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Affaire Merah : les zones d'ombre autour de l'intervention du Raid

Au lendemain de l'opération de l'unité d'élite de la police, qui a duré 32 heures et a abouti à la mort du suspect des meurtres de Toulouse et de Montauban, plusieurs questions se posent.

Article rédigé par franceinfo
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Des hommes du Raid quittent le quartier de la Côté pavée, à Toulouse (Haute-Garonne), où était situé l'appartement de Mohamed Merah, le 22 mars 2012. (PASCAL PAVANI / AFP)

"Comment se fait-il que la meilleure unité de la police ne réussisse pas à arrêter un homme tout seul ?", s'interroge Christian Prouteau, fondateur du Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), une unité "concurrente" du Raid, qui intervient lui pour la police. Surpris que l'opération du Raid à Toulouse se soit terminée par la mort de Mohamed Merah, il critique vertement, vendredi 23 mars dans Ouest France, l'intervention de l'unité d'élite de la police. 

"En soixante-quatre opérations menées par le GIGN sous mon commandement, il n'y a pas eu un mort", rappelle-t-il. Pour l'avocat du suspect des tueries de Toulouse et Montauban, cette mort est "le résultat logique de la stratégie adoptée" par la police. "On l'a enfermé de plus en plus radicalement dans son autisme... Rien n'a été fait pour l'aider à rétablir (...) un dialogue", déplore Me Christian Etelin.

FTVi revient sur les questions que pose l'intervention de 32 heures du Raid. 

• Pourquoi l'assaut final n'a-t-il pas été donné plus tôt ?

Peu de temps après le lancement de l'intervention, dans la nuit de mardi à mercredi, les policiers essuient les premiers coups de feu du jeune homme retranché. Claude Guéant joint alors Nicolas Sarkozy, comme le rapporte Le Monde.fr : "A 3h30, j’ai appelé le président de la République pour lui dire que cela ne se passait pas bien. Des fonctionnaires de police avaient été blessés. J’ai aussi pu lui confirmer qu’il s’agissait bien de l’auteur des attentats", a expliqué ensuite le ministre de l’Intérieur. 

Les équipes du Raid amorcent ensuite des négociations avec le tueur mercredi. Mais dans la soirée, changement de ton. "A 22h45, il indique (...) qu'une reddition serait contraire à ses engagements et ses convictions", a relaté le procureur. "Il indique aux négociateurs du Raid qu'il veut mourir en moujahidine, les armes à la main, qu'il refuse d'être jugé." L'assaut final est lancé jeudi à 10h30. Mohamed Merah est tué une heure plus tard.

Le Raid avait pour consigne de "tout faire pour interpeller Merah vivant" et de ne"tirer qu'en légitime défense"a expliqué jeudi le procureur de Paris, François Molins. "C'est précisément parce que tout a été fait [dans ce sens] que l'opération a duré aussi longtemps, au péril du Raid, qui compte dans ses rangs cinq blessés", selon le magistrat. 

Aussitôt après l'opération, le député Jean-Jacques Urvoas, spécialiste de la sécurité au PS, a amorcé un début de polémique en critiquant le Raid avant de faire machine arrière. "Le Raid n'est donc pas capable, en 30 heures, d'aller chercher un individu seul dans un appartement ?", s'interroge-t-il sur Twitter pendant l'assaut, avant de rendre "hommage au courage" des policiers.

• Pourquoi le Raid n'est-il pas parvenu à rentrer chez Mohamed Merah dès mercredi ?

Mercredi à 3 heures du matin, les agents du Raid tentent une première fois de pénétrer dans l'appartement de Mohamed Merah, qui tire à travers la porte. Deux policiers sont blessés et un choqué. L'action échoue. Selon Jean-Dominique Merchet, journaliste à Marianne, spécialiste des questions de défense, les policiers du Raid ont utilisé un bélier pour défoncer la porte d'entrée, derrière laquelle le suspect semblait avoir placé un réfrigérateur. Résultat : "Cela donne le temps à Merah d'ouvrir le feu et de repousser le premier assaut", écrit-il sur son blog.

Des spécialistes s'étonnent aussi que le Raid n'ait pas utilisé d'explosifs pour rentrer dans l'appartement du tueur au scooter présumé. Il s'agit  là d'"une technique complexe... que le Raid maîtrise peu ou mal", explique le journaliste. Et surtout, selon Jean-Dominique Merchet, au moment de lancer le premier assaut, les policiers ne savent pas à quel endroit se trouve Mohamed Merah dans ce logement d'une trentaine de mètres carrés. Même, ils ignorent s'il est encore vivant.

• Pourquoi ne pas avoir attendu que le suspect sorte de chez lui ?

"On lui a laissé le choix du terrain, c'est-à-dire son appartement. Or, on savait qu'il allait en ressortir et il était possible de l'appréhender à ce moment-là", relève un spécialiste, cité par le journaliste de Marianne, sous couvert d'anonymat. 

"Il fallait le bourrer de gaz lacrymogène, assure de son côté Christian Prouteau, le créateur du GIGN. Il n'aurait pas tenu cinq minutes. Au lieu de ça, ils ont balancé des grenades à tour de bras. Résultat : ça a mis le forcené dans un état psychologique qui l'a incité à continuer sa 'guerre'""Cette opération a été menée sans schéma tactique précis. C'est bien là le problème", assène Christian Prouteau, soulignant que le Raid "aurait pu tendre une souricière" et "attendre que [Mohamed Merah] sorte et le coincer".

• Pourquoi l'assaut final a-t-il duré cinq minutes ?

Jeudi, en fin de matinée, le Raid parvient à ouvrir la porte de l'appartement. Mohamed Merah arrose alors d'une "trentaine de coups de feu" les policiers en progression, selon le procureur Molins. La riposte du Raid est longue et massive : elle dure cinq minutes. Le patron du Raid, Amaury de Hauteclocque, souligne : "[Mohamed Merah] est venu à l'engagement contre nous avec trois Colt 45 de calibre 11.43 alors que nous avions alors engagé uniquement des armes non-létales. J'avais donné l'ordre de ne riposter qu'avec des grenades susceptibles de le choquer", relève Le Monde.fr

Or, "le succès d'un assaut se mesure à sa rapidité, moins d'une minute en principe", explique Jean-Dominique Merchet, estimant que "quelque chose a donc mal tourné". "Les grenades incapacitantes ou des gaz peuvent être employés", souligne le spécialiste des questions de défense.

Autre interrogation : comment Mohamed Merah a-t-il pu sortir de sa salle de bain et assaillir lui-même les hommes du Raid, puis passer par la fenêtre ? "Le Raid s'est retrouvé en posture défensive : en clair, il a perdu l'initiative et se retrouve en difficultés", conclut le journaliste de Marianne.

Finalement, le suspect a été "tué" par des tireurs du Raid dans sa fuite par le balcon. "Atteint d'une balle dans la tête" dans le cadre de la "légitime défense", selon le procureur de la République de Paris.

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