A Hénin-Beaumont, PS et UMP à fond dans l'ombre des Fronts
La bataille est rude dans la 11ème circonscription du Pas-de-Calais, mais si les candidatures de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont mis sens dessus-dessous l'échiquier politique, elles n'ont pas découragé le PS et l'UMP.
Le TGV Paris-Lille les amène chaque jour de marché, et dans les allées entre les tomates et les layettes sous plastique, on n'entend parler que d'eux. A Hénin-Beaumont, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, qui s'affrontent pour le siège de député de la 11ème circonscription du Pas-de-Calais, captent la lumière et les caméras. Mais pas de quoi démonter les équipes PS et UMP.
Dans un rayon de soleil, Philippe Kemel, maire de Carvin et candidat socialiste à l'élection dans la circonscription, termine sa promenade-tractage à la "foire à la ferraille" de sa ville, sorte de convivial marché aux puces où l'on trouve de tout mais pas de ferraille. Puis l'édile, raide dans son costume gris, remet des "coupes" aux meilleurs puciers dans l'indifférence générale.
Lui essaie de "donner une âme à sa candidature". L'assemblée, répartie autour de grandes tables coincées entre la camionnette à pizza et les barnums blanc de l'espace buvette, reste concentrée sur son cornet de frites dégoulinant.
"Si on veut un territoire, on ne vient pas en train avec 10 caméras."
A quelques mètres derrière lui, pourtant, ses militants sont sereins. Comme Franck, petit bonhomme roux très souriant : "La candidature de Mélenchon ? De toutes façons il ne restera pas ici, c'est un coup de com', il n'a même pas d'adresse dans le coin !"
Quasi mot pour mot les critiques de la droite locale à l'encontre de Marine Le Pen : "Si on veut un territoire on s'y installe, on y scolarise ses enfants, on ne vient pas en train avec 10 caméras." Des deux côtés, on insiste de concert. "C'est un territoire qui a besoin d'un élu de terrain, d'une relation directe entre le citoyen et son député", martèle Catherine Génisson, sénatrice PS et patronne de la fédération du Pas-de-Calais. "On a des élus locaux très efficaces, on peut se passer d'étoiles filantes venues de Paris", vante Jean Urbaniak, candidat de centre-droit et maire de Noyelles-Gaudeau qu'il autodécrète "ville très bien gérée".
"De toute façon, la gauche n'est pas en danger ici", reprend Franck, qui cite des sondages donnant son candidat Philippe Kemel mieux placé que Jean-Luc Mélenchon pour battre Marine Le Pen au second tour, "60-40 pour nous, 55-45 si c'est lui, alors tant mieux si les communistes reprennent de l'énergie!"
"Le Front républicain s'essouffle"
De quoi faire pâlir Pierre Ferrari, un petit air de premier de la classe, et pourtant dissident vent debout contre la "fédération 62" du Pas-de-Calais, mise en cause dans de nombreues affaires. Le "socialiste de cœur" exclu du PS alors qu'il demandait que le ménage soit fait milite avec, dit-il, "138 autres résistants" pour que le PS s'efface derrière le Front de Gauche, afin de battre Marine Le Pen.
"Si on est divisés avec en plus la candidature écolo", le trentenaire prend une grande inspiration d'effroi, "je ne sais pas où ça peut mener!" Et de répéter inlassablement pour souligner la menace : "Le Front républicain s'essouffle et Marine Le Pen est arrivée en tête dans 9 communes sur les 14 de la circonscription au 1er tour de la présidentielle."
Mais pas de quoi inquiéter les socialistes "officiels", récemment reboostés par le ralliement de justesse de Jean-Pierre Corbisez, un maire voisin auteur d'un recours en interne contre l'investiture de Kemel pour tricherie. "Il a dit qu'il mettait ses militants à notre disposition pour la campagne, ça va rééquilibrer sur le terrain", se réjouit Francis, 46 ans, photographe de la campagne de Philippe Kemel. Et de se féliciter : "Finalement, Mélenchon aura permis aux socialistes de se retrouver!"
Mélenchon, la "bonne nouvelle" pour la droite
Une aubaine aussi pour Nesredine Ramadani, le candidat investi par l'UMP, qui souligne petit sourire satisfait aux lèvres : "ça divise encore un peu plus la gauche, c'était la bonne nouvelle, la cerise sur le gâteau." Mais le gâteau, c'est surtout ce qu'il vient de réaliser en devenant suppléant du candidat de centre-droit Jean Urbaniak.
L'alliance a été officialisée mercredi 16 mai et l'ex-militant associatif en a les yeux qui pétillent : "ça a été un long cheminement mais je crois qu'il faut montrer qu'on est capable de mettre de côté ses ambitions pour servir l'intérêt des citoyens.""Le rassemblement des démocrates pour l'intérêt des territoires", récite Urbaniak, brièvement élu député en 1995, alors qu'il était le seul candidat de la droite dans la 11ème.
Celui qui a abandonné l'étiquette MoDem pour pouvoir réunir "les droites républicaines" garde quand même le orange en cravate et sur ses tracts. Ce qui fait tout drôle à André, militant UMP qui les distribue, résigné: "Dans le secteur, on n'a pas trop le choix, c'est monopolisé par le FN et ça a toujours voté à gauche". Mais il "fait confiance à Monsieur Ramdani".
Le suppléant est bien plus enthousiaste. "En 2007, j'ai fait 13% et Urbaniak 13 aussi. On fera peut-être pas 26% mais bon même à 21 ou 22% c'est suffisant pour se maintenir au second tour", décrypte le prof d'histoire-géo qui espère grâce à l'opération pouvoir implanter un peu plus l'UMP dans le bassin minier, historiquement acquis à la gauche.
"Si on est on second tour, ils se démerdent!"
"Marine Le Pen dit 'c'est la somme des faiblesses' mais des faiblesses qui font un quart de la population j'en veux encore!", poursuit-il avant de reconnaître "ne pas avoir les moyens de se payer des sondages Ifop" pour situer son "attelage" dans les intentions de vote. Et si le duo atteint le second tour pas question de se désister, rêve-t-il déjà avec son franc-parler : "Si on y est, parfait ! Marine Le Pen n'a plus de réserve de voix et la gauche ils se démerdent entre Mélenchon débarqué de Paris et Kemel le technocrate!"
Le socialiste se bat pour arriver devant le candidat du Front de Gauche, qui devra alors se désister en sa faveur. Et pour pallier son déficit de notoriété, Philippe Kemel et ses équipes ont trouvé la parade. "On présente le tract du côté des remerciements de François Hollande pour son élection, puis on pose la candidature de Philippe Kemel, dans la continuité de l'élection du Président", explique Adrien, 18 ans, militant PS depuis quelques mois et déjà très appliqué dans sa chemise violet pâle et sa grande veste de costume.
"L'argument premier c'est la cohérence", confirme le candidat lui-même, qui compte bien récupérer dans trois semaines, les 29% d'électeurs d'Hollande au premier tour. Du coup, tous les militants arborent un peu partout sur leurs vêtements les autocollants rouges et blanc "FH 2012".
"On ne nous aura jamais autant ciré les pompes"
Même Marine Tondellier, la candidate verte rigole en tombant dessus au détour d'une allée : "Dites c'est fini la présidentielle, là, vous faites les fonds de stock ?" "Non on recycle!" entend-on du tac-au-tac. Parce qu'à Hénin-Beaumont vendredi matin, à part Marine Le Pen perpétuellement entourée d'une bulle de curieux et de journalistes et Jean-Luc Mélenchon, qui a préféré à la dernière minute aller faire du porte-à-porte à Rouvray, à quelques kilomètres de là, les autres équipes politiques, bien moins sollicitées, se sont croisées et recroisées dans une ambiance bon enfant.
Un bibelot dans une main, trois tracts différents dans l'autre, une jeune maman à fausses mèches blondes s'exclame : "En tous cas, on ne nous aura jamais autant ciré les pompes!"
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