Trois questions sur la fermeture définitive du Marineland d'Antibes, plus grand zoo marin d'Europe
C'est la fin d'un demi-siècle d'histoire. Fondé en 1970, le Marineland d'Antibes (Côte d'Azur) ferme définitivement ses portes, dimanche 5 janvier. Le parc aquatique a fait rêver des générations de visiteurs avec ses ballets aquatiques d'orques et de dauphins. Il a même inspiré Jacques Audiard pour son film De Rouille et d'os (2012). "Tout ça est voué à disparaître", a déclaré son directeur, Pascal Picot, à France 3 Côte d'Azur. "On est amers, mais on est dans le respect de la loi et on agit en responsabilité." Reste à savoir ce que vont devenir les salariés et les animaux qui permettaient de donner vie au plus grand zoo marin d'Europe.
1 Pourquoi le parc ferme-t-il ?
Une loi contre la maltraitance animale promulguée en 2021 interdit la détention et la reproduction des cétacés en captivité, ainsi que leur participation à des spectacles d'ici 2026. Or, "90% des visiteurs choisissent de venir à Marineland pour admirer les représentations d'orques", a expliqué la direction dans un communiqué (lien PDF), début décembre. "Aujourd'hui, l'équilibre économique n'est plus garanti et nous n'avons pas d'autres choix que de fermer et de nous conformer à la loi et de l'appliquer", a expliqué Pascal Picot à ici Azur (anciennement France Bleu). "Il y a un vrai changement de regard [sur les animaux]", a réagi de son côté Louis Schweitzer, président de la fondation Droit animal éthique et sciences, saluant la fermeture du parc auprès du Parisien.
A cela s'ajoutent de "graves difficultés économiques" liées à une baisse de fréquentation, aggravée par la pandémie de Covid-19 : elle a été divisée par trois en dix ans, passant de 1,2 million de spectateurs en 2013-2014 à 425 000 en 2023-2024. Depuis plusieurs années, le parc faisait aussi face à des polémiques concernant les conditions de détention des cétacés. Deux orques sont mortes en 2023 : Moana, 12 ans, décédé d'une "septicémie bactérienne aiguë", et Inouk, 25 ans, morte après avoir ingéré un morceau de métal. Les orques ont pourtant une espérance de vie estimée à une soixantaine d'années.
2 Que vont devenir les animaux ?
Il reste à ce jour plus de 150 animaux dans le parc, un chiffre grimpant à 4 000 en comptant les aquariums avec leurs poissons et leurs coraux. La direction a affiché comme objectif "prioritaire" de "relocaliser l'ensemble de ses animaux dans les meilleures structures existantes à ce jour", a-t-elle assuré dans son communiqué de décembre. La réintroduction en milieu naturel des deux dernières orques françaises, Wikie (23 ans) et son fils Keijo (11 ans), a été écartée d'emblée. "Elles n'ont aucune des connaissances indispensables pour survivre en milieu naturel : elles ne connaissent pas les techniques de chasse, ni les endroits où elles ont des chances de trouver des proies", a expliqué Christophe Guinet, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l'espèce, au média spécialisé Reporterre.
Il avait été un temps question de les envoyer dans un zoo marin au Japon, où les spectacles de cétacés sont encore autorisés. Mais cette demande a été refusée fin novembre par la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, notamment en raison de standards nippons moins stricts que la réglementation européenne sur le bien-être animal. "La priorité est de privilégier le bien-être de Wikie et Keijo, qu’elles supportent leur déplacement et de faire en sorte que leur état de santé ne se dégrade pas", a redit la ministre vendredi au Parisien.
"C'est un soulagement", a réagi l'association One Voice, qui se dit également opposée à une autre option soumise par Marineland : un delphinarium à Tenerife, dans l'archipel espagnol des Canaries. "Cette solution pose un grave problème, a alerté la présidente de l'association, Muriel Arnal, auprès de franceinfo début décembre. Dans le parc maritime de Tenerife, "quatre orques en tout sont mortes ces quatre dernières années, dont une de 3 ans, une de 17 ans et une de 20 ans."
Un rapport d'inspection (lien PDF) remis en juin au gouvernement préconise le transfert des orques vers un sanctuaire en Nouvelle-Ecosse, au Canada, l'option privilégiée par One Voice. "Un sanctuaire, c'est l'opposé d'un delphinarium. Un delphinarium est là pour faire du business, pour attirer les visiteurs. Un sanctuaire, c'est uniquement pour les animaux", a plaidé Muriel Arnal. Toutefois, ce projet n'est pas encore opérationnel et la qualité de ses eaux fait polémique, selon Reporterre. "Il n'y a aucun sanctuaire aujourd'hui dans le monde capable d'accueillir des orques", a même tranché Agnès Pannier-Runacher, toujours auprès du Parisien.
Quid des dauphins, des loutres, flamants roses, otaries et requins du parc ? En octobre, la direction avait démenti le départ de dauphins en Asie, assurant que ce n'était pas "à l'ordre du jour". Elle a évoqué "un plan de relocalisation colossal" long de plusieurs mois et exigeant "une énorme logistique", auprès du Parisien. Les autres animaux seront probablement répartis "dans des parcs zoologiques en Espagne ou ailleurs" anticipe Christine Grandjean, présidente de l'association C'est assez !, également auprès du quotidien. "Mais je crains que la fermeture de Marineland ne se traduise aussi par des euthanasies". L'association lutte depuis 2014 contre la captivité des dauphins et des orques dans le monde entier, et épinglait régulièrement les conditions de détention des mammifères marins du Marineland sur Instagram.
3 Que vont devenir les employés ?
La fermeture du Marineland d'Antibes est "une mauvaise nouvelle économique", a déclaré Jean Léonetti, maire LR de la commune, sur BFMTV. Ce fleuron du tourisme azuréen laisse dans l'incertitude 103 employés permanents, ainsi que de nombreux prestataires et plus de 500 travailleurs saisonniers. Interrogé par ici Azur début décembre, le directeur du Marineland, Pascal Picot, a assuré son souhait de "négocier dans les prochaines semaines avec les partenaires sociaux les conséquences sociales de ce projet de fermeture". Interrogé sur d'éventuelles suppressions d'emplois, il s'est montré prudent : "Pour l'instant, il est prématuré d'en parler parce qu'en France, heureusement, on est bien encadrés". Dans son communiqué, la direction du parc avait promis de trouver "une solution personnalisée et individualisée pour chaque salarié concerné".
Fin décembre, une pétition a été lancée contre la fermeture du parc, recueillant près de 14 000 signatures. "Le directeur du parc Marineland ne pense ni aux employés ni au bien-être des animaux. Il souhaite les vendre à des fins commerciales, ce que nous refusons", ont assuré les auteurs, anonymes, qui se disent soutenus par des "touristes", "fans", "soigneuses et soigneurs".
Quant au site, situé dans le quartier de La Brague à Antibes, il devrait continuer à rester un parc ludique, tel que l'impose le plan local d'urbanisme en vigueur (PLU). Dès 2021, le député LR des Alpes-Maritimes Eric Pauget avait demandé au gouvernement l'élaboration d'un "plan Marineland" afin de financer et d'accompagner cette transformation, pour "assurer la reconversion économique du site" et "éviter que celui-ci ne devienne une friche", selon La Tribune Côte d'Azur.
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