Tour de France 2024 : déjà maillot jaune, pourquoi Tadej Pogacar est encore loin d'avoir gagné
Tadej Pogacar est le patron du Tour. Du moins, pour l'instant. Le Slovène a pris les commandes de la course lors de l'étape de Valloire, mardi 2 juillet. Maillot jaune avec 45 secondes d'avance sur Remco Evenepoel, 50 sur Jonas Vingegaard et 1'14 sur Primoz Roglic, le Slovène dispose déjà d'un matelas de sécurité au départ du premier contre-la-montre.
Mais il est loin d'avoir assommé le Tour, comme il aurait sans doute aimé le faire. Voici pourquoi Tadej Pogacar est en bonne position pour remporter son troisième Tour mais reste encore très loin de l'avoir gagné.
Parce que le plus dur est encore à venir
Le Tour est long, il n'a fait qu'un quart du menu colossal qui l'attend d'ici à Nice, le 21 juillet. Tadej Pogacar a sauté à la gorge de Jonas Vingegaard dès la première étape de montagne, mais personne au sein de la formation UAE Emirates n'était prêt à s'enflammer mardi soir. "Avec Tadej en jaune, Almeida et Ayuso tout près au général, ça nous permet d'être en bonne position, mais le Tour est très dur et long", rappelait mardi le Team Principal Mauro Gianetti.
D'ici à Nice, le peloton devra se farcir deux contre-la-montre, dont un dès vendredi, des chemins blancs très piégeux dimanche, beaucoup d'étapes casse-pattes ou propices aux bordures, et bien sûr un final démentiel dans les Alpes. "Sur le papier, Pogacar est au-dessus du lot. Après, on n'est jamais à l'abri d'une erreur, de chutes. L'étape des chemins blancs, il suffit d'une crevaison, un incident mécanique et que le peloton accélère à ce moment-là, et ça peut être irrémédiable", prévient Julien Jurdie, directeur sportif chez Decathlon-AG2R La Mondiale.
Tadej Pogacar, qui a bien failli quitter le Tour en évitant la chute par miracle mercredi, le sait : il peut perdre la Grande Boucle à n'importe quel moment, et pas forcément en montagne. Lui qui avait renversé l'édition 2020, puis tout perdu dans le col du Granon en 2022, le sait parfaitement.
Parce que Vingegaard a craqué mais s'est rassuré
Dans l'acte III du duel que se livrent Tadej Pogacar et Jonas Vingegaard, celui qui s'est rassuré n'est peut-être pas celui qu'on croit. Le Danois, qui n'avait pas couru depuis sa chute début avril, n'a cédé que dans les dernières rampes du Galibier. "Honnêtement, je suis plutôt satisfait de ma forme. On s’attendait à être menés 3-0, donc je pense que c’est quand même une petite victoire", souriait le Danois au soir de la 4e étape.
L'an passé, Tadej Pogacar avait accusé 1'04 de débours dès la première étape de montagne, avant de refaire une partie de son retard dès le lendemain. Signe que tout peut très vite changer. "On n'attendait pas Jonas Vingegaard à ce niveau-là. Il lâche du temps dans la descente car il est encore un petit peu sur les freins après sa chute. Mais à la pédale, Tadej Pogacar ne le lâche presque pas", analyse Benoît Vaugrenard, directeur sportif chez Groupama-FDJ. "Jonas Vingegaard lui a mis le doute dimanche. Mardi, Tadej Pogacar parvient à lui prendre un peu de temps mais on ne peut pas dire qu'il l'a assommé", poursuit le directeur sportif.
"J’aurais pensé perdre deux minutes, peut-être plus, donc d’être seulement 50 secondes derrière n’est pas si mal. Mon heure, et l’heure de l’équipe, viendra."
Jonas Vingegaardaprès la 4e étape, mardi
Julien Jurdie est lui plus catégorique : avec une préparation aussi tronquée, le Danois aura du mal à refaire son retard. "Jonas Vingegaard va sûrement progresser un petit peu. Mais il y a trois mois, il était couché dans un lit d'hôpital. Au Tour de France, il faut une préparation aux petits oignons, et il ne l'a pas eue", relève le directeur sportif de Decathlon-AG2R La Mondiale.
Parce qu'il va devoir contrôler tout le monde
Si le Slovène se focalise logiquement sur son rival danois, aucun outsider n'est encore hors course. Jeudi soir, le Top 5 se tient en 1'14 et le top 15 en 4'10. Remco Evenepoel et Primoz Roglic ont bien limité la casse et sont en embuscade. "Remco Evenepoel est en très bonne position, pour moi c'est le favori du contre-la-montre vendredi. Primoz Roglic est lui l'un des meilleurs mondiaux. Peut-être qu'il a un peu souffert dans le Galibier, mais son palmarès parle pour lui", rappelle Joxean Fernández Matxin, manager sportif UAE.
Le Slovène va donc devoir se méfier de tout le monde, et son équipe ne pourra pas courir tous les lièvres. Doit-elle uniquement se focaliser sur le Danois, au risque de laisser un autre favori se faire la malle ? Tenter de contrôler chaque attaque au risque de s'épuiser ? Voilà un dilemme que devra vite résoudre la formation émiratie.
Parce qu'il pourrait accuser le coup en troisième semaine
Le parcours de cette 111e édition a réservé le meilleur pour la troisième semaine : une seule étape de plat lors des... huit dernières (dont le chrono accidenté final à Nice). Et c'est là que Tadej Pogacar, qui a fait le Giro, pourrait commencer à s'essouffler, au contraire du Danois qui pourrait atteindre son pic de forme. "Jonas Vingegaard peut monter crescendo et Tadej Pogacar avoir une certaine fatigue. On peut avoir une vraie bataille équilibrée", indique Benoît Vaugrenard.
Au contraire, Julien Jurdie ne voit pas le Slovène craquer. "Il a quand même eu plusieurs semaines pour récupérer, il a une force collective super importante. Les deux restent des phénomènes. Mais on l'a vu l'année dernière, Tadej Pogacar a quand même faibli en dernière semaine, et il avait eu une chute moins importante que Jonas Vingegaard. Dans cette dernière semaine terrible, je ne vois pas Jonas Vingegaard supérieur à Tadej Pogacar et renverser le Tour", conclut le directeur sportif de la formation savoyarde.
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