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Tour de France 2023 : avec des coureurs de plus en plus précoces, le maillot blanc a-t-il encore un intérêt ?

Créé en 1975, le maillot blanc, qui récompense le meilleur jeune de moins de 25 ans au classement général, voit de plus en plus souvent son lauréat jouer les premières places et parfois le maillot jaune.
Article rédigé par Hortense Leblanc - De notre envoyée spéciale sur le Tour de France
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
Tadej Pogacar et son maillot blanc sur le podium du Tour de France à Combloux, le 18 juillet 2023. (MARCO BERTORELLO / AFP)

"Eux jouent déjà le maillot jaune, alors que nous, à cet âge-là, on n’y pensait même pas". La carrière de Sandy Casar, deuxième au classement du meilleur jeune en 2004, ne remonte pas à l'époque des dinosaures, mais l'ancien coureur de la FDJ observe avec attention la nouvelle génération du cyclisme, qui bataille pour les plus hautes places du classement général de plus en plus jeune. Trois des quatres derniers maillots blancs ont été remportés par le maillot jaune, Egan Bernal en 2019, et Tadej Pogacar en 2020 et 2021.

Le Slovène n'a plus lâché le maillot qui récompense le meilleur coureur de moins de 25 ans au classement général depuis la 13e étape du Tour 2020, (68 étapes d'affilée, un record). T rois coureurs pouvant y prétendre sont présents dans le top 10 du classement général (Pogacar, Rodriguez, Gall), preuve d’une maturité sportive plus précoce qu’il y a quelques années. 

"Le maillot blanc, à mon époque, c’est grâce à ça que tu te faisais découvrir et que tu pouvais devenir un leader. Ca avait encore une grosse valeur. Aujourd’hui c’est différent, parce que les jeunes sont plus haut au classement général", note Casar, 16e du classement général en 2004 et désormais pilote des invités du partenaire Krys sur le Tour. "Ce maillot, c’est peut-être quelque chose d'un passé où les coureurs atteignaient leur pic de niveau vers 28 ans. Aujourd’hui, vous avez des coureurs qui gagnent des Grands Tours à 22 ou 23 ans", abonde Felix Gall (AG2R-Citroën), 25 ans, 3e au classement du meilleur jeune, et vainqueur de l’étape reine du Tour de France entre Saint-Gervais Mont-Blanc et Courchevel.

Des conditions professionnelles dès les équipes de développement

Cette précocité au plus haut niveau, Pierre Latour, maillot blanc le moins bien classé au XXIe siècle (13e en 2018) à égalité avec Vladimir Karpets (13e en 2004), l’explique par le développement des équipes réserve des grandes formations. "Je pense que la tendance va continuer dans ce sens, parce que les équipes de développement sont très professionnelles maintenant, et font passer des paliers beaucoup plus rapidement aux jeunes", affirme le coureur de l’équipe TotalEnergies. Sur la dernière décennie, le maillot blanc a terminé à une place moyenne de 3,7 au classement général, plus haut que sur les décennies précédentes. 

"Aujourd’hui, les coureurs de 30 ans disent que les jeunes de 18 ans s’entraînent comme eux le faisaient à 23 ans. Ça a considérablement changé et ils sont prêts de plus en plus tôt, dans un sport qui était jusque-là considéré comme un sport à maturité lente, où l’on atteint sa meilleure performance à 27-28 ans, sauf pour les génies", complète Christian Prudhomme, le directeur du Tour de France. "Je pense que je suis déjà un vieux dans le cyclisme moderne", plaisante Felix Gall, devancé par Tadej Pogacar et Carlos Rodriguez (Ineos-Grenadiers), qui n’a pas pu faire de ce maillot un réel objectif.

Même chose pour Mattias Skjelmose, cinquième au classement du maillot blanc, avec plus d'une heure et quarante-trois minutes de retard sur le Slovène. "J’aurais adoré pouvoir le viser, mais Tadej est juste trop fort. Ce classement du meilleur jeune n’est peut-être plus aussi pertinent qu’il y a quelques années, mais quand Tadej deviendra trop vieux pour ce maillot, je pense que ça sera une meilleure compétition", espère le Danois de 22 ans. 

"Pas vraiment d'intérêt" à baisser l'âge maximal à 23 ans

Malgré ce rajeunissement des champions, Christian Prudhomme défend l'âge pivot de 25 ans pour le maillot blanc. "On a en effet une génération de nouveaux coureurs apparus depuis trois ou quatre ans, qui bouscule la hiérarchie établie, mais je ne suis pas pour bouger comme des girouettes au gré du vent. Aujourd’hui, la règle, c’est 25 ans au maximum dans l’année, et il y a une trentaine de coureurs qui peuvent prétendre au maillot blanc. Si on baisse à 23 ans, il n’y en aurait plus que neuf avec la liste de départ actuelle, ça n’aurait pas vraiment de sens", affirme-t-il.

Christian Prudhomme, qui se délecte de voir les maillots jaune et blanc lutter ensemble, espère voir de nouveaux visages batailler dès l’année prochaine : "Pogacar fêtera ses 26 ans l’année prochaine. C’est l’âge auquel Raymond Poulidor a fait son premier Tour de France. On aura toujours un Carlos Rodriguez, vainqueur d’étape à 22 ans cette année, un Juan Ayuso, qui fait troisième de la Vuelta à moins de 20 ans l’année dernière, ou un Remco Evenepoel, vainqueur de la Vuelta à 22 ans". En attendant la relève, Tadej Pogacar s’apprête à remporter un quatrième maillot blanc consécutif, ce qui serait un record dans l’histoire du Tour de France.

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