"Je vois avec beaucoup d'appréhension la montée de l'extrême droite" : quand les législatives s’invitent sur le Tour de France 2024

La 111e édition de la Grande Boucle s'est élancée samedi, veille du premier tour. Un sujet peu abordé mais bien présent au sein des équipes.
Article rédigé par Théo Gicquel - envoyé spécial
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
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Le coureur de la formation Cofidis Guillaume Martin lors de la présentation des coureurs à Florence, le 27 juin. (MARCO BERTORELLO / AFP)

Comment concilier la plus grande course du monde et des élections anticipées ? Le Tour de France 2024 s'élançait samedi 29 juin de Florence (Italie), la veille du premier tour des élections législatives. Un chevauchement qu'avaient déjà connu les coureurs en 2021, lorsque le deuxième tour des élections régionales se tenait au lendemain du départ à Brest.

Non présents à leur bureau de vote, les coureurs ont dû faire comme des millions de Français : une procuration. "J'ai fait ma procuration, je suis très intéressé par ce qui se passe en politique en ce moment. Après, je suis concentré sur ma course et il y a déjà bien assez de choses à gérer", explique le champion de France Paul Lapeira. "Chacun a fait sa procuration, a voté. C'est essentiel car on est dans une démocratie et c'est important que chacun puisse s'exprimer", enchaîne Julien Jurdie, son responsable directeur sportif chez Decathlon-AG2R La Mondiale.

Procurations et discussions

Mais tous n'ont pas forcément eu le temps ou la logistique nécessaire pour le faire, alors que l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale est intervenue le 9 juin, une date où beaucoup de coureurs étaient en stage à l'étranger pour préparer le Tour. "J’ai voulu faire la procuration, on m'a dit que c’était en ligne. J'ai essayé de faire en ligne, mais c’était finalement compliqué de faire la validation en gendarmerie. Ce n'était pas forcément très pratique, et je n’ai pas pu la faire", déplore le sprinteur Arnaud Démare. "On essaye de faire les procurations au maximum, mais parfois c’est compliqué", confirme Anthony Turgis de TotalEnergies.

Si tous sont assez discrets sur le sujet, c'est aussi car ils sont au pied de l'enjeu majeur de leur saison. "Le contexte est effectivement assez compliqué, il y a beaucoup de pression à tous les niveaux. On est dans notre principal objectif de l'année, donc on est concentré sur ce sujet. Ça ne veut pas dire qu'on ne s'intéresse pas chacun de notre côté à ce qui se passe", détaille Vincent Lavenu, manager de la formation Decathlon-AG2R La Mondiale. "Mine de rien, on est des privilégiés dans notre vie, on n’est pas toujours à la maison, on vit ça aussi de loin", explique de son côté Bryan Coquard (Cofidis).

Le champion de France Paul Lapeira (Decathlon-AG2R La Mondiale) et les coureurs du Tour de France au départ de la 3e étape à Plaisance, le 1er juillet. (THOMAS SAMSON / AFP)

Le sujet est abordé au sein des équipes, mais tous les coureurs interrogés restent prudents sur un sujet très clivant. "On en parle un petit peu. C’est vrai qu’il y a pas mal de tension autour de ça dans la société. Dans l’équipe, il n’y a pas de tension, on ne s’est pas engueulé à table, même si ça aurait pu ! Tout s’est bien passé", sourit Bryan Coquard. "L’actualité, c’est l’actualité. Nous, on est là pour faire du vélo, on en parle entre nous, mais ça reste entre nous", indique de son côté Thomas Gachignard (TotalEnergies).

Un seul a osé sortir la tête de l'eau sur ce sujet : Guillaume Martin, le grimpeur de la formation Cofidis, titulaire d'un master en philosophie.

"Le climat actuel, je le trouve assez désolant. Je vois avec beaucoup d'appréhension la montée de l'extrême droite en particulier."

Guillaume Martin, coureur Cofidis

à franceinfo: sport lors de la présentation des équipes le 27 juin

"Et c'est inquiétant, car moi, ce ne sont pas les valeurs que je porte, loin de là. C'est assez triste que cette marche vers l'extrémisme semble inexorable d'année en année. Je suis né en 1993, j'ai déjà souvenir de 2002 [la présence Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de l'élection présidentielle]. J'ai 31 ans et j'ai l'impression qu'en 31 ans, ça n’a cessé de monter", poursuit le grimpeur.

Là où certains pourraient décorréler les deux événements, Guillaume Martin n'est pas de cet avis. "Justement, je pense que c'est un peu dangereux. Dire que le sport n'est qu'un divertissement ou qu'on donne du pain et des jeux au peuple pour l'empêcher de penser aux vrais problèmes de la cité, ça me semble être un piège", estime-t-il. 

Impossible donc de totalement évincer la question politique des discussions d'équipe, des questions des journalistes et des réflexions personnelles, alors que le deuxième tour arrivera dès le 7 juillet, jour de l'étape à Troyes.

Courir concentré mais ne pas oublier

Mais tous sont d'accord : le Tour de France permet d'apporter de la légèreté à un contexte tendu, pour eux comme pour le public. "Je crois que le Tour de France a aussi cette capacité d'apporter du bonheur aux gens et justement de permettre d'éviter de ne penser qu'aux problèmes. Le Tour est un formidable dynamiteur de bonheur", indique Vincent Lavenu.

Guillaume Martin ne dit d'ailleurs pas autre chose, mais il sera sans doute parmi les plus attentifs aux résultats du second tour après l'étape de dimanche. "Bien sûr qu’il faut profiter de l’événement et que le Tour de France est une fête. Pour autant, il ne faut pas s’en servir non plus pour se cacher les yeux de ce qu’il se passe. Il ne faut pas céder à la peur, ne pas s'enfermer sur ses frontières. Le sport, le vélo, c'est plutôt aller à la rencontre de l'autre", rappelle le grimpeur francilien.

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