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Trois conseils aux entraîneurs de foot pour s'exprimer après un match

Cette semaine, plusieurs coachs de clubs français ont commis un hors-jeu devant les micros. L'analyse de Patrick Chanceaulme, spécialiste de la communication et ancien joueur. 

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'entraîneur du PSG, Carlo Ancelotti, lors d'une conférence de presse, le 10 janvier 2013, à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines). (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

"Les entraîneurs doivent apprendre la communication. Ça fait partie de leur métier, mais la plupart d'entre eux ne la maîtrisent pas." Joint par francetv info, Patrick Chanceaulme, ancien joueur devenu spécialiste de la communication managériale, auteur du livre Les entraîneurs sont-ils entraînés ? (Coll. New PEPS) n'y va pas par quatre chemins pour décrypter le message de trois entraîneurs de clubs français cette semaine. Etude de cas.

Accabler ses joueurs après le match, ça ne marche pas

L'entraîneur du PSG, Carlo Ancelotti, lors du quart de finale perdu par son équipe face à Evian-Thonon-Gaillard, à Annecy (Haute-Savoie), le 17 avril 2013.  (PHILIPPE DESMAZES / AFP)

Mercredi 17 avril, après la défaite de son équipe face à Evian-Thonon-Gaillard, en quarts de finale de la Coupe de France (1-1, 4-3 tab), Carlo Ancelotti déclare : "C'est une grosse déception surtout à cause de l'attitude de l'équipe qui n'était pas bonne. Nous n'avons pas eu de concentration, de caractère. Nous avons fait preuve de beaucoup de suffisance et avons raté trop de ballons et de passes."

L'analyse de Patrick Chanceaulme : "Utiliser le 'on' ou le 'nous' ne suffit pas. Il se met dedans pour se donner bonne conscience. Chaque joueur entendra  par voie de presse : 'j'ai été suffisant'. C'est curieux, car Carlo Ancelotti est un excellent communicant. Le pire aurait été de citer des noms en public, ce serait une faute professionnelle. La base de la communication managériale, c'est qu'on ne communique pas en négatif. Il aurait fallu dire : 'on aurait pu faire mieux'."

Critiquer l'arbitre, c'est contre-productif

L'entraîneur du RC Lens, Eric Sikora, lors du quart de finale de Coupe de France perdu par son équipe face à Bordeaux, à Lens (Pas-de-Calais), le 17 avril 2013.  (BAZIZ CHIBANE/SIPA)

L'entraîneur de Lens, Eric Sikora, s'est montré très virulent après l'élimination de son équipe contre Bordeaux (2-3) , toujours en quarts de finale de la Coupe de France : "Ce n'est pas à cause de lui [l'arbitre] que nous avons perdu, mais il a été nul. Dès qu'il y avait un Bordelais par terre, c'était faute pour eux. Cela a énervé mes joueurs, je les ai sentis agacés. Vous pouvez l'écrire, je serai convoqué, mais je n'en ai rien à cirer. Les arbitres ont toujours raison, même quand ils ont tort, même quand on revoit les images. On ne peut rien leur dire."

L'analyse de Patrick Chanceaulme : "Un entraîneur doit apprendre à gérer ses émotions, apprendre à exprimer ses émotions sans en être dépendant. On peut exprimer de la colère sans se mettre en colère. Eric Sikora est encore sous le choc. Ce genre de déclarations ne le servira pas, lui ou le club. Les joueurs pourront penser que le jour où ils passent au travers, ils auront ce genre de traitement dans la presse. Un manager est jugé lors des 5% de situations où il est sous pression. Il existe des techniques de communication pour exprimer calmement la colère sans en passer par là."

Traiter ses joueurs de tocards avant le match, c'est risqué

L'entraîneur du Stade Rennais, Frédéric Antonetti, le 6 avril 2013 lors du match de Ligu1 perdu par son équipe face au PSG, à Rennes (Ille-et-Vilaine). (JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP)

Comment préparer la finale de la Coupe de la Ligue contre Saint-Etienne, samedi 20 avril, quand son équipe, Rennes, a enchaîné six défaites et deux nuls lors des huit dernières journées ? Frédéric Antonetti a tenté de blesser l'orgueil de ses joueurs et de se mettre dans la peau du Petit Poucet : "Nous ne sommes pas favoris, on est même les tocards de la finale. [...] On n'est même pas outsiders, on est tocards."

L'analyse de Patrick Chanceaulme : "Se faire valoir comme un outsider, c'est une stratégie assez banale. Mais là, le mot employé est blessant. A moins qu'il ait prévenu les joueurs en amont ? C'est un cas typique de micro-violence verbale commise en croyant bien faire. Frédéric Antonetti est conscient que les joueurs ne prêtent plus attention à son discours disant que Saint-Etienne est favori. Donc il veut surjouer. Mais l'effet inverse se produit. Quand le cerveau se sent attaqué par un propos négatif, il ferme la porte à la raison pour ne laisser place qu'au ressentiment. Un entraîneur a besoin d'être un grand leader positif pour que ses joueurs se dépassent. Le rôle d'un entraîneur est de cadrer et de rassurer les joueurs. Or, beaucoup n'encadrent les joueurs que de façon agressive, et ne les rassurent pas du tout."

Quels sont les modèles à suivre ? Patrick Chanceaulme cite spontanément le nom d'Arsène Wenger, l'entraîneur français d'Arsenal, ou de Joachim Löw, le sélectionneur de l'équipe d'Allemagne. "Il y a effectivement un retard en France. Mais davantage dans le foot que dans le rugby ou le basket, où les entraîneurs sont beaucoup plus conscients qu'ils doivent travailler leur communication", conclut-il.

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