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Accords de compétitivité : travailler moins pour gagner moins ?

L'exécutif veut permettre aux entreprises de s'affranchir plus facilement des 35 heures pour s'adapter à la conjoncture économique. Une proposition qui hérisse pour les syndicats.

Article rédigé par Bastien Hugues
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un ouvrier de l'usine PSA de Mulhouse (Haut-Rhin) travaille sur une chaîne de montage, le 11 juin 2009. (DENIS SOLLIER / L'ALSACE / MAXPPP)

La mesure a été confirmée en catimini par François Fillon devant les députés de la majorité, mardi 10 janvier. C'est elle pourtant qui inquiète sans doute le plus les syndicats. A l'occasion du sommet pour l'emploi, mercredi 18 janvier, Nicolas Sarkozy devrait détailler aux partenaires sociaux le "pacte de compétitivité" auquel l'exécutif réfléchit actuellement. Ce dispositif doit permettre aux entreprises d'adapter le temps de travail - voire le salaire - en fonction du carnet de commandes. 

Une mesure déjà évoquée fin décembre par le ministre du Travail : Xavier Bertrand estimait que "quand ça ne va pas bien [pour l'entreprise], on peut adapter le temps de travail, s'il y a une garantie pour l'emploi", et travailler par exemple 30 heures seulement, "pas forcément payées 30 heures".

• Travailler moins (ou plus) en gagnant moins (mais pas plus)

Dans le détail, l'objectif de ces "accords de compétitivité" consiste à soutenir les patrons qui souhaitent, pour gagner en compétitivité, soit augmenter le temps de travail sans relever le salaire, soit maintenir le temps de travail en baissant le salaire, soit réduire le temps de travail ainsi que le salaire.

Des possibilités qui existent déjà, sous réserve de l'accord individuel de chaque salarié qui, en cas de refus et donc de licenciement économique, peut saisir les prud'hommes, souligne Le Monde. Cette fois, l'idée du gouvernement est de protéger les entreprises pour mettre fin à ce genre de recours.

• Les économistes sceptiques

La proposition laisse les économistes pour le moins dubitatifs. Membre de l'Observatoire français des conjonctures économiques, Marion Cochard pense qu'"elle fera reposer tous les aléas économiques sur les seuls salariés". "Elle ne sauvera pas de l'emploi à court terme, et ne constituera pas un bon compromis social à long terme, en particulier dans les petites entreprises", où les syndicats sont peu puissants, voire absents. Car a priori l'accord serait négocié entre direction et syndicats de l'entreprise.

Même son de cloche du côté de Mireille Bruyère. Maître de conférences en économie à l'université de Toulouse-2 et membre du collectif des Economistes atterrés, elle estime que la proposition s'attaque à "la dernière barrière de protection des salariés : le lien entre le salaire et le temps de travail". Assurant qu'"instaurer davantage de flexibilité ne crée pas plus d'emploi", Mireille Bruyère ironise : "Terminer le mandat du 'travailler plus pour gagner plus' par le 'travailler moins pour gagner moins', c'est quand même fort."

Professeur à l’université Aix-Marseille-II, l'économiste Gilbert Cette déplore également la précipitation dans laquelle la proposition a été faite. "Le problème, c’est que l'UMP a saboté le débat en annonçant à quelques jours du sommet social la nécessité de flexibiliser le marché du travail. Le pacte compétitivité-emploi du gouvernement n'est qu'un coup médiatique. Dommage", regrette-t-il sur le site Capital.fr. Et d'insister sur le besoin d'associer pleinement les partenaires sociaux à la réflexion sur ce sujet.

• Les syndicats furibonds

Les partenaires sociaux, justement, sont furieux. Le patron de Force ouvrière, Jean-Claude Mailly, a d'ores et déjà prévenu qu'il était hors de question que son syndicat discute de cette proposition. De son côté, la CGT a dénoncé il y a quelques jours dans Libération "une mesure purement électoraliste" et "un chantage à l'emploi". Et la centrale de s'étonner que "la seule proposition du gouvernement soit de chercher à faire baisser les salaires en épargnant les vrais responsables de la crise". Numéro deux de la CFDT, Laurent Berger dit également toute sa réticence : "La compétitivité est une question importante, mais elle ne se limite pas à une logique de coûts. C'est aussi une question d'investissements, de formation, etc."

De gauche à droite, Jean-Claude Mailly (FO), Jacques Voisin (CFTC), Bernard Van Craeynest (CFE-CGC), Bernard Thibault (CGT) et François Chérèque (CFDT) à l'issue d'une rencontre avec Nicolas Sarkozy, le 30 mars 2009 à l'Elysée.  (ERIC FEFERBERG / AFP PHOTO)

Pour justifier leur position, les syndicats ne manquent pas de brandir quelques exemples concrets, comme celui - médiatique - de l'usine de pneumatiques Continental de Clairoix (Oise). En 2007, ses salariés avaient été contraints d'accepter un retour aux 40 heures, avec jours fériés travaillés. Question, à l'époque, de vie ou de mort. Deux ans plus tard, le sacrifice s'est révélé inutile puisque Continental a fermé, malgré tout, son site picard, laissant sur le carreau quelque 1 200 salariés.

• Une réforme qui pourra difficilement être adoptée avant la présidentielle

Seuls les syndicats patronaux semblent en fait appuyer la mesure. La toute puissante Union des industries et des métiers de la métallurgie représente l'un de ses principaux défenseurs. Dans une interview aux Echos, la numéro un du Medef, Laurence Parisot, estime également que "lorsque la situation se dégrade, il faut trouver le meilleur équilibre possible entre temps de travail, salaires et emplois de façon à bouger ces paramètres".

Mais la piste pourrait bien ne pas avoir le jour avant la présidentielle. Car la loi, rappelle Le Monde, impose désormais que syndicats et patronat soient consultés avant une éventuelle modification du code du travail. Or, en raison de la campagne présidentielle, le Parlement devrait fermer ses portes début mars. Un calendrier serré, auquel le cabinet du ministre Xavier Bertrand lui-même ne semble pas croire : "Il s'agit de jeter des jalons pour une réforme future", indique d'ores et déjà son entourage, cité par Le Monde.

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