Affaire Aurore Martin : "Sans doute une initiative personnelle de Manuel Valls"
Michel Berger, coprésident du Comité de défense des droits de l'homme en Pays basque, s'interroge sur les motivations profondes de l'arrestation de la militante.
POLITIQUE – Aurore Martin a passé la frontière. Interpellée jeudi 1er novembre, la militante basque française a été remise aux autorités espagnoles. Elle faisait l'objet d'un mandat d'arrêt européen émis par Madrid il y a deux ans pour avoir participé à des réunions publiques de Batasuna, une organisation autorisée en France mais interdite en Espagne.
En France, beaucoup condamnent cette arrestation. Seize élus socialistes ont signé un texte commun pour dénoncer l'interpellation de la jeune femme et réclament son "retour immédiat sur le territoire français". Des manifestations de soutien ont notamment eu lieu à Mauléon et Bayonne (Pyrénées-Atlantiques).
Michel Berger est coprésident du Comité de défense des droits de l'homme en Pays basque. Contacté vendredi par francetv info, il dénonce une décision surprenante et soupçonne Manuel Valls d'avoir pris une initiative personnelle.
Francetv info : Etes-vous surpris par cette arrestation ?
Michel Berger : Oui. Dimanche dernier, on lisait dans la presse espagnole [dans El País] une déclaration du ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, qui appelle à la fermeté contre l'ETA après l'arrestation d'un de ses chefs à Mâcon (Saône-et-Loire), Izaskun Lesaka. Rien à voir donc, avec Aurore Martin. Et brutalement, jeudi soir, on apprend son arrestation alors qu'il n'y a rien de nouveau dans son dossier. Au début, elle était peut-être dans la clandestinité, mais elle était suivie depuis longtemps.
Mais il a fallu la retrouver pour l'interpeller…
Quand je lis "arrestation fortuite", c'est bidon ! Elle était pistée, comme tous les jours. Il y avait eu une tentative pour l'arrêter à Bayonne en juin 2011. Les policiers n'étaient pas très nombreux et des gens dans la rue l'ont aidée à monter dans un immeuble pour lui éviter d'être arrêtée. Mais depuis, plus personne ne parlait de l'interpeller. Les élus locaux n'ont jamais été informés d'un tel projet. Elle se rendait tous les jours à son travail à Bayonne.
Comment expliquez-vous cette arrestation ?
Quand il était candidat à la primaire socialiste, François Hollande a fait des déclarations à Hossegor, en juillet 2011. Il disait qu'il fallait respecter la loi, mais invitait tout de même à la clémence pour Aurore Martin, car elle ne représentait aucun danger. Faire traîner les choses permettait de calmer un peu le jeu.
Avec son élection, on pouvait donc penser que ça n'allait pas être pire qu'avec Claude Guéant ! Quelle est donc la raison de cette arrestation soudaine ? C'est sans doute une initiative de Manuel Valls. Est-ce que le ministre de l'Intérieur négocie quelque chose pour faire plaisir à Madrid ? Pour vendre des avions Rafale en échange ? C'est incompréhensible. Pour lui, les élus du Pays basque – dont des centristes et des UMP – sont comme des terroristes de l'ETA !
Vous avez croisé Aurore Martin ces derniers mois, lors de réunions pour évoquer le Pays basque. Vous a-t-elle semblé inquiète ?
Nous ne nous sommes pas livrés à des confidences de ce genre, mais je pense qu'elle a dû avoir très peur au début. Elle est menacée de huit à dix ans de prison en Espagne. C'est quelqu'un qui a continué à militer, qu'on voyait dans les manifestations ici ou là. Elle a continué à assister à des réunions de Batasuna, qui n'est pas interdit en France.
Qu'allez-vous réclamer à présent ?
Je ne vois pas très bien ce qu'on peut faire, à part signaler que cette arrestation est anormale et manifester [Michel Berger défilait à Bayonne vendredi soir]. On n'expulse pas un Français sans raison valable.
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