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Bac 2022 : l’écrivaine Sylvie Germain menacée sur internet par des lycéens qui ont dû commenter un de ses textes

Un extrait du roman "Jours de colère" de l'écrivaine française a été proposé au bac de français. Depuis une semaine, des milliers d'élèves de première se déchaînent sur les réseaux sociaux sur l'extrait en question et sur l'auteure. Avec des propos souvent injurieux et parfois menaçants.

Article rédigé par Valentin Dunate
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des milliers de commentaires indélicats, injurieux, grossiers voire menaçants ont fleuri sur les réseaux sociaux, ici Twitter, depuis le déroulé de l'épreuve. (CAPTURE ECRAN TWITTER)

"Sylvie, sache que des millions de personnes te détestent", "J'ai fait du hors sujet par ta faute, ton texte il tournait en rond", "J'espère que t'es en fin de vie parce que je vais pas avoir la moyenne", "On va se donner rendez-vous dans la forêt nous aussi Sylvie tu vas voir" : voilà quelques un des milliers de commentaires adressés à l’endroit de l’écrivaine française Sylvie Germain. En cause, un extrait de son roman Jours de colère, pour lequel elle a reçu en 1989 le Prix Femina, et proposé aux élèves de première à l’épreuve du baccalauréat général de français cette année.

Menacée sur Twitter, Instagram et TikTok

Le texte d’une vingtaine de lignes décrit neuf frères, sorte d’hommes des bois élevés dans les forêts du Morvan à une période passée indéterminée. Il s’agissait pour les élèves d’interroger la manière dont ces neuf individus ont été façonnés par l’environnement dans lequel ils ont évolué. Un choix jugé difficile, voire incompréhensible, par certains candidats qui devaient disséquer cet extrait et qui n'hésitent donc pas depuis une semaine à menacer directement l'auteure sur Twitter, Instagram ou TikTok.

De nombreux internautes ont donc pris la défense de Sylvie Germain en dénonçant la violence gratuite et le faible niveau scolaire des candidats concernés.

Dans une interview donnée à nos confrères du Figaro Etudiant, Sylvie Germain, relativise, estimant n’être qu’un "prétexte", sans se sentir concernée "personnellement".

"Je suis plutôt inquiète du symptôme que cela révèle. Ils veulent des diplômes sans aucun effort."

Sylvie Germain

à franceinfo

"Ils se clament victimes pour un oui pour un non et désignent comme persécuteurs ceux-là mêmes qu’ils injurient et menacent", poursuit l'écrivaine, qui n'avait pas été prévenue que son texte avait été choisi, confidentialité des sujets d'examen oblige. Et pose la question : "Quels adultes vont-ils devenir ?"

Voici l'extrait proposé aux élèves : 

"Ils étaient hommes des forêts. Et les forêts les avaient faits à leur image. À leur puissance, leur solitude, leur dureté. Dureté puisée dans celle de leur sol commun, ce socle de granit d’un rose tendre vieux de millions de siècles, bruissant de sources, troué d’étangs, partout saillant d’entre les herbes, les fougères et les ronces. Un même chant les habitait, hommes et arbres. Un chant depuis toujours confronté au silence, à la roche. Un chant sans mélodie. Un chant brutal, heurté comme les saisons, - des étés écrasants de chaleur, de longs hivers pétrifiés sous la neige. Un chant fait de cris, de clameurs, de résonances et de stridences. Un chant qui scandait autant leurs joies que leurs colères.

Car tout en eux prenait des accents de colère, même l’amour. Ils avaient été élevés davantage parmi les arbres que parmi les hommes, ils s’étaient nourris depuis l’enfance des fruits, des végétaux et des baies sauvages qui poussent dans les sous-bois et de la chair des bêtes qui gîtent dans les forêts ; ils connaissaient tous les chemins que dessinent au ciel les étoiles et tous les sentiers qui sinuent entre les arbres, les ronciers et les taillis et dans l’ombre desquels se glissent les renards, les chats sauvages et les chevreuils, et les venelles que frayent les sangliers. Des venelles tracées à ras de terre entre les herbes et les épines en parallèle à la Voie lactée, comme en miroir. Comme en écho aussi à la route qui conduisait les pèlerins de Vézelay vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Ils connaissaient tous les passages séculaires creusés par les bêtes, les hommes et les étoiles.

La maison où ils étaient nés s’était montrée très vite bien trop étroite pour pouvoir les abriter tous, et trop pauvre surtout pour pouvoir les nourrir. Ils étaient les fils d’Ephraïm Mauperthuis et de Reinette-la-Grasse."

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