquaient être à leur niveau maximal tout en étant largués par les cadors du peloton. Ainsi, lors de la montée finale de l'étape de dimanche vers Saint-Gervais, Jonas Vingegaard a amélioré de près d'une minute le précédent record, mesuré par l'application de performances Strava. C'était déjà le cas la veille, lors de l'étape du 14-Juillet au Grand-Colombier...
Des données qui interrogent l'ancien coureur Félix Pouilly, interrogé par La Voix du Nord : "En regardant les détails de l'étape sur Strava, dans les moments où ils se livrent à 100%, les données de vitesse sont hallucinantes. Sur une portion de 2,5 km, ils montent 4km/h plus vite qu'un coureur comme Felix Gall, et 5,5 km/h plus vite que Tom Pidcock ou David Gaudu."
Le responsable de la performance chez Cofidis, Samuel Bellenoue, ne cache pas sa surprise sur RMC : "Philosophiquement, il me paraît plutôt sage de douter et de s'interroger. (…) Quand on prend les temps d'ascension, les vitesses ascensionnelles [depuis le début de cette édition 2023], on voit qu'on est sur des choses qui n'ont même pas existé du temps du dopage, donc ça interroge. Mais je ne suis pas capable d'aller plus loin que ce questionnement."
Dans Le Parisien, le manager recherche et performance de la Fédération française de cyclisme, Emmanuel Brunet, souligne les évolutions technologiques qui ont fait du chemin en vingt ans, comme les progrès réalisés sur les pneus qui permettent, à effort égal, de gagner des watts (la puissance dégagée par le coureur en appuyant sur les pédales) et donc des secondes sur chaque ascension. D'autres rappellent que les coureurs abordent les cols dans des états de fraîcheur différents selon les étapes et que la comparaison est donc biaisée. Enfin, que les équipes comme la Jumbo-Visma sont encore plus fortes que l'US Postal ou la Sky de la grande époque.
Des écarts exceptionnels au classement général
La domination du duo "Vingo-Pogi" est telle qu'ils relèguent la concurrence à des niveaux improbables. Prenez l'écart avec le 3e du général : il est pour le moment supérieur au record des 20 dernières années, observé lors de l'édition 2014. Au départ de la 17e étape, mercredi matin, le maillot jaune devançait Adam Yates, 3e, de 8'52".
Vous avez dit "stratosphérique" ? Quand on regarde où se situe le 20e du classement général, Valentin Madouas, on peut aussi avoir ce sentiment. Il pointait mercredi matin à plus d'une heure (1h06) du duo de leaders. En 2003, Didier Rous, qui occupait cette même place à l'issue une Grande Boucle dominée par le duo Lance Armstrong-Jan Ullrich était pointé à une demi-heure sur les Champs-Elysées. De tels écarts ne sont cependant pas inédits : en 1997, lors de la victoire d'Ullrich et de l'apogée de l'équipe Festina, le 20e du général, Stéphane Heulot, qui accusait un retard de 1h06 à l'issue des 21 étapes. Il s'agissait cependant du pire des années EPO.
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