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Allocation chômage : "On fait croire que les cadres se gavent, ce n'est pas vrai !"

Dans un rapport publié mardi, la Cour des comptes estime que l'assurance chômage favorise trop les cadres. Francetv info a demandé l'avis de leurs syndicats.

Article rédigé par Emilie Jéhanno
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des visiteurs patientent devant le stand Pôle emploi du salon de l'emploi d'Arras (Pas-de-Calais), en octobre 2012. (PHILIPPE HUGUEN / AFP)

L'assurance chômage favoriserait trop les cadres. C'est la conclusion que livre la Cour des comptes dans un rapport publié mardi 22 janvier. Une vingtaine de recommandations sont listées par les magistrats afin de combler le déficit de 18 milliards d'euros de l'assurance chômage prévu en 2013. 

La Cour des comptes préconise ainsi de baisser le plafond des allocations, fixé à près de 7 000 euros par mois pour les hauts salaires, et de diminuer progressivement les indemnisations perçues lorsque le chômeur se rapproche de la période de fin de droits. Des recommandations qui seront sur la table lors des nouvelles négociations de l'assurance chômage, attendues avant la fin de l'année.

Francetv info a posé trois questions aux syndicats de cadres, qui s'opposent à de telles mesures.

L'allocation chômage des cadres, une injustice sociale ?

"Le système français d’assurance chômage se caractérise par le fait que les droits ouverts sont largement proportionnels aux cotisations versées", appuie la Cour des comptes. Les indemnités sont donc généreuses pour les chômeurs ayant perçu des salaires élevés. D'autant plus que les indemnisations les plus longues sont réservées aux salariés les mieux insérés dans l'emploi. Pour la Cour, ce système "pose question en termes d'équité".

Un argument aberrant, estime le syndicat FO Cadres, qui ne veut surtout pas revenir sur ce principe. D'abord, parce que les plus hauts salaires "contribuent considérablement à l'assurance chômage", assure Eric Peres, secrétaire général du syndicat. "Il y a aujourd'hui 3,5 millions de cadres en France, sur 18 millions de salariés", rappelle-t-il. Et chez les cadres, le taux de chômage s'élève à un peu moins de 4%.

Cela reviendrait en outre à remettre en cause le principe de "celui qui cotise plus reçoit plus". "C'est un principe assurantiel. On fait croire que les cadres se gavent, mais ce n'est pas vrai ! assène Eric Peres. Les préconisations de la Cour des comptes risquent de porter un coup fatal à la solidarité. Cela revient à créer de l'instabilité dans le droit des salariés et à raboter le régime de protection sociale pour maintenir un mécanisme a minima."

"La justice sociale est déjà là, soutient Clémence Chuniamtcher, secrétaire nationale de CFTC Cadres. Il y a un aplanissement entre les plus hauts salaires, qui reçoivent un peu moins de 70% de leur revenu d'origine, et les plus bas salaires, qui en reçoivent 90%."

Faut-il s'aligner sur les pays de l'Union européenne ?

La Cour des comptes relève aussi que "dans les autres pays européens, le niveau de l’indemnisation est souvent beaucoup plus strictement plafonné". Pour un cadre de moins de 50 ans ayant perçu un salaire net mensuel de 7 200 euros, l’indemnité s’élève à 5 012 euros net, "soit un montant considérablement plus important que celui auquel peut prétendre une personne dans une situation similaire en Allemagne", où il toucherait environ 2 200 euros.

Pas question de s'aligner sur les pays de l'Union européenne, pour FO Cadres. "Comparaison n'est pas raison", dicte Eric Peres, pour qui le traitement plus favorable de l'assurance chômage est un facteur d'attractivité. "En France, on va bientôt manquer de salariés hautement qualifiés. En Allemagne, ils ont du mal à en trouver. Avoir ce système d'assurance chômage est une garantie de sécurité."

La comparaison avec l'Allemagne ne plaît pas non plus à Clémence Chuniamtcher. "Passer à un système allemand, ce n'est pas forcément une bonne chose, ce n'est pas du tout ce que l'on connaît", dit-elle. 

Quelle autre piste pour les futures négociations ? 

Mercredi matin sur RTL, le ministre du Travail, Michel Sapin, a prévenu : les partenaires sociaux "vont devoir, d'ici à la fin de l'année, mener des négociations pour trouver des solutions qui permettent de revenir à un déficit raisonnable en période de chômage".

FO Cadres propose par exemple d'augmenter les prélèvements des cotisations plutôt que de supprimer les allocations. "Dans l'optique d'avoir plus de justice, on peut imaginer une progression de la cotisation selon son niveau de revenus, avec une contribution supplémentaire si vous gagnez par exemple plus de 10 000 euros. Mais il ne faut pas bouger sur les allocations chômage des cadres", martèle Eric Peres. 

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