Moins de 3 facultés de médecine sur 10 agissent pour leur indépendance vis-à-vis de l'industrie pharmaceutique, selon une étude
Très peu de facs de médecine en France garantissent à leurs étudiants une indépendance vis-à-vis des laboratoires. C'est ce qui ressort d'une étude publiée mardi par le collectif indépendant Formindep.
Pour la première fois, les facultés de médecine ont été classées en fonction de l'indépendance qu'elles garantissent à leurs étudiants par rapport aux laboratoires pharmaceutiques. Ce travail, réalisé par le collectif Formindep qui regroupe des professionnels de santé, des patients et des citoyens, est basé sur 13 critères, tels que les cadeaux donnés par l'industrie aux étudiants, la présence de conférenciers financés par l'industrie dans les facultés, les professeurs ayant des conflits d'intérêts ou encore le versement par l'industrie d'indemnités aux personnels des facultés pour des déplacements.
Très peu d'initiatives pour garantir une réelle indépendance
Selon cette étude, sur 37 facultés, 28 ne font pratiquement rien pour lutter contre les laboratoires pharmaceutiques qui interviennent directement ou indirectement auprès des étudiants. Parmi les 9 facultés qui ont pris des initiatives pour se prémunir contre les conflits d’intérêts, Lyon Est prend la tête du classement avec un score cependant modeste de 5 points, sur un maximum possible de 26. L'établissement refuse notamment toute intervention d'un industriel à la faculté mais aussi le versement par l'industrie pharmaceutique d'une taxe d'apprentissage.
Mais les industriels rentrent parfois par la petite porte. Lors d'une séance de travaux pratiques, "on faisait des colonies de bactéries et, ensuite, on testait des antibiotiques dessus, raconte Clément, étudiant en 3ème année qui ajoute : "Les supports de cours qui nous permettaient une interprétation de ce qu’on venait de faire étaient faits par l’industrie. Personnellement c’est quelque chose qui m’a gêné."
Ce qui me dérange le plus, c’est qu’on a de l’industrie pharmaceutique un peu partout dans nos études sans jamais réfléchir à quelles relations on devrait avoir pour pratiquer au mieux notre médecine
Clément, étudiant en 3e année de médecineà franceinfo
Une prise de conscience nécessaire pour éviter de nouveaux scandales sanitaires
Ce classement ne se veut pas punitif. Le Formindep espère qu'il va pousser les facultés à réfléchir pour mettre en place des garde-fous contre une présence trop massive de l'industrie pharmaceutique dans ses murs. "L'idée ce n'est pas de stigmatiser, mais d'inciter à des actions", assure Paul Scheffer, administrateur du Formindep et coordinateur de l’étude, mardi à franceinfo.
Malgré la fin du Mediator et les rapports parlementaires qui incitaient à des changements dans la formation initiale, pas grand-chose n'est fait
Paul Scheffer, coordinateur de l'étude du Formindepà franceinfo
Le problème de telles pratiques c'est "qu'il y a toute une culture au sein de la médecine selon laquelle l'industrie pharmaceutique ne pose pas de problème, selon laquelle son influence est tout à fait gérée et que c'est un partenaire de soins essentiel" indique Paul Scheffer. "Cela se traduit par de grands scandales comme le Mediator", explique-t-il. Et de rajouter "qu'il y en aura bien d'autres si cela ne change pas".
Aux États-Unis, des études comme celle du Formindep sont très répandues et cela a permis de faire changer les choses. "Cela est dû à l'implication, au niveau local, de chaque étudiant. En France, les étudiants de l'ANEMF (l'Association Nationale des Etudiants en Médecine de France) se bougent énormément depuis 2014 sur ces questions-là, donc on peut espérer un changement", estime Paul Scheffer .
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