Le Tour de France, le symbole et la course : "C'est une espèce de 'Thalassa du cyclisme' dans le premier pays touristique au monde"

Le parcours du Tour de France 2023 a été annoncé cette semaine. C'est le thème de la Question de société du jour, avec le décryptage de Jean Viard, sociologue, directeur de recherches CNRS au CEVIPOF, (Centre de recherches politiques de Sciences Po Paris). Le Tour de France, une grande course et une fête populaire du vélo, suivie par des millions de personnes à la télévision, et le long du parcours et des étapes.

franceinfo : En quoi le Tour de France est-il un moment social, et pourquoi aussi fortement inscrit dans notre histoire commune ?

Jean Viard : Je dirais qu'il y a deux tours qui symbolisent la France. La Tour Eiffel est une tour en hauteur, et le Tour de France qui est un tour horizontal puisqu'on fait le tour du territoire. Et ces deux totems nationaux, deux symboles. Dans le monde entier, le Tour de France, c'est une fête, c'est une course de vélo, avec des dizaines de millions de gens qui regardent les coureurs, 4 millions de spectateurs par étape à la télévision, il y a tous ceux qui sont autour, il y a les villages traversés, les gens qui suivent le tour avec leur camping car, et évidemment les cyclistes, la caravane publicitaire. Il faut dire qu'aujourd'hui on parle du Tour de France hommes, parce que maintenant il y a aussi un Tour de France dames. 

Au départ, les cyclistes, l'idée, c'était que c'étaient des prolos, c'étaient des gens du peuple, c'est comme le foot, le vélo et le ballon rond, ce sont les deux objets les plus simples finalement quand on est d'un milieu populaire, pour faire du sport d'abord, il suffit d'avoir un vélo, il suffit d'avoir un ballon. Donc c'était vraiment l'imaginaire des enfants du peuple qui progressaient par le sport, par la force, par le travail. Il y avait toutes ces valeurs à l'époque, c'étaient des gens des mines, des gens des corons, maintenant souvent ils viennent du monde entier, donc il y a tout cet imaginaire aussi du peuple au combat pour gagner. 

Un moment éminemment populaire pour nous, et c'est aussi une mise en valeur de la France, avec ces images, ces paysages qui défilent de façon extrêmement majestueuse tout le long du Tour de France ? 

Il y a le Tour de France, je dirais depuis l'hélicoptère. Avant, il fallait être au bord. Et puis maintenant, il y a que le fait que le Tour de France est survolé par des hélicoptères qui nous présentent la France. Et s'il y a quelque chose de pas joli, ils font le tour. Et du coup, vous avez une vision d'une France paysagère absolument magnifique, les maisons, les jardins des châteaux, vous voyez des forêts, de temps en temps, l'hélicoptère prend de la hauteur et vous voyez une montagne, et puis il redescend, il montre un fleuve. Donc, il y a un travail scénographique fait notamment par les hélicoptères. Il y a les motos qui courent derrière les vélos.

Effectivement, c'est une énorme promenade en France. C'est une espèce de Thalassa du cyclisme et c'est très important. Et la France est quand même le premier pays touristique au monde. On a restauré tous nos lavoirs, on a fait des parcs, c'est un pays qui a été extrêmement mis en valeur. Et le Tour de France, c'est le moment où ça se voit le plus et dans le monde, il y a des centaines de millions de gens qui regardent le Tour de France. Je crois qu'il y a 150 000 000 de gens qui le suivent chaque année, donc ça travaille l'image de la France pour nous, les Français, et pour le monde entier.

Justement, le fait que le Tour démarre souvent hors de France, ce sera Bilbao en 2023. Ça vous semble être un problème pour le symbole ou pas du tout ? 

Non, parce que la France appartient à l'Europe et donc, d'une certaine façon, ça marque chaque fois notre attachement, ça marque le lien entre la France et l'Europe, mais je crois qu'il y a même eu des départs plus lointains, mais en général c'est en Europe, donc quelque part c'est un pas d'ouverture vers l'Europe pour dire c'est le Tour de France et nous sommes européens. Moi j'aime bien l'image.