Tour de France 2024 : Romain Bardet, une consécration en jaune au crépuscule de sa carrière
Il aura dû patienter onze éditions et 197 étapes pour enfin revêtir le maillot jaune. Certes, Romain Bardet ne l'amènera sans doute pas à Paris, mais c'en était devenu presque un crève-cœur pour celui qui a terminé six fois dans le top 10 depuis 2013.
Une anomalie désormais réparée, sur le gong presque, pour celui qui dispute sa dernière Grande Boucle à 33 ans. Et un soulagement immense de faire coup double, avec une quatrième victoire d'étape sur le Tour. "C'était un rêve de porter le maillot jaune, une consécration. Il représente un objet inaccessible, une tunique extraordinaire. Ça couronne mon parcours sur le Tour de France depuis tant d'années, c'est incroyable", a souri le Français au micro de France Télévisions.
Longtemps accroché à sa quête de classement général, Romain Bardet a souvent résisté, parfois gagné, mais n'a jamais revêtu la seule chose à laquelle il aspirait tant. "Quand je venais sur le Tour, j'étais dans un tunnel. La pression et les attentes, ça m'a rongé", a-t-il dévoilé. "Il a visé cet objectif pendant toutes ces années. Ce n'était pas nécessairement le plan qu'il fasse ça aujourd'hui, mais c'est incroyable qu'on ait le maillot jaune d'entrée", a renchéri son coéquipier Nils Eekhoff.
Après un bon Tour d'Italie (6e), il avait choisi : pour son dernier Tour de France, pas question de regretter. "A la fin du Giro, on s'est assis avec Romain tard dans la nuit, on a discuté l'approche de ce Tour. On a décidé d'y aller à fond et avec enthousiasme. Romain s'est vraiment préparé pour ce premier week-end. Ce qu'il a fait aujourd'hui est à peine croyable", rembobine son entraîneur chez dsm-firmenich PostNL, Matt Winston.
Instinct et science de la course
D'ordinaire coureur méticuleux et sérieux, Romain Bardet a pris ses distances avec ses principes alors qu'il arrive au crépuscule de sa carrière. "Ne pas faire le général m'enlève une pression énorme. Je suis enfin moi-même, courir sans arrière-pensées c'était fabuleux. Je n'ai pas réfléchi, et chaque fois que j'ai suivi mon instinct en vélo, ça a plutôt bien marché".
"J'espère découvrir enfin, même sur le tard, ma vraie nature. C'est fou. Comme quoi dans le vélo, il y a encore des moments inattendus."
Romain Bardet,à Eurosport
Car en plus de la victoire et du maillot jaune, Romain Bardet y a mis la manière. Il a résisté, en compagnie de son coéquipier Frank van den Broek, aux affamés du peloton qui sont venus s'échouer juste derrière le duo. "C'était fou : le vent de face, on butait à 46/47 à l'heure, c'était infernal...", a expliqué le vainqueur du jour.
A 50 kilomètres, l'Auvergnat a pris sa chance : flairant le bon coup sous le cagnard, il a demandé à sa radio s'il pouvait attaquer. Feu vert, le grimpeur a rejoint son coéquipier. "Je lui ai demandé ce qu'il voulait, il m'a dit 'de la glace et un bidon'. Je lui ai donné, et c'était parti ! Franchement c'était audacieux. Le maillot jaune, c'est ce qu'il mérite depuis longtemps", sourit, très ému, son coéquipier et ami Warren Barguil, qui l'a rejoint cet hiver. "Ce n'était pas une étape pour lui sur le papier, mais ça montre sa science de la course", appuie l'autre grimpeur de l'équipe Oscar Onley.
"Aujourd'hui, je me disais 'Putain, j'ai jamais roulé pour un maillot jaune !' On va le faire, c'est dingue. Romain est souvent deuxième, beaucoup critiqué. Aujourd'hui, il a fait un truc de fou."
Son coéquipier Warren Barguil
Mais celui qui doit tirer le plus de crédit de cette victoire après l'intéressé, c'est bien Frank van den Broek. Le jeune Néerlandais a tiré comme un diable son coéquipier vers la victoire. Romain Bardet, dans sa bienveillance naturelle et caractéristique, lui a rendu hommage.
"Franck était super fort, ça l'a remotivé que je vienne devant. Il le mérite autant que moi, il m'a tiré sur le plat. C'est un grand talent, je lui dois beaucoup. Ce maillot est vraiment partagé", a salué le Français. "J'étais à mes limites. Quand j'ai vu l'écart avec le peloton dans la dernière ascension, je me suis dit que ça pouvait le faire", a expliqué son coéquipier.
S'il devrait garder le maillot jaune jusqu'à mardi matin, la quatrième étape dans les Alpes pourrait l'en déposséder. Mais qu'importe, avec ce maillot jaune Romain Bardet a rempli l'un de ses derniers objectifs qu'il s'était fixé. "Honnêtement j'en avais fait le deuil", a avoué le premier maillot jaune de cette 111e édition.
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