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Tour de France 2021 : Mark Cavendish, des larmes au record d'Eddy Merckx

Disparu des sprints massifs depuis plusieurs années, le Britannique est revenu au sommet pour égaler le record de victoires d'étape sur la Grande Boucle. 

Article rédigé par franceinfo: sport, Hugo Monier
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6 min
Mark Cavendish et Eddy Merckx, respectivement vainqueurs de 35 et 34 étapes du Tour de France.  (ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)

Lazare et consorts n'ont qu'à bien se tenir. La nouvelle référence en matière de résurrection s'appelle Mark Cavendish. Le Britannique de 36 ans termine le Tour de France avec quatre victoires d'étapes et le maillot vert de meilleur sprinteur. Il égale au passage le record de victoires d'étapes sur le Tour, établi par la légende Eddy Merckx. Inimaginable après cinq ans de traversée du désert, impensable il y encore quelques semaines, quand Mark Cavendish ne devait même pas prendre le départ du Tour.

Des tréfonds au triomphe

"C'est peut-être la dernière course de ma carrière." Ces mots sont de Mark Cavendish, mais ils ne datent pas de dimanche. Il faut remonter à octobre 2020. Même pas un an pour vous et moi, une éternité, un autre âge, sans doute, pour Cavendish. En larmes, anonyme 74e de la classique Gent-Wevelgem, The Man of Man voit arriver la fin de son contrat avec Bahrain-McLaren, et avec elle, la fin de sa carrière. 

Malgré ses 30 victoires d'étapes sur le Tour, ses 15 succès sur le Giro, Cavendish n'a plus la cote. A 35 ans, le Britannique ne s'est plus imposé depuis 2016 et le Tour d'Abu Dhabi. Le Manx Express a tout connu. Les succès et les années de gloire puis les blessures, les doutes et la dépression. Son histoire avec Dimension Data s'est terminée par une mise à l'écart du Tour, le rebond chez Bahrain a fait plouf. 

Mark Cavendish, blessé après une chute sur la 4e étape du Tour de France 2017. Alors chez Dimension Data, il abandonnera le soir même.  (DIRK WAEM / BELGA MAG)

Face au mur, Cavendish s'est tourné vers Patrick Lefevere. Le patron de Deceuninck-Quick Step croise son ancien coureur (2013-2015) dans un hôtel de Courtrai, après Bruges-La Panne. Homme de paris, mais aussi fin gestionnaire, il accepte d'intégrer Cavendish à son effectif pour la saison prochaine à condition qu'un sponsor prenne en charge son salaire. "Je lui donne la chance que personne ne veut lui donner, explique alors Lefevere à Cyclingnews. Mais pour moi, il part de zéro." Personne ne s'en doute, mais le premier pas vers le record d'Eddy Merckx est fait. 

Une première victoire depuis cinq ans

Au sein de Deceuninck-Quick Step, Cavendish doit logiquement se contenter d'un rôle de figurant et de courses de second rang. Un autre pas est fait sur les routes du Tour de Turquie, où le Britannique s'offre quatre des huit étapes, certes face à un plateau limité. Mais le message est lancé : Cavendish peut gagner. Le Tour est encore loin, très loin. 

Il faudra un concours de circonstances pour voir le Britannique finalement sur le Tour. La principale, l'absence de Sam Bennett, dernier vainqueur du maillot vert. L'Irlandais lutte avec son genou et un mental au plus bas. Cinq jours avant le Grand Départ, il renonce et laisse sa place à Cavendish. Le retour du Cav' est surtout symbolique et on l'imagine mal rivaliser avec les poids lourds du sprint. "Les attentes ne sont pas trop élevées, précisait alors Lefevere. Il n'a plus 30 ans. S'il ne gagne pas, tout le monde pensera que c'est normal. S'il gagne, tout le monde le mettra sur un trône." 

A ce moment, personne n'y croit. Personne n'y croit au départ de la 4e étape, deuxième dévouée aux sprinteurs. Personne n'y croit à quelques centaines de mètres de l'arrivée, lorsque Jasper Philipsen semble le mieux placé. Lorsque Cavendish franchit la ligne, il ne semble pas y croire non plus. Le sprinteur célèbre sa 31e victoire d'étape, la première depuis cinq ans, dans les bras de ses coéquipiers. Il s'effondre ensuite au sol, se prend la tête dans les mains et pleure. Sur le bitume de Fougères, où il s'était déjà imposé en 2015, le Cav' laisse s'échapper ses années de galères, les moments de doute, les sacrifices consentis. 

C'est la 31e victoire du Britannique sur le Tour de France. Il devance Nacer Bouhanni au terme d'un finish haletant où Brent Van Moer a frôlé l'exploit.
Mark Cavendish s'impose à Fougères devant Nacer Bouhanni C'est la 31e victoire du Britannique sur le Tour de France. Il devance Nacer Bouhanni au terme d'un finish haletant où Brent Van Moer a frôlé l'exploit.

"Cinq ans, ça fait long, trop long, savoure alors Cavendish. C’est incroyable de gagner ici. Ces dernières années ont été tellement dingues, pour moi et pour tout le monde. J’espère que mon histoire va donner de l’espoir. N’abandonnez jamais, on peut toujours revenir." "Est-ce qu’il y a un an, tu aurais cru gagner ta 31e étape du Tour ?" lui demande Thomas Voeckler, consultant pour France Télévisions. "Même il y a trois semaines, je n’y aurais pas cru, lui répond-il. Je n'osais même pas en rêver."

Merckx, d'intouchable à cible assumée

"Les miracles n'existent pas, mais les contes de fées si apparemment, raconte Lefevere à Het Laatste Nieuws. Il n'y a pas de mots pour décrire cela. Tout le monde pleurait dans le bus". Celui qui, avant le départ, assurait ne "jamais penser" au record d'Eddy Merckx, vainqueur de 34 étapes sur le Tour, change soudainement d'objectif. Il gagne à nouveau à Châteauroux (6e étape), puis à Valence (10e étape) et Carcassone (13e étape) pour rattraper la légende du cyclisme. 

Mark Cavendish remporte la 13e étape lors d'un sprint massif à Carcassonne et égale Eddy Merckx au record du nombre de victoires sur la Grande Boucle. Le Britannique termine devant Michael Morkov et Jasper Philipsen.
Mark Cavendish remporte la 13e étape et égale Eddy Merckx Mark Cavendish remporte la 13e étape lors d'un sprint massif à Carcassonne et égale Eddy Merckx au record du nombre de victoires sur la Grande Boucle. Le Britannique termine devant Michael Morkov et Jasper Philipsen.

Si Cavendish a pu égaler Eddy Merckx, ce n'est pas seulement parce que l'histoire est belle. Le Britannique a réussi un incroyable retour au plus haut niveau, mais il a aussi pu compter sur le meilleur train du peloton, celui de la Deceuninck-Quick Step. Le "Wolfpack", avec le champion du monde Julian Alaphilippe en chef de meute, donne l'impression de pouvoir envoyer n'importe qui sur orbite. Le Cav' a aussi profité d'un plateau dépeuplé par les chutes, les abandons et les hors-délais. Caleb Ewan (Lotto-Soudal), Arnaud Démare (Groupama-FDJ), Tim Merlier (Alpecin-Fenix), Peter Sagan (Bora-Hansgrohe) et Nacer Bouhanni (Arkea-Samsic) ont tous quitté le Tour au fil de la course.  

Du "Cannibale" Merckx, Cavendish n'a évidemment pas l'incroyable palmarès tous terrains (11 Grands Tours, 19 "monuments") mais il a sans aucun doute l'appétit. Et si Merckx mangeait dans toutes les assiettes, le coureur de l'île de Man s'est toujours contenté d'un seul et unique met. Ces arrivées massives, où les cuisses frottent à plus de 70 km/h, où la moindre erreur peut coûter la victoire, ou pire, la chute et l'abandon. Arrivé à Paris, Mark Cavendish n'était pas rassasié. Mais il a trouvé plus vorace que lui en la personne de Wout Van Aert, déjà vainqueur en montagne et en contre-le-montre sur ce Tour. 

Troisième de cet ultime sprint sur les Champs-Elysées, Mark Cavendish n'a pas battu Merckx. Un échec dérisoire, tant sa résurrection était inattendue. Quatre victoire d'étapes, un maillot vert et un record égalé. Le livre de la carrière de Mark Cavendish semblait prêt à être refermé, le Britannique en a écrit les plus belles pages. 

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