A Saint-Merry, "pas de prédication" sur le mariage des homosexuels
Le 15 août, le prêtre de cette église parisienne a refusé de lire la prière du cardinal Vingt-Trois contre le mariage pour tous pendant son office.
SOCIETE - La petite église Saint-Merry, dans le 4e arrondissement parisien, se remplit lentement au son de l'orgue, couvert de poussière par les travaux de rénovation de la nef. Une petite quarantaine de paroissiens sont venus célébrer l'Assomption, mercredi 15 août, à 11 heures. Des personnes âgées, une ou deux familles et leurs enfants, des trentenaires en short, sandales et chemise estivale, sont venus écouter le prêtre Jacques Mérienne. Parmi eux, quelques couples homosexuels, comme à chaque office à Saint-Merry.
Cette église voisine du quartier gay du Marais n'est "pas une 'gay church' à l'américaine, uniquement réservée aux homosexuels", comme l'explique au Monde (article abonnés) Patrick Sanguinetti, président de David et Jonathan, une association d'homosexuels chrétiens. Mais elle ouvre chaque mois ses portes au groupe. Et en ce 15 août, Jacques Mérienne compte parmi les prêtres qui ont refusé de lire la prière "pour la France" et contre le mariage homosexuel que le cardinal André Vingt-Trois a envoyé à tous les évêques.
"On prie pour dire oui, pas pour dire non"
Dès les premières minutes de son office, le père Mérienne fait référence à "la polémique". "On prie pour dire oui, pas pour dire non", commence-t-il. Les mots "homosexualité" ou "mariage homosexuel" sont toutefois soigneusement évités, pour ne pas froisser les paroissiens de Saint-Merry, parmi lesquels certains sont peut-être opposés à la loi promise par François Hollande. Car "l'église est ouverte à tous", souligne-t-il.
Malgré "la polémique", Jacques Mérienne ne perd pas de vue le sens de l'Assomption. "Nous fêtons une femme, Marie, et c'est d'ailleurs un groupe de femmes qui a préparé l'office", dit le curé aux cheveux longs et grisonnants. "Cette polémique s'est d'ailleurs faite sans les femmes, comme si la question ne les concernait pas", déplore-t-il.
Pas de militantisme sous la nef de Saint-Merry, mais des appels "à la solidarité". "Nous prions pour que tu nous aides à reconnaître l'essentialité de l'amour de tous les couples, aussi divers soient-ils", demande une femme dans une prière à la Vierge Marie. Une prière partagée par la plupart des paroissiens, rassemblés autour d'un verre de jus de fruits à la fin de l'office.
Le mariage oui, et l'adoption ?
Là, les langues se délient. Face aux caméras des journalistes, ou bien entre eux, les croyants débattent, s'interrogent. Certains sont agacés de voir "la polémique" prendre le pas sur leurs prières. Ceux-là quittent d'ailleurs l'assemblée rapidement, évitant les caméras. Le mariage civil des homosexuels ne pose pas de problème à la plupart de ceux qui restent grignoter des chips et bavarder.
Le débat porte plutôt sur l'adoption, que le gouvernement compte également autoriser dès le printemps 2013. "Ce n'est pas une loi qui a inventé les familles homoparentales", peut-on entendre. "Vous réalisez la difficulté d'avoir un enfant et que votre compagne ou compagnon ne puisse pas le reconnaître ?", demande une quinquagénaire, derrière ses grandes lunettes rondes. "Oui, mais on ne sait pas comment grandissent les enfants de ces couples", avance son amie, plus sceptique. "C'est un sujet qui nécessite un débat sur la longueur, surtout pas de précipitation", conclut un jeune père de famille, entré dans l'église par hasard.
Les paroissiens semblent en tout cas se ranger à l'avis de leur prêtre, pour qui "il n'y a pas de prédication à faire", ni sur le mariage, ni sur l'adoption. Il regrette que "la prière envoyée aux chrétiens (soit) devenue un tract pour les citoyens" et craint en outre que la position de l'Eglise ne soit associée aux idées du Front national.
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