: Vrai ou faux Faut-il vraiment manger trois produits laitiers par jour pour être en bonne santé ?
Les produits laitiers sont-ils vraiment nos amis pour la vie, comme le clame depuis des décennies un célèbre slogan publicitaire ? Un verre de lait, un morceau de fromage, un yaourt... Selon une idée reçue, il faudrait consommer trois produits laitiers par jour pour être en bonne santé. Mais est-ce une vraie indication nutritionnelle ou une croyance populaire sans fondement ? Franceinfo s'est penché sur la question pour démêler le vrai du faux.
La recommandation de manger – ou boire – trois produits laitiers par jour remonte au premier PNNS, Programme national Nutrition-Santé (PDF), lancé en 2001 par Bernard Kouchner, alors ministre délégué à la Santé. Ce plan vise à sensibiliser la population française aux conséquences de l'alimentation sur la santé. Dans le cadre de ce programme, 3,5 millions d'exemplaires d'un Guide alimentaire pour tous (PDF) sont distribués par l'assurance-maladie au début des années 2000. On y retrouve à 15 reprises la recommandation de manger "trois produits laitiers par jour", qui a longtemps figuré dans des publicités des industriels du secteur du lait. De quoi ancrer durablement cette idée dans nos habitudes alimentaires.
Une recommandation pour les jeunes uniquement
Depuis 2001, les préconisations nutritives ont cependant changé. Le site de Santé publique France, Mangerbouger.fr, préconise désormais "une consommation de produits laitiers suffisante, mais limitée". Pour les adultes, "deux produits laitiers par jour seront suffisants", selon les recommandations officielles. Pour les enfants, la quantité indiquée reste cependant de trois produits laitiers par jour. "Ils apportent du calcium et sont essentiels à la croissance et la bonne minéralisation des os", rappelle Santé publique France. Dans sa version actualisée en 2019, le PNNS (PDF) fixe désormais l'objectif que "100% de la population consomme au moins un produit laitier par jour", mais "moins de quatre produits laitiers par jour".
Si vous salivez déjà à l'idée de manger de la raclette deux fois par jour en toute quiétude, ne vous réjouissez pas trop vite. Les deux portions recommandées doivent être limitées en quantité et ne concernent pas les produits trop gras, comme le beurre. Les portions conseillées sont les suivantes : "150 ml de lait, 125 g de yaourt, 30 g de fromage", explique l'assurance-maladie. Attention, elles peuvent vite être dépassées : cette dose de lait est contenue dans un seul verre de taille moyenne. Pour ce qui est du fromage, une portion de 30 g correspond à 1/8e d'un camembert standard de 250 g.
Attention au gras, au sucre et au sel cachés
Tous les produits laitiers ne se valent pas en termes d'apports nutritionnels. Le beurre et la crème sont certes fabriqués à base de lait mais sont des matières grasses peu riches en calcium, prévient l'assurance-maladie. Les fromages sont eux en général plus salés et plus gras que les autres produits laitiers. Ceux à pâte molle, moins gras, sont à privilégier. Ainsi, l'Organisation mondiale de la santé préconise de limiter la consommation de graisses que l'on retrouve dans "les produits laitiers provenant des animaux ruminants comme les vaches, les moutons, les chèvres et les chameaux".
L'OMS rappelle aussi qu'une alimentation équilibrée ne doit pas contenir trop de sucres ajoutés. Attention donc au sucre contenu dans certains produits à base de lait, comme les yaourts aromatisés, les crèmes dessert ou les flans. En plus de contenir trop de sucre, ils "contiennent en général trop peu de lait, donc peu de calcium", avertit Santé publique France.
Un effet sur l'ostéoporose débattu
Les produits laitiers sont donc préconisés pour leur apport en calcium, qui contribue notamment à la santé des os. Chez les adultes, l'apport recommandé en calcium est de 900 à 1 000 mg par jour, selon l'Anses. A titre de comparaison, une portion de 30 g d'emmental contient environ 300 mg de calcium. Mais les produits laitiers sont loin d'être la seule source de calcium dans une alimentation équilibrée et variée. Ce minéral est également présent dans les épinards, les sardines ou encore les amandes. Avec l'âge, les os deviennent plus fragiles et le risque d'ostéoporose augmente, particulièrement chez les femmes. Pour s'en prémunir, il est donc conseillé aux personnes âgées d'augmenter leurs apports de calcium, notamment en consommant des produits laitiers.
L'impact du lait sur la prévention des fractures reste cependant sujet à discussion au sein de la communauté scientifique. Une autre étude, menée sur un échantillon de la population suédoise et publiée en 2014 dans le British Medical Journal, a conclu que la consommation de lait pouvait augmenter les risques de mortalité et de fractures. A l'inverse, une étude, menée sur plusieurs milliers de pensionnaires de maisons de retraite en Australie et parue en 2021, a montré que l'augmentation de l'apport en calcium grâce aux produits laitiers permettait de réduire le risque de chutes et de fractures. Toutefois, selon une synthèse de travaux scientifiques portant sur l'impact des produits laitiers sur l'ostéoporose, réalisée à l'université de Téhéran (Iran) et publiée en 2019 dans la revue Critical Reviews in Food Science and Nutrition, l'effet positif des laitages sur la solidité des os n'est pas clairement établi.
Mais au-delà de la solidité des os, les produits laitiers ont d'autres bienfaits sur la santé, affirme Marie-Caroline Michalski, directrice de recherche à l'INRAE (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement) et spécialiste des lipides laitiers. "Les lipides polaires, que l'on retrouve dans les produits laitiers, participent à la régulation du métabolisme et du cholestérol", explique par exemple la chercheuse. De plus, "la consommation de yaourt a un effet positif sur la réduction du risque de diabète", assure-t-elle. Enfin, Marie-Caroline Michalski rappelle que le calcium joue un rôle important dans l'organisme, pas seulement sur les os : "Chez les personnes âgées particulièrement, le calcium est nécessaire au bon fonctionnement des muscles."
Une intolérance au lactose chez certains adultes
Pour autant, pour une bonne partie de la population mondiale, ces recommandations sont à relativiser. En effet, selon une étude réalisée à l'université de Bergen (Norvège) et publiée en 2017 dans la revue The Lancet, 68% de la population sur Terre est intolérante au lactose à l'âge adulte. Si, à la naissance, les nourrissons synthétisent une enzyme, la lactase, qui permet au lactose contenu dans le lait d'être digéré, à l'âge adulte, les humains, comme tous les mammifères, n'ont plus besoin de boire le lait de leur mère. La plupart perdent donc leur capacité à sécréter de la lactase, ce qui les rend intolérants au lactose, rappellent ces travaux scientifiques.
Ce phénomène est particulièrement marqué dans certaines régions du monde, comme l'Asie, le Moyen-Orient ou l'Afrique subsaharienne. En revanche, en Europe du Nord, la majorité de la population peut digérer le lactose. Au Danemark, seule 4% de la population est intolérante au lactose, selon The Lancet. Comment expliquer cette spécificité ? D'après le Muséum national d'histoire naturelle, cette capacité à boire du lait vient d'une mutation génétique héréditaire, qui permet de synthétiser de la lactase tout au long de la vie. Avec la domestication et le développement de l'élevage, les ancêtres des Nord-Européens avaient du lait animal à leur disposition. Lors des famines, être capable de boire du lait sans tomber malade était un avantage évolutif. Le gène responsable de la mutation s'est ainsi transmis au point de devenir majoritaire dans la population, explique une étude parue dans la revue Nature en juillet 2022.
Le verre de lait est donc fortement déconseillé pour une très grande partie de la population mondiale. En ce qui concerne les yaourts et les fromages, quasiment tous les adultes peuvent en consommer, car lors de la fermentation de ces laitages, le lactose disparaît presque totalement. Enfin, le calcium peut aussi se trouver dans d'autres aliments non dérivés du lait, à l'instar du chou fermenté. Le kimchi sud-coréen, par exemple, est, comme l'explique une étude parue en 2017, riche en calcium et très consommé dans certains pays d'Asie.
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