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Cécile Duflot attaquée pour sa "catholiphobie"

"Honteuse" pour la droite, "injuste" pour les chrétiens, la demande de Cécile Duflot de réquisitionner des locaux de l'Eglise pour les sans-abri passe mal dans l'opposition.

Article rédigé par Christophe Rauzy
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Cécile Duflot, ministre du Logement et de l'Egalité des territoires, le 21 novembre 2012 à l'Assemblée nationale, à Paris. (PATRICK KOVARIK / AFP)

LOGEMENTS VACANTS - Deux semaines après "la manif pour tous" hostile au mariage des homos, l'UMP et l'opinion catholique se sont trouvées un nouveau point commun, lundi 3 décembre : leur opposition à Cécile Duflot. En demandant la réquisition de locaux de l'Eglise pour accueillir des sans-abri cet hiver, la ministre du Logement s'est attirée les foudres de la droite mais aussi de personnalités chrétiennes, malgré son passé de membre de la Jeunesse ouvrière chrétienne. Radiographie de ceux qui rejettent l'idée et la méthode de la ministre écologiste.

Les catholiques "agacés"

D'après ses représentants, c'est d'abord avec étonnement que le diocèse de Paris a pris connaissance de l'interview de Cécile Duflot dans Le Parisien. Sa lettre demandant à l'archevêché d'accueillir des sans-abri dans ses bâtiments vides, sous peine de réquisition, a ensuite "agacé" les responsables de l'Eglise dans la capitale. L'archevêché de Paris et la conférence des religieux et religieuses de France (Corref) ont réagi sans détour : "L'Église n'a pas attendu la menace de réquisition brandie par la ministre madame Duflot pour prendre des initiatives."

Comme le détaille Le Figaro, les représentants de l'institution religieuse ont alors effectué un inventaire des nombreuses initiatives catholiques en matière d'aide aux SDF à Paris. Particulièrement mise en avant, l'opération Hiver solidaire prévoyant l'ouverture de locaux appartenant aux paroisses pour héberger des SDF pendant l'hiver. Mais pour les chrétiens, ce qui passe le moins bien, c'est que l'Etat serait loin d'être irréprochable en matière d'hébergement d'urgence.

La droite "choquée"

Empêtrée dans le débat sans fin sur la présidence du parti, l'UMP a sauté sur l'occasion. Camille Bedin, secrétaire nationale à l'égalité des chances de l'UMP, écrit dans un communiqué : "Mme Duflot est dans la recherche de boucs émissaires, de gesticulations et de coups de communication pour donner l'impression d'agir."

Sur Twitter, certains anciens ministres ont également enchaîné les charges contre Cécile Duflot, notamment l'un de ses prédecesseurs, Christine Boutin.

Dans la foulée, la présidente du Parti chrétien-démocrate a accusé Cécile Duflot d'être atteinte de "catholiphobie", comme le relate Europe 1. Autre angle d'attaque de l'opposition, la légalité de la réquisition de biens appartenant à une institution religieuse.

Rejoignant l'opinion des défenseurs de l'Eglise, certains dénoncent également une récupération politique de la question de l'hébergement d'urgence. Selon le blogueur de droite Authueil, il s'agit d'une réponse "vicieuse" de Cécile Duflot aux catholiques hostiles au mariage des homos, une cause dans laquelle la ministre écologiste s'est particulièrement engagée.

Les associations remontées et mobilisées

Si le Secours catholique est passablement énervé, ce n'est pas contre la possible réquisition des biens de l'Eglise. Tout en rappelant que "les chrétiens sont engagés sur le terrain été comme hiver", Victoire Le Cœur, responsable hébergement et logement au Secours catholique, parle de "fausse polémique car Cécile Duflot a écrit à toutes les institutions susceptibles de fournir des hébergements d'urgence". Ce qui agace réellement l'association caritative chrétienne, c'est le manque de solutions du gouvernement pour faire face à "la situation catastrophique de l'hébergement et du logement".

"Les réquisitions, c'est juste l'application de la loi, explique Victoire Le Cœur. Toutes les solutions sont bonnes à explorer pour faire face à un déficit de 900 000 logements en France. Mais c'est loin d'être suffisant et c'est surtout une demande qui arrive trop tard." Une analyse qui rejoint celle de la Fondation Abbé Pierre.

Les réquisitions : "pas la réponse à la crise du logemet" selon la fondation abbé Pierre (Francetv info)

De nombreuses associations travaillant dans l'hébergement d'urgence regrettent encore une fois une "gestion saisonnière" de la problématique : "On traite ces personnes comme des animaux qu'on met à l'abri pour l'hiver, puis qu'on jette à la rue au printemps."

Le Secours catholique se dit "déçu" car il espérait "un changement" avec le gouvernement actuel. Comme les 32 autres acteurs du Collectif des associations unies, il appelle à une mobilisation, mercredi 5 décembre à Paris, pour défendre "les oubliés de la République". Objectif : dénoncer la dégradation d'une situation où de plus en plus de femmes et d'enfants, mais aussi de salariés se retrouvent à la rue. "On veut mettre la pression sur Cécile Duflot et sur le gouvernement, affirme Victoire Le Cœur. L'urgence sociale, c'est maintenant, pas quand les hypothétiques logements sociaux seront sortis de terre." Avant la conférence sociale des 10 et 11 décembre, Cécile Duflot doit prier pour que les esprits des acteurs du logement s'apaisent.

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