Tour de France 2021 : la folle journée de Ben O'Connor, vainqueur à Tignes
Néophyte sur la Grande Boucle, Ben O'Connor a bravé la pluie et le froid pour s'offrir une victoire de prestige.
Il y a des premières fois difficiles à oublier et Ben O'Connor vient d'en ajouter une à sa collection. Pour son premier Tour de France, l'Australien d'AG2R Citroën s'est offert une victoire d'étape mémorable à Tignes après avoir lutté contre la pluie et le froid dans les cols alpestres. Une récompense pour un travailleur discret, toujours offensif.
Une journée dans un enfer gelé
Pour se rendre compte de l'exploit de Ben O'Connor, il faut écouter le peloton. "C'était hyper dur, je ne pensais pas à ce point, a témoigné Julian Alaphilippe. Il faisait six degrés au sommet du Cormet de Roselend, j'ai dû m'arrêter pour changer de vêtements. J'avais les jambes tétanisées, j'ai fini comme j'ai pu." Le sprinteur Nacer Bouhanni parle lui d'une de ses "pires journées sur un vélo" alors que Guillaume Martin, 4e du jour, a terminé "frigorifié". "Regardez, je suis incapable de me rhabiller" a-t-il ajouté.
Ben O'Connor a bien failli être piégé lui aussi. Parti dans une échappée à plus de 40 coureurs, il s'est isolé en tête avec Sergio Higuita (EF Education-Nippo) et Nairo Quintana (Arkea-Samsic). L'ascension vers le col du Pré et le Cormet du Roselend était terrible, la descente peut-être pire. Plus de 19 kilomètres à pleine vitesse, sans protection face aux morsures du froid et aux gifles du vent. L'Australien a accusé le coup, laissant le duo colombien s'échapper. Mais O'Connor a refait son retard dans la plaine, avant de décramponner ses deux adversaires dans l'ultime ascension vers Tignes.
"C'est une étape tellement compliquée à gagner que l'émotion est forte quand on y arrive" souligne son directeur sportif Julien Jurdie. Ben a ces qualités de grimpeur, c'était l'objectif. C'est une grande journée, il avait des jambes de folie." À voir le sourire d'O'Connor devant les caméras, la souffrance de cette journée dantesque semblait déjà effacée. "C'est spécial aujourd'hui, je n'aurais jamais cru remporter une étape du Tour de France, savoure l'Australien. Pour moi, c'est un rêve qui se réalise, c'est juste incroyable."
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— AG2R CITROËN TEAM (@AG2RCITROENTEAM) July 4, 2021
Du gamin de Perth à vainqueur d’étape sur @LeTour
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O'Connor, l'audace récompensée
Une victoire arrachée avec les tripes, comme un symbole de la personnalité de Ben O'Connor sur un vélo. "Je suis super heureux pour lui, c'est un battant, met en avant son coéquipier Benoît Cosnefroy. On l'a vu attaquer sur Paris-Nice, sur le Dauphiné. Il est fort et il tient sa grande victoire." Un "attaquant" sur le vélo, mais "un gars très calme, très posé" et qui rongeait son frein depuis le départ de Brest. "Il est tombé en début de Tour, il est loin de sa famille, explique Cosnefroy. Ce n'était pas facile tout le temps pour lui."
Six mois après son arrivée chez AG2R Citroën, le recrutement de l'Australien a tout du coup de maître. Vu l'avenir incertain de sa formation NTT Pro Cycling à l'automne dernier (finalement devenue Qhubeka-Assos), Ben O'Connor était courtisé, avec déjà une victoire d'étape de prestige sur le Giro 2020. Il avait finalement signé pour un an avec la formation française.
Fort de ses bonnes places sur le Critérium du Dauphiné (8e) et sur le Tour de Romandie (6e), il a prolongé en juin l'aventure jusqu'à la fin de la saison 2024. "Vincent (Lavenu, manager d'AG2R Citroën) a beaucoup confiance en moi, c'est super pour lui et l'équipe, a souligné Ben O'Connor, ses rares mots exprimés en Français après sa victoire. Ce n'est pas tous les jours qu'un Australien gagne pour une équipe française. Cela montre la mentalité de l'équipe, elle est merveilleuse. On se bat toujours pour prendre l'échappée."
Un podium désormais à portée
Cette confiance en O'Connor a donc été récompensée par une victoire, la 20e d'AG2R Citroën sur le Tour de France depuis 1992. "Il est heureux d'être chez nous, a abondé Cosnefroy. C'est un gars génial, très posé. Un attaquant, j'aime ce tempérament. On espérait bien figurer en Savoie (région d'origine de l'équipe), Ben a fait le boulot seul." Alors qu'en début de journée, la formation a perdu sur abandon Nans Peters, vainqueur à Loudenvielle en 2020, elle s'est trouvé un nouveau champion.
Et son héros se replace également au classement général. Avec plus de huit minutes d'avance sur le groupe maillot jaune, Ben O'Connor a même flirté avec la première place. Mais sans regrets. "Je n'ai jamais cru au maillot jaune, je savais que Tadej (Pogacar) allait le garder, explique O'Connor. Ma priorité c'était de gagner, je n'ai même pas fait attention à l'écart avec Tadej."
Le voilà deuxième du classement général, à 2'01'' de Pogacar, et avec plus de trois minutes d'avance sur le 3e, Rigoberto Uran. De quoi rêver d'un podium à Paris ? "Deuxième du classement général, ce n'est que du bonheur, souligne Julien Jurdie. C'était un objectif à la base mais on ne s'était jamais donné de chiffre. On va revoir notre copie, mais d'abord savourer. Puis on prendra étape après étape."
Même son de cloche du côté de Benoît Cosnefroy : "On va fêter cette victoire et après chaque chose en son temps. Il visait la victoire aujourd'hui, pas forcément le général, mais il fait d'une pierre deux coups aujourd'hui." O'Connor, lui, était trop euphorique pour se projeter. Mais ce succès lui a donné faim. "L'objectif pour nous c'était de gagner des étapes comme aujourd'hui. Maintenant, il nous en faut une autre (rires)."
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