Tour de France 2023 : les échappées sont-elles destinées à disparaître sur les étapes de plat promises aux sprinteurs ?
Une étape sans échappée pendant près de 100 kilomètres entre Dax et Nogaro, plusieurs raids solitaires étouffés dans l'œuf, comme ceux de Laurent Pichon ou Simon Guglielmi (Arkea-Samsic)... Depuis le début du Tour de France, les étapes de plat se concluent sans suspense par une arrivée au sprint. De quoi décourager beaucoup de coureurs de prendre l’échappée et dépiter les supporters romantiques du cyclisme. La 11e étape entre Clermont-Ferrand et Moulins, mercredi 12 juillet, promise aux sprinteurs, ne devrait pas connaître un scénario différent.
"On s’ennuyait dans le peloton, comme une bonne partie des gens devant leur télé je pense, et Benoît (Cosnefroy) est venu me voir avant un sprint intermédiaire pour me demander si, dans le cas où personne ne relançait, j’étais prêt à le suivre, alors j’ai dit oui, et je l’ai suivi", raconte Anthony Delaplace, échappé avec le coureur AG2R-Citroën après 100 kilomètres de course entre Dax et Nogaro, mardi 4 juillet. "C’était plus pour passer un petit moment devant, parce que c’était sympa d’ouvrir la route du Tour, et puis ça permet de prendre l’air, complète Benoît Cosnefroy. C’était histoire d’animer un peu cette étape ennuyante, mais on ne s’est pas donné à 100% vu le faible écart que le peloton nous a laissé".
Des équipes invitées aux "ambitions plus importantes que de montrer le maillot"
À l’avant du peloton, les équipes de sprinteurs contrôlent l’écart avec l’échappée pour s’assurer de ne pas se faire surprendre. “Aujourd’hui on se rend compte que sur des étapes plates, on ne peut plus jouer avec le peloton. Il laisse une minute ou deux. Les grosses équipes sont tellement fortes qu’elles roulent et protègent leur leader, elles veulent montrer qu’elles sont plus fortes, et les équipiers sont employés pour tirer le peloton et on ne les laisse pas partir en échappée", poursuit Anthony Delaplace. "S’ils laissaient cinq ou six minutes, je pense qu’il y aurait plus de monde pour prendre l’échappée, mais là c’est voué à l’échec et ce n’est pas très intéressant, surtout que faire 200 kilomètres à l’avant, ce n’est jamais anodin physiquement", ajoute Benoît Cosnefroy.
Entre Mont-de-Marsan et Bordeaux, vendredi 7 juillet, Mathieu Burgaudeau (TotalEnergies), Jonas Abrahamsen (Uno-X) et Nelson Oliveira (Movistar) ont tenté de partir en échappée avec Simon Guglielmi (Arkea-Samsic), mais ont abandonné leur entreprise après cinq kilomètres seulement, sur consignes de leurs équipes. "Il y a quelque temps, les équipes invitées envoyaient souvent des coureurs à l’avant, mais désormais, ce sont des équipes qui ont des ambitions plus importantes que de montrer le maillot. Elles ont des sprinteurs ou des leaders qui jouent la gagne ou le classement général, comme Arkea avec Nairo Quintana l’année dernière, ou TotalEnergies avec Peter Sagan cette année", analyse Benoît Cosnefroy.
Les frissons d'ouvrir la route
Parti en échappée lors de la troisième étape, avec Neilson Powless (EF Education-Easypost), Laurent Pichon (Arkea-Samsic) a roulé trente kilomètres seul à l’avant une fois que l’Américain s’est relevé. "Honnêtement, si j’avais écouté mes jambes, je ne serais pas parti à l’avant, parce que j’y ai peut-être laissé beaucoup d’énergie. Mais au final, c’est mon meilleur souvenir, et ça valait le coup. Si tout le monde raisonne en étant défaitiste avant le départ, ce n’est pas comme ça qu’on va animer les courses de vélo", affirme ce nostalgique du cyclisme d'antan.
"Être échappé, c’est valorisant et ça donne une bonne image du vélo, complète Yoann Offredo, ancien coureur habitué aux échappées et consultant France Télévisions. Ça se perd et c’est dommage parce que ça donne de la visibilité au sponsor mais ça donne aussi du plaisir aux gens qui regardent la télé et aux gamins au bord de la route. C’est extraordinaire d’ouvrir la route, on a des frissons à chaque fois qu’on passe dans les villages, c’est comme un rêve d’enfant. J’invite tous les coureurs à partir à l’avant parce qu’une carrière ça passe très vite".
L’ancien coureur de la FDJ et de Wanty-Gobert est cependant conscient que les échappés sur les étapes promises aux sprinteurs n’ont pas grand-chose à gagner. "Il y a certes le prix de la combativité, et c’est une belle récompense de monter sur le podium du Tour de France quand on est ni leader ni sprinteur. Mais on pourrait envisager un maillot distinctif du coureur qui a passé le plus de temps dans les échappées ou qui a fait le plus de kilomètres à l’avant", propose-t-il. Avec 523 kilomètres courus dans le premier groupe de la course, Neilson Powless (EF Education Easypost), déjà leader du classement de la montagne, serait le porteur de ce maillot. Un maillot qui, s'il existait, serait de plus en plus honorifique.
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